Une version entièrement révisée du guide S3 sur la dépression unipolaire, publié pour la première fois en 2009, a été publiée à la fin de l’année dernière. Quels sont les principaux changements ? Quel est le rôle du fournisseur de base ? Comment prendre en charge des groupes de patients spécifiques, par exemple les migrants souffrant de dépression, les patients âgés ou les femmes enceintes ? Nous avons résumé quelques changements importants.
Dans les lignes directrices, le chapitre sur les interventions psychosociales à bas seuil est particulièrement pertinent pour le médecin de premier recours. Ceux-ci sont décrits plus en détail pour la première fois. Dans les pays anglophones en particulier, les études se sont multipliées ces derniers temps pour vérifier l’efficacité de ces méthodes dans la dépression.
On peut faire une distinction entre les interventions d’auto-assistance guidée (“guided self-help”) et les interventions basées sur la technologie (une combinaison est également possible). La première n’implique pas la fréquentation de groupes d’entraide, mais plutôt l’utilisation, sous la supervision d’un médecin, de manuels et de livres d’entraide dérivés d’interventions fondées sur des preuves (généralement la thérapie cognitivo-comportementale) et spécialement conçus à cet effet. Cela correspond le plus au terme germanophone de “bibliothérapie”. Dans les études, ce type d’intervention se déroule généralement sur trois, voire six séances au maximum. Le contact avec l’expert est donc limité, se limite à un suivi de l’évolution et des résultats et a globalement un caractère de soutien. Cela suppose de la part du patient une certaine compétence dans le traitement de ces textes. D’autre part, cela permet de favoriser plus facilement la compréhension et la connaissance de la maladie par les proches.
Les offres basées sur la technologie comprennent des interventions par téléphone ou par ordinateur/Internet. La thérapie cognitivo-comportementale assistée par ordinateur, en particulier, a été étudiée et validée jusqu’à présent. Il s’agit d’un programme d’aide structuré dont le contenu est similaire à celui de la thérapie comportementale conventionnelle, mais qui est principalement transmis par CD-ROM, DVD ou Internet. Le contact thérapeutique se limite à une introduction au programme, à un bref monitoring, à des rappels/renforcements et à l’option de consultations supplémentaires. Des extensions vers les téléphones mobiles sont également possibles. Ces mesures peuvent également être utilisées pour augmenter un programme soutenu par un thérapeute. La variabilité des différents programmes électroniques est alors importante.
Le médecin généraliste a un rôle de coordination important à jouer en ce qui concerne les conseils et la mise en œuvre de ces mesures. Bien que le guide ne donne pas de recommandations concrètes sur l’utilisation de ces procédures, il énumère de nombreuses études qui suggèrent un effet positif des interventions.
Psychothérapie et pharmacothérapie chez les personnes âgées
Pour la première fois, la nouvelle ligne directrice aborde spécifiquement les besoins des patients âgés, qui sont souvent considérés comme problématiques pour la psychothérapie. Cela s’explique par les taux élevés d’abandon dus aux problèmes typiques liés à l’âge (transport en cas d’immobilité, comorbidités somatiques, déficiences sensorielles, etc.) Les auteurs soulignent toutefois qu’il existe désormais des adaptations des manuels de traitement en fonction de l’âge ainsi que des offres de soins pour les personnes à mobilité réduite, par exemple les interventions mentionnées, basées sur Internet. C’est pourquoi une psychothérapie doit également être proposée aux personnes âgées de 65 ans et plus (degré de recommandation A). Dans les formes sévères, l’association à une pharmacothérapie est recommandée (B). Dans ce groupe de patients également, la thérapie cognitivo-comportementale présente les preuves les plus complètes et les plus sûres, en plus de la thérapie de résolution de problèmes. La qualité des études randomisées contrôlées prises en compte est bonne à très bonne. En cas de troubles cognitifs légers et de dépression chez les personnes âgées, la psychothérapie devrait être proposée de préférence en tant que thérapie individuelle. (B).
En ce qui concerne la pharmacothérapie, les patients âgés peuvent en principe être traités de la même manière que les patients plus jeunes, mais avec une attention particulière aux effets secondaires ou à la tolérance. Pour les tricycliques, il convient de choisir une dose initiale plus faible (0).
Patients issus de l’immigration – une autre compréhension de la maladie et du traitement
Pour les patients issus de l’immigration, la ligne directrice indique qu’il est notamment utile d’inclure dans le traitement des rituels et des techniques spécifiques à la culture ou au pays (par exemple, la médiation). Si elles existent et si le patient le souhaite, elles peuvent être encouragées de manière ciblée dans le sens de ressources individuelles. La connaissance des représentations socioculturelles de la maladie et de la médecine joue également un rôle décisif dans l’anamnèse et le diagnostic, faute de quoi les diagnostics risquent d’être erronés et les traitements inadaptés (dans les cultures qui ont une conception holistique de l’âme et du corps, les troubles psychiques sont par exemple exprimés avant tout par le corps).
Il ne faut pas non plus oublier les risques spécifiques pour la santé liés à la migration elle-même (davantage d’événements de vie critiques, précarité du travail/du logement, exclusion sociale, instabilité des structures sociales, pressions à l’assimilation, etc.) Si l’on intègre ces facteurs spécifiques à la migration dans le concept de traitement et de maladie, il peut en résulter une prise de décision participative et, par conséquent, une adhésion accrue. En cas de troubles du langage, des thérapies non verbales (artistiques, ergothérapie) peuvent compléter l’offre et offrir une possibilité d’exprimer et d’aborder les problèmes émotionnels. Toutefois, il n’existe pas encore de données probantes dans ce domaine.
Quels sont les avantages de l’activité physique ?
Les recommandations relatives à l’entraînement physique et au sport constituent un autre thème de la nouvelle ligne directrice. Avec un niveau de recommandation B, les auteurs conseillent de soumettre les patients souffrant d’un trouble dépressif et ne présentant pas de contre-indication à l’exercice physique à un entraînement physique structuré et supervisé. Cependant, ni le type d’entraînement le plus efficace ni la durée/intensité optimale pour le traitement de la dépression n’ont été suffisamment clarifiés scientifiquement. Cela s’explique notamment par les problèmes méthodologiques rencontrés lors de la collecte des données (il est quasiment impossible de procéder à des tests en aveugle pour l’activité physique ; il est difficile de contrôler les conditions dans le bras de comparaison) et, par conséquent, par la grande hétérogénéité des études. Des études randomisées contrôlées de plus grande envergure et plusieurs méta-analyses suggèrent tout au plus un effet modéré de l’activité physique sur la dépression (exclusivement pendant la phase d’intervention). Le thaï-chi ou le qigong semblent également avoir des effets positifs sur les symptômes dépressifs.
Dépression pendant la grossesse
Un tout nouveau chapitre est consacré à la grossesse (“La dépression en période péri-partum”). Il s’agit notamment de la dépression ante- et post-partum. Pour des raisons éthiques, il n’existe pas d’études randomisées et contrôlées sur les éventuels dommages causés par la prise de médicaments pendant la période péri-partum. Les preuves proviennent d’études comparatives naturalistes et de rapports de cas. La plupart des études sur les risques potentiels prennent en compte les ISRS, suivis par les antidépresseurs tricycliques (ATC). Il existe peu de résultats concernant les nouvelles classes de médicaments et, par conséquent, aucune évaluation claire des risques.
Dans l’ensemble, l’évaluation du rapport bénéfice/risque doit être effectuée très soigneusement pendant la grossesse et l’allaitement. Dans tous les cas, une psychothérapie devrait être proposée en cas de dépression pendant la grossesse (B). Si la décision est prise de recourir à une pharmacothérapie, il convient d’administrer une monothérapie à la dose efficace la plus faible possible, sous surveillance régulière (il faut viser un faible taux de substance active efficace) et sans arrêt brutal. Les fluctuations des taux plasmatiques des médicaments pendant la grossesse doivent être prises en compte (0).
La paroxétine et la fluoxétine ne doivent pas être prescrites à nouveau en première intention pendant la grossesse en raison du faible risque de malformations (0). En raison de la tératogénicité potentielle et du risque de complications post-partum, il convient de ne pas réintroduire un traitement au lithium chez les patientes dont la grossesse est prévue (uniquement dans des cas isolés et après avoir été informées des risques) (0). Si l’on décide néanmoins de suivre un traitement au lithium (p. ex. poursuite d’un traitement en cas de risque élevé de récidive/suicide), la dose doit être répartie en plusieurs prises par jour afin d’atteindre un taux de lithium dans la fourchette thérapeutique inférieure. Le niveau de la substance active doit en outre être contrôlé fréquemment chez les femmes enceintes. La sertraline ou le citalopram ne semblent pas être associés à un risque accru de malformations structurelles. Il est toutefois conseillé de procéder à un diagnostic échographique fin du fœtus à la 20e semaine de grossesse.
Une psychothérapie ou une intervention psychosociale doit être proposée en ante ou post-partum aux patientes présentant un risque accru de dépression, c’est-à-dire ayant par exemple déjà connu des épisodes dépressifs (niveau de recommandation A). Une psychothérapie est également indiquée en cas de dépression post-partum déjà manifeste (A). Les ISRS et les ATC sont une option possible de pharmacothérapie pour les dépressions post-partum modérées/graves, bien entendu après une évaluation minutieuse des risques et des bénéfices (0).
L’entraînement physique peut améliorer les symptômes aussi bien en cas de dépression pendant (B) qu’après la grossesse (0), dans le sens d’une mesure complémentaire.
Risque accru après un accident vasculaire cérébral
Une nouvelle recommandation de grade B concerne le risque (nettement plus élevé) de dépression après un AVC ischémique ou hémorragique. Les patients ne doivent pas recevoir de prophylaxie antidépressive standard, sauf s’ils ont actuellement un diagnostic d’épisode dépressif. Cela s’explique par les rapports faisant état d’une augmentation de la survenue d’événements cérébrovasculaires sous traitement. Un suivi régulier des syndromes dépressifs est à privilégier. En cas de dépression manifeste après un AVC, une pharmacothérapie avec des substances non anticholinergiques est indiquée (B) – il existe des preuves empiriques pour la fluoxétine et le citalopram.
Source : DGPPN, et al. : S3-Leitlinie/Nationale Versorgungsleitlinie Unipolare Depression. Version longue. 2e édition, version 1 novembre 2015.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2016 ; 11(3) : 44-46