Le diagnostic d’onychomycose par histologie et/ou culture est obligatoire avant toute thérapie systémique. Si l’atteinte de l’ongle est inférieure à 50% sans atteinte de la matrice, un traitement topique est suffisant. Les dermatophytes font partie des agents fongiques les plus courants. Le traitement systémique de premier choix est la terbinafine. Le traitement systémique doit toujours être associé à un traitement topique. Il est nécessaire d’informer le patient sur les mesures d’hygiène.
L’infection fongique des ongles (onychomycose) est une pathologie dermatologique fréquente qui touche jusqu’à 20% des adultes. Les ongles des orteils sont beaucoup plus souvent touchés que les ongles des mains et les personnes atteintes présentent dans la plupart des cas une mycose interdigitée des pieds. Un seul, plusieurs ou rarement tous les ongles peuvent être touchés. Les agents pathogènes comprennent les dermatophytes (champignons filamenteux) ainsi que les moisissures et les levures. Les onychomycoses des orteils sont principalement causées par des dermatophytes (Trichophyton rubrum, le représentant le plus fréquent), alors que les onychomycoses des doigts sont plus souvent dues à des levures [1–3].
Comment se développe l’onychomycose ?
En règle générale, des facteurs prédisposants doivent être présents pour qu’une mycose des ongles se développe. Il s’agit notamment d’une prédisposition génétique, de l’âge et de l’angio- et polyneuropathie. Une tinea pedis est presque toujours présente simultanément. En outre, un environnement chaud et humide, des traumatismes récurrents, le diabète sucré, l’immunodéficience, le psoriasis des ongles et l’eczéma du pied peuvent favoriser les mycoses des ongles [4,5].
Clinique
La maladie commence généralement par une hyperkératose sous-unguéale, où se trouve la majeure partie des champignons. Plus tard, la plaque de l’ongle prend une couleur blanchâtre, jaunâtre et brunâtre. Par la suite, l’ongle peut se désintégrer en formant des miettes. Cela indique une infestation complète du lit de l’ongle et de la matrice, d’où les champignons pénètrent dans la plaque de l’ongle. On distingue différents types en fonction du mode d’infection :
- Type distal sous-unguéal : 90% des cas, agent pathogène le plus fréquent Trichophyton rubrum (Fig. 1)
- Type sous-unguéal proximal (Fig. 2)
- Type superficial blanc, principalement dû à Trichophyton mentagrophytes en Europe centrale (Fig. 3)
- Type endonyx : atteinte de l’intérieur de la tablette unguéale, la surface de l’ongle et le lit de l’ongle restant intacts ; de préférence par Trichophyton soudanense ou Trichophyton violaceum
- Onychomycose dystrophique totale (stade terminal)
Le diagnostic différentiel doit être posé avec le psoriasis des ongles, le lichen ruber, l’eczéma et les modifications post-traumatiques des ongles.
Diagnostic
Un diagnostic de laboratoire est facultatif avant un traitement topique, mais obligatoire avant tout traitement systémique. Deux méthodes d’investigation se sont entre-temps établies. D’une part, l’histologie et d’autre part, la microscopie directe avec culture. L’histologie permet de faire la distinction entre une colonisation et une infection (Fig. 4). La culture permet d’identifier précisément l’agent pathogène. Les principaux avantages et inconvénients des deux méthodes sont énumérés dans le tableau 1 . En raison des résultats souvent faussement négatifs de la culture, nous recommandons l’histologie comme méthode de diagnostic. Dans les cas complexes, les deux mesures diagnostiques peuvent être appliquées.
Comment obtenir du matériel de clouage ? Dans le type sous-unguéal distal, du matériel est prélevé sur le lit de l’ongle sous l’ongle affecté pour la culture, et l’ongle avec la kératose du lit de l’ongle est prélevé pour l’histologie. Pour les autres types d’onychomycose, le matériel unguéal peut être prélevé par biopsie punch. Cela ne nécessite pas d’anesthésie locale, mais la délicatesse nécessaire pour éviter les blessures du lit de l’ongle. La plaque de l’ongle doit être préalablement nettoyée pendant au moins deux semaines. 10 minutes avec un bain de mains ou de pieds tiède.
Thérapie
L’onychomycose doit-elle être traitée ? Une mycose des ongles peut être traitée, mais ce n’est pas toujours nécessaire. Pour le patient, l’onychomycose représente souvent un problème esthétique. Cependant, des douleurs peuvent survenir et limiter le patient dans ses activités sportives [6]. Il ne faut pas oublier que l’onychomycose est une maladie infectieuse. Le champignon peut se propager à la peau environnante ainsi qu’aux autres ongles et, dans certains cas, entraîner une onychodystrophie totale de tous les ongles. Il existe également un risque d’infection des personnes en contact. En présence d’un diabète sucré ou d’une immunosuppression, l’onychomycose peut favoriser une infection bactérienne telle que l’érysipèle [7].
Un traitement est tout à fait utile et souhaitable chez les jeunes patients afin d’éviter une dystrophie des ongles et/ou des mycoses cutanées récurrentes. Chez les patients plus âgés, il est tout à fait justifié de s’abstenir de tout traitement. La décision d’un traitement systémique doit être prise individuellement en fonction de la souffrance (douleur ? esthétiquement gênante ?), de l’âge, des comorbidités (maladie hépatique connue ? érysipèle récurrent ipsilatéral ?), après explication du profil d’effets secondaires et du taux élevé de récidives.
Conseils thérapeutiques pratiques : Le traitement nécessite de la persévérance et une bonne observance de la part du patient. Des mesures d’hygiène telles que le lavage régulier des chaussettes et des serviettes à au moins 60°C (de préférence 95°C) et le maintien des pieds au sec sont recommandées. L’ongle affecté doit être retiré autant que possible en le coupant ou en le limant. Si la plaque unguéale est très épaisse, de l’urée à 20-40% dans une base de pommade peut être appliquée de manière occlusive pendant au moins trois à cinq jours afin de ramollir l’ongle. La zone concernée peut ensuite être retirée de manière aussi atraumatique que possible à l’aide de ciseaux ou d’un scalpel.
Traitement topique : si moins de 50% de la plaque unguéale est touchée et que la matrice de l’ongle n’est pas atteinte, un traitement topique est souvent suffisant. Deux préparations de vernis à ongles ont fait leurs preuves : Ciclopirox 8% et Amorolfin 5%.
Ciclopirox 8% est appliqué 1× par jour ou 1× par semaine, selon le vernis à ongles utilisé : Ciclopoli® vernis à ongles (application 1×/d), Ciclocutan® vernis à ongles (application un jour sur deux le premier mois, 2×/semaine le deuxième mois, 1×/semaine à partir du troisième mois).
Amorolfin 5% est appliqué 1-2×/semaine.
Pour les deux substances actives, la durée du traitement est d’au moins 9 à 12 mois pour les ongles des orteils et d’au moins six mois pour les ongles des mains.
Traitement systémique : si plus de 50% de la plaque unguéale ou de la matrice de l’ongle sont touchés, un traitement systémique peut être appliqué après une détection positive des champignons par histologie et/ou culture (tableau 2).
Le traitement systémique de premier choix est la terbinafine (>40 kg 250 mg/d, 20-40 kg 125 mg/d). La durée du traitement est de trois mois pour les ongles des orteils et de 1,5 mois pour les ongles des mains. La terbinafine a un large spectre d’action et est notamment la plus efficace contre le trichophyton rubrum, la mycose des ongles la plus fréquente en Europe. Ce médicament est en principe bien toléré et présente le taux de récidive le plus faible. Les effets secondaires les plus fréquents sont les maux de tête et les nausées. Cependant, il peut également provoquer des troubles du goût réversibles et des modifications de la peau (exanthème, psoriasis, lupus subaigu) ainsi qu’une hépatite (fréquence 1/1000-10’000). Un contrôle des enzymes hépatiques (ASAT/ALAT) est recommandé avant le début du traitement et toutes les quatre à six semaines pendant le traitement. En cas d’augmentation des enzymes hépatiques, le médicament ne doit pas être administré ou doit être arrêté. En cas d’insuffisance rénale avec un taux de filtration glomérulaire inférieur à 50%, le traitement par la terbinafine n’est pas recommandé en raison de l’absence de données suffisantes.
L’itraconazole est considéré comme un traitement de deuxième intention pour les infections à dermatophytes, mais comme un traitement de premier choix pour les infections à Candida. Dans ce contexte, la thérapie pulsée est préférable à la thérapie continue, car elle est considérée comme plus efficace, avec moins d’effets secondaires et moins chère.
- Thérapie pulsée : une pulsation = 200 mg 2×/d pendant une semaine, puis trois semaines d’intervalle sans traitement. Durée du traitement des ongles des pieds : trois pulsations, pour les ongles des mains : deux pulsations.
- Traitement continu : 100 mg 2×/d. Durée du traitement des ongles des pieds : trois mois ; pour les ongles des mains : 1,5 mois.
Alternativement, le fluconazole 150-450 mg/semaine peut être utilisé jusqu’à la guérison de l’onychomycose. Une surveillance des enzymes hépatiques est recommandée lors d’un traitement continu par itraconazole ainsi que lors d’un traitement par fluconazole.
En raison des interactions fréquentes avec d’autres médicaments, la liste des médicaments du patient concernant les interactions avec l’itraconazole et le fluconazole (inhibiteurs du CYP3A4) doit être vérifiée avant le début du traitement.
Taux de réussite/récidive : le taux de réussite du traitement à la terbinafine (qui a un effet fongicide primaire) est d’environ la moitié à deux tiers des cas. Pour l’itraconazole, qui a une action fongistatique primaire, on observe un succès dans environ un tiers à la moitié des cas.
Un traitement systémique doit toujours être associé à un traitement topique. Cela permet de réduire de moitié le taux d’échec. Une récidive de l’onychomycose après un traitement réussi est observée dans environ un tiers à la moitié des cas après deux ans [8–11]. Pour réduire le taux de récidive, un traitement intermittent par des antifongiques topiques peut être tenté [12].
Littérature :
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- Foster KW, Ghannoum MA, Elewski BE : Surveillance épidémiologique des infections fongiques cutanées aux États-Unis de 1999 à 2002. J Am Acad Dermatol 2004 ; 50 : 748.
- Sigurgeirsson B, Steingrímsson O. Facteurs de risque associés à l’onychomycose. J Eur Acad Dermatol Venereol 2004 ; 18 : 48.
- Faergemann J, et al : Prédisposition génétique – comprendre les mécanismes sous-jacents de l’onychomycose. J Eur Acad Dermatol Venereol 2005 ; 19 Suppl 1 : 17.
- Elewski BE : L’effet de l’onychomycose à toenail sur la qualité de vie des patients. Int J Dermatol 1997 ; 36 : 754.
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- Wilsmann-Theis D, et al : New reasons for histopathological nail-clipping examination in the diagnosis of onychomycosis. J Eur Acad Dermatol Venereol 2011 ; 25 : 235.
- De Cuyper C, Hindryckx PH : Résultats à long terme dans le traitement de l’onychomycose à toenail. Br J Dermatol 1999 ; 141 Suppl 56 : 15.
- Piraccini BM, Sisti A, Tosti A : Suivi à long terme de l’onychomycose à toenail causée par des dermatophytes après un traitement réussi avec des agents antifongiques systémiques. J Am Acad Dermatol 2010 ; 62 : 411.
- Gupta AK, Ryder JE, Johnson AM : Méta-analyse cumulative des agents antifongiques systémiques pour le traitement de l’onychomycose. Br J Dermatol 2004 ; 150 : 537.
- Warshaw EM, St Clair KR : Prevention of onychomycosis reinfection for patients with complete cure of all 10 toenails : results of a double-blind, placebo-controlled, pilot study of prophylactic miconazole powder 2%. J Am Acad Dermatol 2005 ; 53 : 717.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2015 ; 26(1) : 10-13