Selon les directives de l’European Society of Cardiology (ESC) mises à jour l’année dernière, l’insuffisance cardiaque est classée en HFrEF, HFmrEF et HFpEF selon la fraction d’éjection ventriculaire gauche. En ce qui concerne le traitement médicamenteux, une association précoce d’IEC-i, d’ARNI, d’ARM et de SGLT-2-i est désormais recommandée pour tous les patients. Les patients HFpEF peuvent également bénéficier d’un traitement par inhibiteurs du SGLT-2, comme le montrent notamment les nouvelles données d’études cliniques publiées peu après la parution de la ligne directrice.
L’insuffisance cardiaque est un syndrome clinique provoqué par des altérations cardiaques structurelles et fonctionnelles et s’accompagne d’une réduction de la fraction d’éjection ou d’une augmentation des pressions de remplissage, tant au repos qu’à l’effort. Le diagnostic de l’insuffisance cardiaque nécessite la présence de symptômes et d’indices objectifs de dysfonctionnement cardiaque (Fig. 1). Les signes cliniques typiques sont l’essoufflement, la fatigue et le gonflement des chevilles. Après le diagnostic initial, les patients souffrant d’insuffisance cardiaque sont hospitalisés en moyenne une fois par an [9]. Dans le contexte de l’évolution démographique et de l’augmentation des comorbidités, les experts estiment que le nombre d’hospitalisations pourrait augmenter considérablement [7,8]. La fibrillation auriculaire, un IMC élevé et des taux élevés d’HbA1c ou un faible débit de filtration glomérulaire (eGFR) sont de puissants prédicteurs d’hospitalisation [10]. “Sabine Genth-Zotz, médecin-chef, Marienhaus Klinikum Mainz [1].
Quel est l’algorithme de diagnostic recommandé ?
Tout d’abord, il convient de procéder à une anamnèse minutieuse. La ligne directrice actuelle de l’ESC indique que la présence d’une insuffisance cardiaque est plus probable chez les patients ayant des antécédents d’infarctus du myocarde, ou chez ceux souffrant d’hypertension artérielle, de maladie coronarienne, de diabète sucré, d’abus d’alcool ou de maladie rénale chronique. Il est essentiel de s’enquérir de la capacité physique et des éventuels épisodes de détresse respiratoire. L’examen clinique qui suit l’anamnèse doit être particulièrement attentif aux œdèmes et à l’auscultation du cœur et des poumons (rythme de galop ? signes de congestion ?), comme le souligne le professeur Genth-Zotz. L’étape suivante de l’algorithme de diagnostic de l’ESC consiste en un électrocardiogramme (ECG). Un ECG normal rend improbable la présence d’une insuffisance cardiaque [5]. En revanche, des anomalies normales telles que la fibrillation auriculaire, les ondes Q, l’hypertrophie ventriculaire gauche et un complexe QRS élargi augmentent la probabilité de la présence d’une insuffisance cardiaque. Dans ce cas, comme le montre la figure 1 , des examens complémentaires sont indiqués. Qu’est-ce qui doit faire l’objet d’un diagnostic de laboratoire ? Le guide recommande de recueillir les électrolytes, l’urée sérique, la créatinine, ainsi qu’un hémogramme complet. Des tests de la fonction hépatique et thyroïdienne peuvent également être utiles à des fins de diagnostic différentiel. Selon les lignes directrices actuelles de l’ESC, les peptides natriurétiques jouent un rôle très important [2]. Si le NT-proBNP est supérieur à 125 pg/ml, un diagnostic plus approfondi doit être effectué, de même si le BNP est ≥35 pg/ml. Si les valeurs mesurées sont inférieures, la probabilité d’une insuffisance cardiaque est faible, ajoute le professeur Genth-Zotz. Si l’on n’a pas la possibilité de recueillir les peptides natriurétiques, l’oratrice recommande de passer directement à l’examen échocardiographique [1].
S’agit-il de HFrEF, HFmrEF ou HFpEF ?
Selon l’ESC, si l’échocardiographie révèle une pathologie, l’insuffisance cardiaque (IC) peut être divisée en ces trois entités en fonction de la fraction d’éjection :
- HFrEF (“HF avec une fraction d’éjection réduite”) : FEVG ≤40 %
- HFmrEF (“HF with mildly reduced ejection fraction”) : FEVG 41-49%
- HFpEF (“HF avec fraction d’éjection préservée”) : FEVG ≥50 %.
Les analyses du registre à long terme de l’ESC des patients atteints d’insuffisance cardiaque ambulatoire montrent que 60% sont affectés par l’HFrEF, 24% par l’HFmrEF, et 16% par l’HFpEF [6]. Parmi les patients atteints de HFmrEF, on trouve souvent des personnes jeunes et de sexe masculin. Une maladie coronarienne est présente dans environ la moitié des cas, alors que les comorbidités non cardiaques sont plutôt rares. Le traitement des patients HFmrEF est très similaire à celui des personnes atteintes de HFrEF. En revanche, l’HFpEF concerne plutôt un groupe de patients particulier, il s’agit généralement de patients âgés, souvent des femmes et il existe souvent des maladies concomitantes non cardiovasculaires (par ex. diabète, insuffisance rénale).
Changement de paradigme : les quatre piliers de la thérapie médicamenteuse
Le traitement médicamenteux proposé par la ligne directrice est basé sur la classification terminologique en HFrEF, HFmrEF ou HFpEF [2]. Selon une nouvelle recommandation, tous les patients souffrant d’insuffisance cardiaque peuvent initialement recevoir un inhibiteur de l’ECA (ECA-I), un inhibiteur des récepteurs de l’angiotensine et de la néprilysine (ARNI), un bêtabloquant, un antagoniste des récepteurs des minéralocorticoïdes (MRA) et un inhibiteur du SGLT2 (SGLT2-i) (figure 2). Idéalement, tous ces médicaments devraient être administrés en l’espace de quatre semaines. Mais comme la durée d’hospitalisation n’est généralement que de 4 à 5 jours, les cliniciens donnent généralement des conseils aux médecins chargés de la poursuite du traitement en ambulatoire sur ce qui doit être titré et à quelle dose, et sur les points à surveiller, explique l’intervenante. Il a ajouté qu’il fallait être particulièrement prudent lors de la titration chez les patients ayant subi une décompensation cardiaque et que des contrôles étroits étaient très importants en présence de comorbidités.
SGLT-2-i : convient à la plupart des patients – même en cas de HFpEF
Les éléments à prendre en compte chez les patients présentant une tendance à l’hypotension ont été formulés par McMurray et Packer dans un article paru en 2021 [3]. Par conséquent, chez les patients présentant une pression artérielle< mmHg, on peut commencer par un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine. En outre, l’utilisation d’inhibiteurs de SGLT-2 ne présente aucun risque à cet égard. “Nous avons vu dans différentes études que la réduction de la pression artérielle avec l’initiation d’un inhibiteur du SGLT-2 n’est que très marginale”, explique le Pr Genth-Zotz [1]. Les résultats de l’étude EMPEROR-Preserved, publiée peu après la publication de la ligne directrice de l’ESC, montrent que les patients HFpEF bénéficient également de cette option thérapeutique [4]. Il en ressort que l’empagliflozine peut réduire efficacement le risque d’hospitalisation liée à l’insuffisance cardiaque chez les patients HFpEF. “Dans l’insuffisance cardiaque, quelle que soit la fraction d’éjection dont nous parlons, nous pouvons utiliser l’empagliflozine : tout simplement à la dose de 10 mg une fois par jour”, résume l’intervenante [1].
Indépendamment de cela, ce qu’il faut toujours garder à l’esprit, ce sont les diurétiques – ils jouent certes un rôle chez la plupart des patients, notamment en cas de décompensation, mais “si le patient est recompensé, il faut toujours veiller à réduire les diurétiques, même dans le cadre d’une pratique libérale”, souligne le professeur Genth-Zotz [1]. Il ne faut pas non plus négliger la question de savoir s’il existe d’autres modifications physiopathologiques qui peuvent être adressées, comme par exemple un bloc de branche gauche. Et si les patients présentent une insuffisance valvulaire mitrale de haut niveau ou une sténose de la valve aortique, cela doit également être traité, de même que la revascularisation en cas de maladie coronarienne sévère, explique la conférencière.
Congrès : Congrès des internistes de la DGIM
Littérature :
- “Mise à jour des lignes directrices : quoi de neuf dans l’insuffisance cardiaque”, Prof Dr med. Sabine Genth-Zotz, 128. Congrès de la Société allemande de médecine interne (DGIM), 30.04.2022
- McDonagh TA, et al : ESC Scientific Document Group : 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure : Développé par la Task Force for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure de la Société européenne de cardiologie (ESC). Avec la contribution spéciale de l’Association pour l’insuffisance cardiaque (HFA) de l’ESC. Eur J Heart Fail 2022 ; 24(1) : 4-131.
- McMurray JJV, Packer M : Comment devrions-nous séquencer les traitements pour l’insuffisance cardiaque et une fraction d’éjection réduite : une redéfinition de la médecine fondée sur les preuves. Circulation 2021 ; 143(9) : 875-877.
- Anker SD, et al ; EMPEROR-Preserved Trial Investigators. Empagliflozin in Heart Failure with a Preserved Ejection Fraction. N Engl J Med 2021 ; 385(16) : 1451-1461.
- Mant J, et al : Systematic review and individual patient data meta-analysis of diagnosis of heart failure, with modelling of implications of different diagnostic strategies in primary care. Health Technol Assess 2009 ; 13:1-207, iii.
- Chioncel O, et al : Épidémiologie et résultats à un an chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque chronique et de fraction d’éjection préservée, intermédiaire et réduite : une analyse du registre à long terme de l’ESC Heart Failure. Eur J Heart Fail 2017 ; 19 : 1574-1585.
- Savarese G, Lund LH : Charge de santé publique mondiale de l’insuffisance cardiaque. Card Fail Rev 2017 ; 3 : 7-11.
- Al-Mohammad A, et al. : Chronic Heart Failure Guideline Development Group. Diagnostic et prise en charge des adultes atteints d’insuffisance cardiaque chronique : résumé des directives NICE mises à jour. BMJ 2010 ; 341 : c4130.
- Barasa A, et al : Insuffisance cardiaque chez les jeunes adultes : tendances sur 20 ans en matière d’hospitalisation, d’étiologie et de mortalité par cas en Suède. Eur Heart J 2014 ; 35 : 25-32.
- Mosterd A, Hoes AW : Epidémiologie clinique de l’insuffisance cardiaque. Heart 2007 ; 93 : 1137-1146.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2022 ; 17(7) : 30-32