Un patient de 43 ans arrête l’IPP après 14 jours de traitement, comme convenu avec le médecin. Les symptômes reviennent si violemment qu’il poursuit le traitement de son propre chef. Que faire ?
Contexte : le patient, âgé de 43 ans, a été victime de douleurs rétrosternales prononcées, de brûlures d’estomac et de régurgitations peu avant les fêtes de fin d’année. La gastroscopie a révélé une œsophagite de premier degré, de sorte qu’un traitement par IPP à la dose de 40 mg une fois par jour a été initié. Il a été convenu de suivre ce traitement pendant 14 jours, tout en respectant les recommandations alimentaires et les changements de style de vie spécifiques au RGO. Le fait de relever la tête du lit a également été discuté avec le patient. 6 semaines après l’initiation du traitement par IPP, le patient est venu en consultation pour signaler qu’il avait connu une excellente amélioration des symptômes après deux semaines de traitement par IPP et qu’il avait arrêté de prendre l’IPP comme convenu. Dès le lendemain, les symptômes, notamment les brûlures d’estomac, sont réapparus à un tel point qu’il a dû reprendre le traitement par IPP. Après une nouvelle période de 14 jours, une nouvelle tentative d’arrêt du médicament a eu lieu. Le patient a donc poursuivi le traitement et vient maintenant demander conseil en consultation.
Traitement et évolution : La nouvelle anamnèse montre qu’il n’y a pas d’alimentation à risque de RGO et qu’il n’est pas nécessaire de recommander une perte de poids si le poids corporel est normal. Il est plutôt difficile d’évaluer cliniquement chez ce patient si les symptômes récurrents sont des symptômes de rebond induits par l’arrêt des IPP ou s’il s’agit réellement de symptômes de RGO désormais chroniques. L’évaluation clinique suggère que les symptômes chroniques du RGO sont peu probables, d’autant plus que le patient n’a jamais souffert de brûlures d’estomac, de régurgitation ou d’autres symptômes du RGO au cours de sa vie. On peut donc considérer qu’il s’agit dans cette situation de troubles classiques liés au rebond. Le patient est donc informé que chez certains patients, l’arrêt des IPP peut s’accompagner de tels troubles de rebond et de la manière de les gérer. La procédure suivante a été définie avec le patient : Début d’un traitement à l’alginate, trois fois par jour, 30 minutes après le repas et, à partir du deuxième jour, réduction du dosage de l’IPP à un comprimé, un jour sur deux pendant une semaine, suivie de l’arrêt du traitement à l’IPP et de la poursuite du traitement à l’alginate pendant dix jours supplémentaires. 4 mois plus tard, le patient se rend au cabinet pour une autre raison, un état grippal, et indique, lorsqu’on l’interroge, que le schéma de désaccoutumance discuté a bien fonctionné et qu’il ne ressent plus de symptômes de reflux depuis lors.
Commentaire du professeur Martin Storr : Une médication avec des bloqueurs d’acide de type IPP est souvent initiée dans la pratique de la médecine générale pour soulager les symptômes du tractus gastro-intestinal supérieur. Souvent, il s’agit d’une tentative de traitement pragmatique et symptomatique, dans d’autres cas, la médication est justifiée par des résultats d’imagerie tels qu’une gastroscopie. Chez la plupart des patients, un traitement continu par IPP n’est pas nécessaire, de sorte qu’un arrêt rapide est souhaitable et semble médicalement justifié. Dans de nombreux cas, un traitement IPP de courte durée peut être arrêté sans problème, mais certains patients signalent une réapparition des symptômes peu après l’arrêt du traitement. Dans ce cas, un bon conseil s’impose, car il est souvent difficile de différencier cliniquement un médicament IPP permanent éventuellement nécessaire d’un phénomène de rebond. Le phénomène de rebond est une gêne liée au reflux qui peut survenir chez les patients après un traitement par IPP de plus de 7 jours. Ce phénomène de rebond est observé non seulement chez les patients, mais aussi chez les volontaires sains qui reçoivent un traitement par IPP dans le cadre d’études scientifiques. La question de savoir quelle est la procédure adéquate en cas de rebond n’a pas été suffisamment étudiée dans les études cliniques. Une approche thérapeutique élégante consiste à adopter un schéma d’élimination progressive, en utilisant de manière chevauchante un médicament qui n’entraîne pas de phénomène de rebond. Dans ce cas, les alginates sont cliniquement efficaces grâce à leur double mécanisme d’action : d’une part, ils présentent un mécanisme anti-reflux au niveau de la poche acide du cardia et, d’autre part, ils ont un effet protecteur de la muqueuse au niveau de l’œsophage. Il appartient à chaque prescripteur de décider du dosage et du type de schéma de sevrage qu’il recommande aux patients, car aucune étude clinique n’a été réalisée à ce sujet. Le schéma de sevrage décrit dans le cas présent vise un sevrage lent, en évitant de poursuivre trop longtemps la médication de sevrage qui se chevauche.
Littérature complémentaire :
- Wilkinson J, Wade A, Thomas SJ, et al : Essai clinique randomisé : une étude en double aveugle, contrôlée par placebo pour évaluer l’efficacité clinique et la sécurité des comprimés lavables d’alginate-antacid (Gaviscon Double Action) chez les patients atteints de maladie du reflux gastro-œsophagien. Eur J Gastroenterol Hepatol. 2019 Jan;31(1) : 86-93.
- Sauter M, Fox MR : The acid pocket – a novel target for the treatment of gastro-esophageal reflux disease. Z Gastroenterol. 2018 Oct;56(10) : 1276-1282.
- Coyle C, Crawford G, Wilkinson J, et al. : Essai clinique randomisé : ajout d’alginate-antacid (Gaviscon Double Action) au traitement par inhibiteur de pompe à protons chez les patients présentant des symptômes de rupture. Aliment Pharmacol Ther. 2017 Jun;45(12):1524-1533.
- Rohof WO, Bennink RJ, Smout AJ, et al : An alginate-antacid formulation localizes to the acid pocket to reduce acid reflux in patients with gastroesophageal reflux disease. Clin Gastroenterol Hepatol. 2013 Dec;11(12) : 1585-1591.