Les patientes atteintes d’un cancer du sein peuvent développer des métastases dans le cerveau – ce qui signifie que leurs chances de survie sont encore plus faibles. Il est possible qu’il y ait des facteurs dans le sang qui permettent de prédire cette métastase.
Le cancer du sein est la tumeur maligne la plus fréquente dans les pays industrialisés. Il provoque le taux de mortalité associé aux tumeurs le plus élevé chez les femmes. Dans ce contexte, le fait que la tumeur soit métastasée ou non et la manière dont elle l’est ont une influence décisive sur le taux de mortalité et la durée de survie des patientes. Les mesures de dépistage et de prévention ont certes permis de réduire considérablement le taux de mortalité. Cependant, malgré les progrès réalisés en matière de diagnostic et de traitement, de nombreuses patientes continuent de mourir. C’est surtout la localisation de la tumeur dans le cerveau qui entraîne un taux de mortalité élevé et une dégradation massive de la qualité de vie. Malgré des recherches intensives, on en sait encore trop peu sur les liens entre le cancer du sein et ses métastases dans le cerveau.
Un groupe de travail de l’Université Julius Maximilian (JMU) et de l’Hôpital universitaire de Würzburg vient de faire des progrès dans ce domaine : l’équipe du Dr Carolin Curtaz (clinique gynécologique) et du PD Dr Malgorzata Burek (anesthésiologie) a publié ses nouvelles découvertes dans la revue Fluids and Barriers of the CNS.
Le rôle important de la barrière hémato-encéphalique
L’élément décisif pour que le cancer du sein se métastase dans le cerveau est que les cellules tumorales traversent la barrière hémato-encéphalique. Il s’agit d’une barrière naturelle dans les vaisseaux sanguins qui protège le cerveau des substances nocives présentes dans la circulation sanguine. Elle est produite par des cellules endothéliales hautement différenciées et maintenue en interaction avec d’autres cellules. Certains facteurs présents dans le sang des patientes atteintes d’un cancer du sein peuvent-ils influencer ou même endommager cette barrière protectrice naturelle ? Et ainsi favoriser le passage des cellules tumorales vers le cerveau ? C’est ce qu’ont étudié Carolin Curtaz et Malgorzata Burek.
Deux cytokines en concentration élevée
Pour ce faire, les chercheurs de l’USM ont utilisé des échantillons de sérum de patientes dont le cancer du sein s’était métastasé au cerveau et les ont comparés à des échantillons de patientes atteintes de tumeurs primaires, de métastases osseuses et de métastases viscérales. Ils ont également analysé le sérum de sujets témoins sans tumeur. Ils ont trouvé leur bonheur dans le domaine des cytokines : Chez les patientes présentant des métastases cérébrales, les concentrations de fractalkine (CX3CL1) et de BCA-1 (B cell-attracting chemokine 1, CXCL13) étaient élevées. Les cytokines sont des protéines produites par le corps humain. Ils agissent comme des messagers entre les cellules et jouent un rôle important dans la réponse immunitaire. Les cellules tumorales peuvent également produire des cytokines et ainsi influencer la communication entre les cellules.
Bon modèle in vitro de la barrière hémato-encéphalique
Les chercheurs ont ensuite étudié l’effet des échantillons de sérum sur la barrière hémato-encéphalique. Pour ce faire, ils ont utilisé une culture cellulaire. Pendant longtemps, il n’a pas été possible d’obtenir et de cultiver de manière fiable des cellules endothéliales du cerveau humain. Mais grâce aux progrès de la recherche sur les cellules souches, de bons modèles in vitro de la barrière hémato-encéphalique humaine sont désormais disponibles. Curtaz et Burek ont utilisé un modèle basé sur les cellules CD34+. Il a été établi à Würzburg en collaboration avec des chercheurs français. Le traitement de cette barrière hémato-encéphalique artificielle avec le sérum de patientes atteintes de métastases cérébrales a entraîné des modifications de l’expression des gènes et une augmentation de la perméabilité de la barrière aux substances testées.
Cela indique qu’il existe dans le sérum de ces patientes des facteurs qui peuvent modifier activement les propriétés de la barrière hémato-encéphalique. Leur détection dans le sang pourrait à l’avenir servir de marqueur pronostique pour prédire chez quelles patientes il faut s’attendre à des métastases cérébrales. Il n’est toutefois pas encore certain que ces facteurs soient les deux cytokines. Des analyses plus approfondies avec un grand nombre de patientes sont nécessaires. Actuellement, l’équipe des deux scientifiques continue à chercher des facteurs qui ont une influence sur la barrière hémato-encéphalique.
Publication originale :
Curtaz, C.J., Schmitt, C., Herbert, S. … Burek M. Les facteurs dérivés du sérum de patients atteints de cancer du sein avec des métastases cérébrales altèrent la perméabilité d’un modèle de barrière hémato-encéphalique humaine. Fluides Barrières CNS 17, 31 (2020). https://doi.org/10.1186/s12987-020-00192-6