Il n’y a actuellement pas de données probantes en faveur d’une substitution du calcium dans la population générale en bonne santé pour la prophylaxie primaire de l’ostéoporose. Si une légère augmentation de la densité osseuse a été mesurée, il n’est pas possible d’en tirer un effet cliniquement pertinent sur la population générale [1]. Au contraire, la recommandation d’un apport suffisant en calcium et vitamine D (Tableau 1) comme base de tout traitement de l’ostéoporose et comme prophylaxie primaire de l’ostéoporose dans les groupes à risque (Tableau 2) reste d’actualité. L’apport en calcium doit s’effectuer essentiellement par l’alimentation.
Le calcium et la vitamine D sont indispensables aux os. Sans eux, l’élaboration et le maintien de la structure osseuse ne serait pas possible. Il a déjà été démontré voici longtemps que la substitution en calcium (1,2 g/j) et en vitamine D (800 UI/j) chez des femmes âgées, postménopausées et institutionnalisées pouvait nettement diminuer la probabilité de fractures de hanche, de vertèbres et autres [2].
Vitamine D
La vitamine D est d’une part synthétisée dans la peau sous l’effet du rayonnement UV, d’autre part absorbée avec différents aliments tels que par exemple le poisson, la viande et les produits laitiers. Selon les normes internationales, un taux sérique >50 nmol/L est considéré comme suffisant, un taux <20 nmol/L comme carentiel (Tab. 3) [3]. Un déficit sévère en vitamine D entraîne une hypoparathyroïdie secondaire et, de ce fait, un affaiblissement de la structure osseuse, donc une tendance aux fractures accrue.
Les analyses indiquent une carence en vitamine D chez de nombreuses personnes de plus de 65 ans. La faculté de synthèse de vitamine D que présente la peau diminue avec l’âge, le taux cutané de 7-déhydrocholestérol à 70 ans n’est plus que le quart de celui observé à 20 ans. Même chez de jeunes gens, la synthèse de vitamine D n’est suffisante sous nos latitudes que pendant les mois d’été, et même seulement dans la peau blanche sans protection solaire.
Il a été démontré que la substitution en vitamine D diminue l’incidence de fractures de hanche et non vertébrales. Toutefois, cette mesure n’atteignait une signification statistique que pour les groupes recevant une forte dose (>800 UI/j) [4].
Il convient de vérifier le taux de vitamine D avant sa substitution et au cours de celle-ci (Tab. 4) [3].
La substitution en vitamine D passe en génral pour sûre et s’effectue aujourd’hui principalement per os, que ce soit avec une dose de gouttes quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle. Il ne faut compter sur une toxicité qu’à partir de >150 nmol/L. Les symptômes de surdosage sont nausées, vomissements, constipation, troubles sensoriels, perte de poids et calculs rénaux ou dépôts calcaires dans d’autres organes.
Calcium
Les recommandations de prise quotidienne de calcium changent ces temps-ci. L’Association suisse contre l’ostéoporose (ASCO) préconise actuellement la prise quotidienne de 1000–1200 mg de calcium, de préférence avec les repas pour assurer un apport régulier durant la journée. Le calcium est contenu dans le lait et les produits laitiers comme aussi dans les légumes, les céréales et l’eau minérale. Afin de calculer l’apport quotidien de calcium par la nourriture, divers tableaux sont à disposition en ligne (p. ex. calculateur de calcium sous www.ligue-rhumatisme.ch).
Dans diverses circonstances et en cas de différentes maladies, l’absorption entérale de calcium et de vitamine D diminue. Dans de tels cas, il convient d’abord de poser le diagnostic de la maladie en cause (p. ex. entéropathie) et d’éliminer ensuite si possible les facteurs de risque (Tab. 2). La prise d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) est à mentionner spécialement, car l’acide gastrique est indispensable à l’homéostase calcique. Un traitement prolongé par IPP ne diminue pas seulement la densité minérale osseuse, on sait qu’il augmente aussi le risque de fracture.
Le corps compense un apport insuffisant prolongé de calcium par une hypoparathyroïdie secondaire, un processus pathogène constaté aussi lors de la prise d’IPP. Il y a dès lors résorption du calcium osseux et par conséquent, diminution de la densité osseuse et donc hausse de la probabilité de fractures. Ces groupes de personnes tirent profit d’une substitution calcique régulière, de même que les patients sous glucocorticoïdes.
Le calcium fourni par les aliments n’augmente pas le risque cardiovasculaire [5]. Quelques études signalent même un très faible effet protecteur. Les résultats d’une substitution calcique ne sont cependant pas homogènes, ce qui est probablement dû aux différences de plan d’étude, de populations étudiées et de leurs habitudes alimentaires régionales. Dans l’ensemble, les populations à faible apport alimentaire en calcium et faible taux de vitamine D en profitent mieux. A l’inverse, les groupes de patients sous substitution en calcium doivent compter avec un risque cardiovasculaire accru, alors que ce risque n’a pas été décelé pour un apport alimentaire élevé de calcium.
Un effet secondaire potentiel est la néphrocalcinose. Celle-ci n’a jusqu’ici pas été étudiée en tant que critère de jugement principal, et la plupart des études ne mentionnent pas les calculs rénaux. Un seul travail indique une fréquence de 2,3% dans le groupe sous calcium par rapport à 1,9% dans le groupe sous placebo [6]. Les troubles gastro-intestinaux sont aussi évalués de manière différente, ils s’étendent de la constipation modérée jusqu’aux coliques aiguës pouvant nécessiter une hospitalisation. Mais là aussi, leur incidence n’est guère mentionnée.
Utilité pour la population générale
Il est par ailleurs incontesté qu’un apport suffisant de calcium associé à la vitamine D peut diminuer la fréquence de fractures chez des personnes âgée institutionnalisées. Cet effet est d’autant plus marqué que la carence en vitamine D et en calcium est élevée. Il est en revanche nettement plus discret dans la population générale en bonne santé. Six vastes études randomisées ont noté une légère augmentation de la densité osseuse (sans signification statistique). Les auteurs en concluent que le faible effet favorable de la substitution n’en justifie pas le coût et les possibles effets indésirables [7].
Bibliographie:
- Tai V, et al.: Calcium intake and bone mineral density: systematic review and meta-analysis. BMJ 2015; 351: h4183.
- Chapuy M, et al.: Vitamin D3 and Calcium to prevent hip fractures in elderly women. N Engl J Med 1992; 327: 1637–1642.
- Rizzoli R, et al.: Vitamin D supplementation in elderly or postmenopausal women: a 2013 update of the 2008 recommendations from the European Society for Clinical and Economic Aspects of Osteoporosis and Osteoarthritis (ESCEO). Curr Med Res Opin 2013; 29(4): 305–313.
- Bischoff-Ferrari HA, et al.: A pooled analysis of Vitamin D dose requirements for fracture prevention. N Engl J Med 2012; 367: 40–49.
- Waldmann T, et al.: Calcium and cardiovascular disease: a review. Am J Lifestyle Med 2015: 9(4): 298–307.
- Jackson R, et al.: Calcium plus Vitamin D supplementation on the risk of fractures. N Engl J Med 2006; 354: 669–683.
- Bolland MJ, et al.: Calcium intake and risk of fracture: systematic review. BMJ 2015; 351: h4580.
HAUSARZT PRAXIS 2016; 11(1): XX–XX