La prise en charge du trouble de la personnalité borderline est jusqu’à présent déficiente par rapport à d’autres troubles. Les recommandations de traitement publiées par la SSPP en 2018 devraient changer la donne à l’avenir en mettant à disposition des professionnels de la santé clinique des concepts thérapeutiques simplifiés (appelés “principes généraux d’intervention”) dans différents settings, en plus des procédures thérapeutiques spécifiques aux troubles.
La prise en charge du trouble de la personnalité borderline est jusqu’à présent déficiente par rapport à d’autres troubles (par ex. dépression, schizophrénie) [1]. Les recommandations de traitement* publiées par la SSPP en 2018 devraient changer la donne à l’avenir en mettant à disposition des professionnels de la santé clinique des concepts thérapeutiques simplifiés (appelés “principes généraux d’intervention”) dans différents settings, en plus des procédures thérapeutiques spécifiques aux troubles. Un critère important à cet égard est que les recommandations de traitement soient fondées sur des preuves et pertinentes pour la pratique, c’est-à-dire qu’elles correspondent aux “bonnes pratiques cliniques”, a déclaré le Dr Sebastian Euler, Universitäre Psychiatrische Kliniken Baselland, dans son exposé introductif au congrès de la SSPP [2]. Jusqu’à présent, la psychothérapie est la seule forme de traitement fondée sur des preuves pour le trouble de la personnalité borderline [3]. La prise en compte de l’applicabilité clinique est une préoccupation particulière des auteurs, car les études d’évaluation ont montré que la mise en œuvre des lignes directrices de traitement dans la pratique clinique quotidienne est un point critique [4]. Dans le cadre du symposium de la SSPP, trois composantes essentielles des recommandations de traitement récemment publiées pour le trouble de la personnalité borderline ont été présentées :
- Principes généraux de traitement (appelés “principes généraux d’intervention”)
- Thérapies spécifiques aux troubles (par ex. thérapie comportementale dialectique, thérapie centrée sur les schémas, thérapie basée sur la mentalisation, thérapie centrée sur le transfert)
- Possibilités médicamenteuses (pharmacothérapie)
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Le trouble de la personnalité borderline est un trouble relativement fréquent chez les patients des services de soins psychiatriques ambulatoires et des services hospitaliers des hôpitaux psychiatriques ou somatiques. Selon le Dr Sebastian Euler, il existe un nombre relativement élevé de cas non déclarés dans lesquels un trouble de la personnalité borderline a été considéré à tort comme un trouble dépressif résistant au traitement ou a été classé parmi les comorbidités fréquentes (par ex. addiction, trouble anxieux, dépression). Selon le DSM-5 [5], les troubles de la régulation émotionnelle, l’impulsivité et l’altération des relations sociales font partie des symptômes clés d’un trouble de la personnalité borderline (aperçu 1). Dans la CIM-10, la classification diagnostique est la suivante : Trouble de la personnalité émotionnellement instable, type borderline (F60.3) [6]. Les comportements d’automutilation, les tendances suicidaires, les problèmes interpersonnels et les comorbidités représentent des défis thérapeutiques particuliers. Selon le PD Dr. med. Daniel Sollberger [7], Psychiatrie Baselland, les comportements d’automutilation peuvent être expliqués de la manière suivante : Une émotion qui est évitée est extériorisée sous la forme d’une réaction corporelle (par exemple, une sensation de douleur). L’évitement de certaines émotions est attribué au fait que, dans le passé, on n’a pas répondu de manière appropriée aux besoins et aux sentiments qui y sont associés. Les troubles de la régulation émotionnelle s’accompagnent d’une sensibilité accrue aux stimuli émotionnels, d’une réaction renforcée à ces derniers et d’un retour retardé à l’éveil normal. Le fait que le trouble de la personnalité borderline soit un trouble hétérogène n’a été reconnu que ces dernières années, selon le Dr Sebastian Euler. Dans ce contexte, il est recommandé de procéder à un diagnostic dimensionnel, en différenciant selon le degré de gravité du handicap psychosocial. Certaines études montrent qu’un traitement adéquat du trouble de la personnalité borderline peut conduire à une rémission, c’est-à-dire à la disparition des symptômes, sur une période de deux à trois ans en moyenne. Des concepts de traitement appropriés peuvent donc contribuer de manière importante à l’amélioration du diagnostic et du traitement du trouble de la personnalité borderline.
Principes généraux d’intervention
Les principes généraux d’intervention pour le traitement du trouble de la personnalité borderline servent de base aux professionnels de la thérapie qui ne sont pas spécialisés dans le traitement de ce type de trouble pour la prise en charge clinique des patients atteints de ce trouble, selon le PD Dr Ueli Kramer, Université de Lausanne et Université de Windsor (Canada), dans son exposé sur ce sujet [9]. Dans les recommandations de traitement, les “principes généraux d’intervention” sont résumés de manière compacte sur deux pages. En termes de contenu, il s’agit d’exigences minimales pour le traitement de ce type de trouble. Étant donné que les formations spécialisées pour les formes de traitement spécifiques aux troubles (par ex. thérapie comportementale dialectique, thérapie des schémas, thérapie basée sur la mentalisation, thérapie centrée sur le transfert) nécessitent beaucoup de ressources, il y a un manque d’offres de thérapie correspondantes. C’est pourquoi des concepts de traitement simplifiés et limités à l’essentiel sont nécessaires pour la formation des professionnels qui sont confrontés dans leur quotidien clinique à des patients souffrant de troubles de la personnalité borderline. Le concept des principes généraux d’intervention comprend les trois composantes suivantes (aperçu 2) : Fonction de l’intervention thérapeutique, Attitude thérapeutique, Psychoéducation.
Le Dr Ueli Kramer, PD, souligne que la psychoéducation joue un rôle central dans le traitement psychothérapeutique du trouble de la personnalité borderline. Il s’agit notamment de discuter ouvertement et directement du diagnostic et de montrer au patient les différents aspects de la thérapie à l’aide d’exemples concrets. Cela devrait contribuer à une confrontation constructive avec les problèmes (par ex. automutilation, problèmes d’identité, gestion du quotidien) et à une coopération sur les objectifs de la thérapie. Le patient doit sentir que le thérapeute comprend le problème et évalue correctement la nécessité d’agir. La classification correcte des différentes composantes du trouble est également importante pour une approche constructive du contre-transfert. Par ailleurs, il convient d’informer le patient que les résultats de la recherche et les données empiriques montrent que le trouble de la personnalité borderline peut être traité et que la thérapie peut permettre la rémission des symptômes aigus (impulsivité, comportement autodestructeur, certains symptômes affectifs). On peut éventuellement aussi attirer l’attention sur le fait que les symptômes dits “de tempérament” selon le DSM [5,10], comme les troubles de la régulation de la colère, les symptomatologies dissociatives et cognitives, en revanche, persistent souvent et que seule la moitié environ des patients souffrant d’un trouble de la personnalité borderline parvient à s’adapter correctement dans les domaines social et professionnel. Les modèles explicatifs peuvent également faire partie de la psychoéducation, par exemple en apprenant aux patients que le trouble de la personnalité borderline est le résultat d’un ensemble multifactoriel d’interactions entre des déterminants biologiques et psychologiques et qu’il n’existe pas d’explication monocausale. L’aspect de l’hypersensibilité doit être abordé directement dans la thérapie et analysé à l’aide d’exemples concrets en ce qui concerne les sentiments du patient et les stratégies possibles pour y faire face. Les schémas d’interaction perturbateurs et leurs conséquences doivent également être abordés directement et concrétisés à l’aide d’exemples quotidiens (par exemple, la peur et le rejet comme réaction possible d’autres personnes à un comportement d’automutilation). La psychoéducation comprend également l’explication de ce qu’implique et de ce que n’implique pas un traitement psychothérapeutique. Cela doit être expliqué de la manière la plus claire possible, en soulignant que l’engagement du client est également nécessaire. Les modalités de la thérapie (par exemple la fréquence de la thérapie) peuvent également être abordées dans le cadre de la psychoéducation.
Méthodes de psychothérapie spécifiques aux troubles : Les “quatre grands”
Les résultats de la recherche confirment le rôle substantiel de la psychothérapie dans le traitement du trouble de la personnalité borderline, comme le souligne le PD Dr. Daniel Sollberger dans son exposé sur les méthodes psychothérapeutiques spécifiques aux troubles [7]. Les méthodes thérapeutiques spécifiques aux troubles les plus étudiées empiriquement sont les suivantes : La thérapie comportementale dialectique (DBT), la thérapie par les schémas (SFT), la thérapie basée sur la mentalisation (MBT), la thérapie centrée sur le transfert (TFP). Les quatre approches thérapeutiques mentionnées sont des méthodes manualisées qui ont été validées empiriquement dans le cadre d’études randomisées et contrôlées (RCT). Les quatre méthodes thérapeutiques ont les points communs suivants : Structuration (p. ex. cadre et accords), forte activité du thérapeute, attitude de clarification du thérapeute, travail sur et avec la relation, focalisation sur les comportements nuisibles à soi et aux autres (y compris les comportements nuisibles à la thérapie), focalisation du traitement sur l’ici et maintenant, encouragement à un comportement autonome et efficace.
Thérapie comportementale dialectique (TCD) : la TCD est la méthode thérapeutique la mieux validée empiriquement, sur la base de plusieurs ECR et méta-analyses (niveau de preuve 1a [11]). La TCD a été développée par Marsha M. Linehan [12] comme traitement spécifique du trouble de la personnalité borderline dans les années 1980. Il s’agit d’une méthode thérapeutique comportant des éléments de thérapie comportementale et de pleine conscience (par exemple, des éléments de la Gestalt-thérapie et du bouddhisme zen).
L’attitude fondamentale est une dialectique entre l’acceptation (des schémas d’adaptation et des émotions dysfonctionnels) et la volonté de changement. Dans la TCD, la relation est caractérisée par la clarté, l’ouverture et la validation. La TCD est structurée par des algorithmes clairs (hiérarchie des objectifs de traitement) et est fortement axée sur les ressources et les compétences des patients.
La DBT ambulatoire comprend les quatre composantes suivantes : Thérapie individuelle, Thérapie de groupe, Coaching téléphonique, Supervision. Dans la thérapie individuelle, le diagnostic, la psychoéducation et les accords de traitement sont des éléments centraux. Les thérapies de groupe sont des groupes dits de compétences, c’est-à-dire des formations dans les domaines de la tolérance au stress, de la gestion des émotions, des compétences sociales. Le coaching téléphonique désigne une sorte d’intervention de crise et revêt une importance particulière pour la mise en œuvre des acquis de la thérapie dans la vie quotidienne des patients.
Les objectifs globaux de la thérapie peuvent être résumés comme suit : Modification d’un modèle de comportement dysfonctionnel et d’un comportement perturbateur de la thérapie, modulation et modification de la propre régulation des émotions, ainsi qu’intégration psychosociale (travail, relations, organisation des loisirs, etc.).
Thérapie par les schémas (SFT) : la SFT a été développée dans les années 1990 par Jeffrey Young [13] et est basée sur la thérapie cognitive. Les schémas affectivo-cognitifs, qui se réfèrent à un modèle basé sur les émotions, les sensations corporelles et les sentiments supposés avoir leur origine dans l’enfance, constituent une construction centrale. Les expériences qui sous-tendent les schémas peuvent être, par exemple, la frustration des besoins psychologiques de base, l’expérience de la victimisation, le fait d’être gâté et le manque de séparation.
On suppose que ces schémas se manifestent dans différentes situations dans ce que l’on appelle les modes et peuvent conduire à certains comportements dysfonctionnels (par exemple l’évitement, la soumission, la surcompensation). On distingue les cinq modes principaux suivants : le mode enfant fait référence à un mode dans lequel les patients se sentent comme un enfant abusé ou abandonné, ou se vivent comme un enfant en colère ou impulsif parce qu’ils peuvent ressentir une frustration ou se voir refuser quelque chose. Le mode protecteur distant se caractérise par des styles de coping dysfonctionnels, tels que le détachement émotionnel et les états dissociatifs. En mode parent, les patients se perçoivent comme un mauvais enfant face à un parent qui les punit. Le mode adulte est un mode dans lequel les différentes parties sont intégrées, ce qui serait l’objectif. Aperçu des interventions :
- “Limited Parenting” / “Re-Parenting” : tentatives de rattraper le manque d’attention émotionnelle de l’enfance dans le cadre de la thérapie. Pour les thérapeutes, risque accru de contre-transfert (c’est-à-dire s’engager personnellement avec la personne du patient et établir une relation émotionnelle).
- Techniques centrées sur les émotions : Création de dialogues avec des jeux de rôle (par ex. position du parent vs position de l’enfant).
- Traitement cognitif : psychoéducation sur les besoins de base normaux d’un enfant, restructuration (modification du comportement avec des listes pour/contre).
On distingue les phases thérapeutiques suivantes de la SFT : établissement de la relation thérapeutique et régulation des affects, modification et réorganisation des schémas psychiques concernant le développement de l’autonomie. Parmi les principaux objectifs de la thérapie figurent le travail sur les schémas et les styles d’adaptation dysfonctionnels.
Thérapie basée sur la mentalisation (TBM) : La TBM a été développée par un groupe de travail autour de Bateman et Fonagy [14,15], qui ont d’abord développé la TBM pour le milieu semi-hospitalier et plus tard également pour le milieu ambulatoire. Il s’agit d’une approche thérapeutique éclectique qui combine des éléments des sciences cognitives, de la psychanalyse, de la psychologie du développement et de la neurobiologie. La MBT est une méthode fondée sur des preuves, dont l’efficacité a été démontrée dans plusieurs ECR avec des intervalles de suivi de plusieurs années [16]. Les aspects centraux de MBT sont le travail sur les schémas relationnels et la mentalisation. La mentalisation fait référence à la compréhension de ses propres états mentaux et de ceux d’autres personnes et comprend les dimensions suivantes : Intégration de la cognition et des affects, orientation vers soi et vers les autres, focalisation interne et externe. Le postulat de base de la MBT est que la mentalisation est à la base du comportement et de l’action et que la modification des processus de mentalisation constitue un point de départ pour la modification de l’expérience et du comportement. On appelle modes prémentalistes une phase précédant la mentalisation et on suppose que ces modes sont réactivés dans des situations pertinentes pour l’attachement et qu’ils sont l’expression d’une cohérence de soi menacée. On distingue les trois modes prémentalistes suivants :
- Mode téléologique : seules les observations réelles ont de l’importance et les motivations des autres sont jugées uniquement sur la base de leurs actions visibles.
- Mode d’équivalence : le monde intérieur et la réalité extérieure sont vécus comme identiques et les perspectives alternatives sont rejetées.
- Mode “comme si” : jeu avec la réalité ; état mental sans implication pour le monde extérieur et vice versa (toute la capacité mentaliste/mentale n’est pas encore formée) ; phénomènes dissociatifs.
Les interventions se concentrent sur les affects et le domaine interpersonnel. Une hiérarchie d’intervention est basée sur les changements de l’éveil émotionnel, le niveau d’émotion. L’attitude du thérapeute correspond à ce que l’on appelle les “stances collaboratives”. Cela signifie que le professionnel de la thérapie se pose naïvement et répond au patient sous forme de questions, ce qui doit l’amener à réfléchir sur lui-même et sur son for intérieur. Dans les thérapies de groupe, l’apport de perceptions différentes doit permettre de relativiser sa propre vision (changement de perspective). Une attitude d’auto-exploration curieuse (“inquisitive stances”) doit être encouragée dans le but général d’améliorer la mentalisation.
Thérapie centrée sur le transfert (TFP) : la psychothérapie centrée sur le transfert (TFP) est basée sur le modèle diagnostique de l’organisation de la personnalité (BPO). Il est supposé qu’une organisation de la personnalité avec une problématique identitaire (diffusion de l’identité), se manifestant par des mécanismes de défense immatures alors que la réalité est maintenue, est un mécanisme central sous-jacent de la symptomatologie borderline (modèles de comportement dysfonctionnels, réactions affectives extrêmes, distorsions cognitives de la perception et de la pensée). La diffusion de l’identité est une division entre le bien et le mal qui ne peut pas être intégrée intérieurement ; l’autre personne est uniquement vécue comme bonne ou mauvaise et la même chose se produit dans l’image de soi avec pour conséquence des réactions émotionnelles correspondantes. La relation de transfert (dyade thérapeutique) est considérée comme le point de départ du traitement, l’accent étant mis sur le processus thérapeutique ici et maintenant. En réactualisant les parties de soi dissociées et projetées, leur traitement doit pouvoir se faire in situ. Les interventions représentent le concept et la structure du traitement selon la TFP, où l’on peut distinguer les stratégies, les tactiques et les techniques. Les stratégies sont les objectifs à long terme ; elles comprennent la définition des dyades de relations d’objet dominantes, l’interprétation des changements de rôle et des dyades rejetées et l’intégration. Les tactiques comprennent les éléments suivants : accords thérapeutiques, clarification des engagements (protection de la thérapie contre les menaces telles que les tendances suicidaires, les comportements d’automutilation, les mensonges, la consommation de drogues, les menaces, etc.) Les techniques utilisées sont la clarification, la confrontation et l’interprétation, en se concentrant sur les affects négatifs (agressivité). La technique de l’interprétation consiste à analyser les mécanismes de défense immatures, les dyades de relations d’objet actuellement vécues et leurs défenses. L’objectif de la TFP peut être décrit comme l’intégration des différentes parties de soi et des différentes images des autres, ainsi que la représentation de l’identité. La TFP est également une thérapie spécifique à un trouble, basée sur des données probantes [17,18].
Options de traitement médicamenteux : pas le traitement de première intention
Dans la pratique clinique quotidienne, la polypharmacie est souvent utilisée dans les troubles de la personnalité borderline, comme l’a expliqué le PD Dr Nader Perroud, Université de Genève, dans le cadre de son exposé sur la pharmacothérapie dans les troubles de la personnalité borderline [19]. Ainsi, les patients souffrant de troubles de la personnalité borderline reçoivent en moyenne 2,7 médicaments par jour et environ 50% des patients prennent trois médicaments ou plus par jour. Ceci est surprenant, surtout si l’on considère qu’il n’existe pas suffisamment de preuves empiriques validées pour le traitement médicamenteux du trouble de la personnalité borderline. Plusieurs raisons expliquent le phénomène de polypharmacie chez les patients souffrant d’un trouble de la personnalité borderline. D’une part, les symptômes tels que les troubles de la régulation des émotions et les crises suicidaires représentent un défi majeur pour les praticiens et, d’autre part, les troubles de la personnalité borderline sont souvent attribués à d’autres diagnostics (par ex. troubles bipolaires ou dépressifs) avec les conséquences correspondantes sur la médication (par ex. médicaments stabilisant l’humeur, antipsychotiques, etc.) Environ 40% des patients souffrant d’un trouble de la personnalité borderline ont un diagnostic erroné de trouble bipolaire. Une autre raison de recourir à la pharmacothérapie est que les patients demandent souvent d’eux-mêmes des médicaments pour soulager leurs symptômes (par ex. troubles de la régulation émotionnelle, crises suicidaires, etc.
Les lignes directrices du Royaume-Uni (NICE-Guidelines [20,21]) et celles des États-Unis (APA-Guidelines [22,23]) diffèrent dans leurs recommandations concernant la pharmacothérapie. Les guidelines du NICE déconseillent de traiter les patients souffrant de troubles de la personnalité borderline par des médicaments. Une exception est faite pour les périodes de crise. Dans ce cas, les médicaments ne doivent être prescrits que pour une période très courte (une semaine maximum) et doivent être arrêtés dès que possible. Les auteurs des NICE Guidelines jugent notamment le phénomène de polypharmacie de manière très critique, mais mentionnent également qu’il est préférable de traiter les comorbidités par des médicaments (par exemple les troubles dépressifs, les troubles bipolaires, etc.) plutôt que le trouble de la personnalité borderline en tant que tel. Selon les lignes directrices de l’APA, on peut distinguer trois dimensions dans le trouble de la personnalité borderline : (a) dérégulation affective, (b) un comportement impulsif et incontrôlé, (c) les troubles cognitifs et de la perception. Il est proposé d’adapter le traitement médicamenteux à cette symptomatologie dimensionnelle : (a) ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine), IMAO, lithium, carbamazépine ou valproate ; (b) ISRS ou neuroleptiques ; (c) les neuroleptiques ou antipsychotiques à faible dose.
Malgré les différences entre les recommandations de traitement des deux guides (APA vs. NICE), il existe un consensus sur le fait qu’à l’heure actuelle, les preuves empiriques sont insuffisantes pour une conclusion scientifiquement fondée sur la question de l’indication d’un traitement médicamenteux dans le trouble de la personnalité borderline. Les divergences d’évaluation entre les deux guides sont principalement dues au fait que les guides NICE sont plus récents et qu’ils intègrent davantage d’études sur l’efficacité du traitement psychothérapeutique. Sur cette base, les guidelines du NICE ont conclu que la psychothérapie était une meilleure forme de traitement que la pharmacothérapie pour le trouble de la personnalité borderline. En outre, les conflits d’intérêts ont fait l’objet d’une évaluation critique dans les lignes directrices du NICE, ce qui n’était pas le cas dans les lignes directrices de l’APA. Une autre raison possible de l’absence de consensus est que, contrairement aux lignes directrices de l’APA, des professionnels de différents domaines (psychiatres, psychologues, psychothérapeutes, pharmacologues) ont participé à l’élaboration des lignes directrices du NICE, ainsi que des bénéficiaires de services. Le contenu de ces deux lignes directrices fait l’objet d’une controverse au sein de la profession. Une méta-analyse [24] a conclu que, bien qu’aucune recommandation claire ne puisse être formulée sur la base des données actuelles, un rejet global du traitement médicamenteux est trop extrême et rien ne s’oppose à un traitement médicamenteux spécifique aux symptômes. D’autres méta-analyses portant sur la même question parviennent à des conclusions similaires. Dans ce contexte, le Dr Nader Perroud rappelle un principe important : “Aucune preuve d’efficacité n’est une preuve d’absence d’efficacité” (“No evidence of an effect is not evidence of no effect”).
Résumé de l’évaluation des options de traitement médicamenteux pour le trouble de la personnalité borderline selon les recommandations de traitement de la SSPP :
Contrairement à d’autres troubles (p. ex. schizophrénie, troubles bipolaires), il n’existe pas d’informations vérifiées par Swissmedic [25] concernant l’indication de méthodes de traitement médicamenteux pour le SPB.
La psychothérapie devrait être le traitement de première intention du SCPD. Les stratégies de traitement médicamenteux ne devraient être utilisées que si, pour une raison ou une autre, il n’y a pas de possibilité de traitement psychothérapeutique.
Si une pharmacothérapie est utilisée, elle doit être spécifique aux symptômes. L’état actuel de la recherche ne permet pas de porter un jugement définitif et scientifiquement fondé sur l’indication d’un traitement médicamenteux dans le cadre du SCP. Une utilisation de la pharmacothérapie en fonction des symptômes, à la dose la plus faible possible, est responsable, sans toutefois augmenter trop fortement la posologie.
La pharmacothérapie ne doit être utilisée qu’en période de crise et pendant la durée la plus courte possible. Les données actuelles ne permettent pas de conclure à l’efficacité de la médication sur le trouble de la personnalité borderline sur une longue période. Si des effets secondaires apparaissent, les médicaments doivent être arrêtés.
* Les recommandations de traitement ont été développées par un comité d’experts suisses dirigé par le Dr Sebastian Euler et sont publiées en ligne.
Euler S, Dammann G, Endtner K, Leihener F, Perroud NA, Reisch T, Schmeck K, Sollberger D, Walter M, Kramer U : Recommandations de traitement de la Société suisse de psychiatrie et de psychothérapie (SSPP) pour le trouble de la personnalité borderline. www.psychiatrie.ch/sgpp/fachleute-und-kommissionen/behandlungsempfehlungen
Une version abrégée est actuellement en cours de révision auprès des Archives suisses de neurologie et de psychiatrie. La version longue est également disponible en allemand, la version française suivra prochainement.
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