La télédermatologie a pris une importance croissante dans les pays germanophones ainsi qu’au niveau international. En tant que discipline à forte composante visuelle, la dermatologie se prête très bien aux applications de télémédecine. La ligne directrice S2k crée une base scientifiquement fondée pour les applications de télédermatologie et constitue ainsi une étape importante vers l’implémentation de procédures modernes dans les soins quotidiens.
Les recommandations des lignes directrices se réfèrent à différentes procédures de télédermatologie pour des maladies définies [1]. L’accent est mis sur les soins télédermatologiques du psoriasis, de la dermatite atopique et du cancer de la peau, ainsi que sur les plaies aiguës et chroniques. En outre, la ligne directrice donne des recommandations pour d’autres domaines d’application de la télémédecine en dermatologie. Il convient de noter que la mise en œuvre des recommandations dans des situations cliniques spécifiques doit être évaluée en tenant compte des circonstances individuelles liées au patient (par exemple, comorbidités, co-médication, contre-indications). Ci-dessous, un extrait du guide S2k [1] :
Psoriasis
Six études contrôlées au total ont été publiées sur la prise en charge télédermatologique du psoriasis. En résumé, il en ressort que le suivi télédermatologique des patients atteints de psoriasis, et notamment le suivi par photos ou vidéos, est efficace et bénéfique. Les questions relatives aux conseils aux patients et au contrôle de l’adhésion et de l’observance ont également reçu des réponses positives. Dans l’ensemble, les études mentionnées permettent donc de conclure à l’utilité des soins télédermatologiques de soutien dans le psoriasis. L’accent sera également mis à l’avenir sur le suivi des thérapies systémiques ainsi que sur le conseil et le soutien aux patients.
Consensus fort (100%)* :
- Un diagnostic initial du psoriasis sur la seule base d’un résultat télédermatologique ne doit pas être effectué.
- Il est possible d’obtenir des conseils d’aide au diagnostic dans le cadre d’une association B2B**.
- Une fois le diagnostic posé, le psoriasis peut en principe être examiné en présence du patient à l’aide d’une technologie “store and forward” ou en temps réel.
- Le diagnostic morphologique évolutif du psoriasis par télédermatologie ainsi que la collecte de critères d’évaluation rapportés par les patients tels que le DLQI et le prurit peuvent être recommandés.
- La détermination télédermatologique du PASI ne peut pas être effectuée en raison de l’impossibilité d’évaluer l’induration.
- La détermination de la surface corporelle affectée (BSA) et des composantes “érythème” et “desquamation” du PASI peut être effectuée par télémédecine.
- La transmission du SAPASI (self-assessed PASI) peut être utilisée pour le suivi par télémédecine.
- Le conseil complémentaire au patient sur les mesures à prendre au cours de la thérapie peut être recommandé aussi bien sous la forme d’une méthode “store and forward” qu’en mode temps réel.
* 2 abstentions
** B2B = lien business-to-business entre deux experts médicaux
Dermatite atopique et autres maladies de l’eczéma
Comme pour le psoriasis, les études contrôlées (4 au total) sur la dermatite atopique indiquent qu’il est possible et valide d’établir un bilan et donc de suivre l’évolution dans un cadre télédermatologique. Une question centrale est l’utilité et la rentabilité du conseil aux patients au cours des consultations vidéo en ligne. Aucune étude n’a encore été réalisée à ce sujet.
Consensus fort (100 %)*:
- Un premier diagnostic de la dermatite atopique sur la seule base d’un résultat télédermatologique ne doit pas être effectué.
- Les critères cliniques et anamnestiques de la diathèse cutanée atopique, y compris les stigmates atopiques (à l’exception du dermographisme), peuvent être recueillis par télédermatologie.
- Une fois le diagnostic posé, la dermatite atopique peut en principe être examinée au cours de l’évolution à l’aide d’une méthode “store and forward” ou d’une technologie en temps réel.
- Le diagnostic morphologique évolutif de la dermatite atopique par télédermatologie ainsi que le relevé des critères d’évaluation rapportés par les patients tels que le DLQI et le prurit peuvent être recommandés.
- La détermination de la surface corporelle (BSA) et des paramètres “érythème”, “lichénification” et “excoriation” peut être effectuée par télédermatologie.
- “Oedème” ne peut pas être suffisamment évalué par télédermatologie, ce qui ne permet pas de recueillir le SCORAD et l’EASI de manière appropriée.
- Le conseil complémentaire au patient sur les mesures à prendre au cours du traitement peut être recommandé aussi bien en mode store-and-forward qu’en mode temps réel.
* 2 abstentions
Cancer de la peau
Parmi toutes les indications dermatologiques, les lésions mélanocytaires et le cancer de la peau font de loin l’objet de la plus grande base de publication en dermatologie numérique, avec 52 travaux publiés [2]. Il existe des données suffisantes sur la validité et la praticabilité de l’envoi et de l’analyse de résultats de bonne qualité, ainsi que sur l’utilisation mobile et même sur le web [3,4]. Cependant, selon une méta-analyse complète, dans une partie des études, le diagnostic en présence du patient s’est avéré supérieur au diagnostic numérique [5]. L’indication doit donc être posée de manière différentielle et adaptée à la situation.
Consensus fort (100%)*:
- Le diagnostic primaire des lésions mélanocytaires sur la base des résultats de la télédermatologie peut être envisagé si les résultats morphologiques sont cliniquement clairs et si les informations anamnestiques et cliniques supplémentaires nécessaires peuvent être recueillies. En cas de doute clinique, un examen dermatoscopique doit être effectué. Elle peut être réalisée par télédermatologie ou en présence du patient.
- Le diagnostic primaire des lésions mélanocytaires sur la seule base des solutions d’IA ne doit pas être effectué.
- Le diagnostic primaire des lésions non-mélanocytaires, y compris les de la détection du carcinome basocellulaire (BCC) et du carcinome épidermoïde (SCC) sur la base de résultats télédermatologiques peut être envisagée si les résultats morphologiques sont cliniquement clairs et si les données anamnestiques et cliniques supplémentaires nécessaires peuvent être recueillies. En cas de doute clinique, un examen dermatoscopique doit être effectué. Elle peut être réalisée par télédermatologie ou en présence du patient.
- Le diagnostic primaire des lésions non mélanocytaires sur la seule base des solutions KIL ne doit pas être effectué.
* 2 abstentions
Plaies chroniques et aiguës
Outre les tumeurs cutanées, c’est pour les plaies chroniques que l’on trouve les meilleures données dans la littérature internationale [6]. La concordance entre les résultats morphologiques obtenus par télémédecine et les résultats obtenus en présence du patient est telle qu’un soutien par des résultats télédermatologiques peut s’avérer utile et sans danger, du moins pour les soins aux patients existants. L’accent est mis ici sur l’évaluation de l’évolution et la détection précoce des complications. Plusieurs études contrôlées montrent que la documentation et l’évaluation numériques des résultats des plaies ne sont pas inférieures à la documentation et à l’analyse en présentiel. Dans ces études, la qualité diagnostique des résultats numériques a été considérée comme équivalente à celle des résultats directs. Alors que l’utilité pratique du traitement des plaies par télémédecine dans le domaine des soins à domicile a été qualifiée de modérée dans une étude précoce [7], une étude de soins randomisée plus récente a montré un taux de guérison significativement plus élevé chez les patients atteints d’ulcères de jambe au Danemark lorsqu’un traitement télédermatologique de soutien était fourni par le centre clinique en plus du traitement ambulatoire de routine [8]. Ces résultats plaident en faveur de l’utilisation d’une infrastructure a) d’introduire la télédermatologie dans le parcours de soins des patients existants ; et b) de procéder à des préparatifs déjà guidés par la télédermatologie, comme la planification des mesures diagnostiques, avant les contacts présentiels dans un centre spécialisé.
Consensus fort (>75%)‡:
- Le diagnostic primaire des plaies aiguës et chroniques par télédermatologie peut être recommandé si les données cliniques, d’appareillage et d’anamnèse nécessaires à l’établissement du diagnostic sont disponibles.
- Le diagnostic primaire des plaies aiguës et chroniques par télédermatologie peut être recommandé si les données cliniques, d’appareillage et d’anamnèse nécessaires à l’établissement du diagnostic sont disponibles.
- Le contrôle de l’évolution des plaies au cours d’un traitement initié avec la technologie en temps réel peut être recommandé si la qualité des résultats d’imagerie est assurée. Il en va de même pour le suivi de la qualité des pansements et bandages.
- Le contrôle de la qualité et l’éducation par télémédecine lors de l’application de pansements et de systèmes de compression par le personnel soignant peuvent être recommandés comme mesure de soutien.
L’un des objectifs de la ligne directrice sur la télédermatologie est de fournir aux dermatologues un outil de conseil et d’aide à la décision basé sur des preuves pour la pratique clinique quotidienne et de contribuer ainsi à l’amélioration des soins. La ligne directrice a été rédigée sur la base d’une recherche documentaire systématique et d’un résumé des données probantes du guide de télédermatologie. Dans le cadre d’une conférence de consensus, les propositions de recommandations et les messages clés ont fait l’objet d’un consensus en utilisant un processus de groupe nominal. La version actuelle de la ligne directrice a été définitivement adoptée le 04/02/2021 après examen par la commission 2+2 de la Société allemande de dermatologie et de l’Association professionnelle des dermatologues allemands et est valable jusqu’au 31/12/2024 [1]. La ligne directrice, y compris la base bibliographique complète, est disponible à l’adresse suivante : www.awmf.org/uploads/tx_szleitlinien/013-097l_S2k_Teledermatologie_2021-03.pdf |
Autres applications dermatologiques
Compte tenu du nombre extrêmement élevé de maladies cutanées différentes, il n’est pas surprenant que les maladies rares n’aient généralement pas fait l’objet d’études systématiques sur l’efficacité et les avantages de la télémédecine. D’autre part, compte tenu du nombre souvent restreint de spécialistes en dermatologie et de la surcharge fréquente des médecins de premier recours, ce sont précisément les concepts diagnostiques qui revêtent une importance potentiellement considérable. L’étude de Heidenheim au Danemark/Îles Féroé [9], qui a montré la valeur ajoutée du diagnostic de suspicion par les dermatologues dans les soins de santé primaires, peut être considérée comme un exemple de soutien approprié aux médecins généralistes et de famille pour les maladies rares. Sous réserve d’éventuelles limites juridiques, le diagnostic le plus précoce, le plus approprié et le plus systématique possible à l’aide des technologies de télédermatologie est toutefois bénéfique pour les soins.
Consensus fort (100%)‡:
- Les soins télédermatologiques de type “store and forward” peuvent être recommandés pour les dermatoses qui s’y prêtent sur la base d’un diagnostic essentiellement morphologique associé à des données anamnestiques et cliniques. Il s’agit par exemple des maladies infectieuses de la peau, de l’eczéma aigu et chronique et des tumeurs cutanées bénignes, dans la mesure où elles sont clairement identifiables. Cela ne doit pas retarder les diagnostics supplémentaires nécessaires, tels que les examens histologiques et le laboratoire clinique.
- La télédermatologie en temps réel pour les dermatoses visibles ne présente généralement pas d’avantages évidents par rapport à la technique de stockage et d’acheminement dans le cadre du diagnostic dermatologique et ne doit être utilisée que lorsque la communication avec le patient et/ou les médecins traitants sur place est primordiale.
- La prise en charge télédermatologique en temps réel des dermatoses visibles peut être recommandée dans le cadre de la prise en charge thérapeutique des patients existants au cours de leur évolution.
- Le traitement télédermatologique en mode “store and forward” et en temps réel peut être recommandé pour les soins post-opératoires et l’évaluation des cicatrices, dans la mesure où des informations supplémentaires sur la clinique et l’état du patient sont également recueillies.
‡ 3abstentions
Littérature :
- Augustin M, Strömer K, et al. : Ligne directrice S2k Télédermatologie 2020, www.awmf.org/leitlinien/detail/ll/013-097.html, (dernière consultation 25.05.2021)
- Trettel A, Eissing L, Augustin M : Telemedicine in Dermatology : Findings and Experiences Worldwide – A Systematic Literature Review. J Eur Acad Dermatol Venereol 2018 ; 32 (2) : 215-224.
- Markun S, et al : Télédermatologie mobile pour le dépistage du cancer de la peau : une étude d’exactitude diagnostique. Medicine (Baltimore) 2017 ; 96 : e6278 .
- Ferrándiz L, et al : Internet-based skin cancer screening using clinical images alone or in conjunction with dermoscopic images : A randomized teledermoscopy trial. J Am Acad Dermatol 2017 ; 76 : 676-682.
- Finnane A, et al : Teledermatology for the Diagnosis and Management of Skin Cancer : A Systematic Review. JAMA Dermatol 2017 ; 153 : 319-327.
- Augustin M, et al. : Pratique de la télédermatologie. Guide des dermatologues germanophones. J Dtsch Dermatol Ges 2018 ; 16 (Suppl. 5) : 6-57.
- Terry M, et al : Feasibility study of home care wound management us-ing telemedicine. Adv Skin Wound Care 2009 ; 22 : 358-364.
- Zarchi K, et al : Expert advice provided through telemedi-cine improves healing of chronic wounds : prospective cluster controlled study. J Invest Dermatol 2015 ; 135 : 895-900.
- Le Bryld, et al. : L’expérience atlantique. In : Soyer HP, Binder M, Smith AC : Telemedicine in Dermatology ; Berlin Heidelberg : Springer, 2012, 9-14.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2021 ; 31(3) : 47-48