Avec le Registre suisse de la sclérose en plaques, la Société suisse de la sclérose en plaques a lancé en 2016 un projet qui fonctionne selon le principe de la science citoyenne. Lors de la “Journée mondiale de la SEP” 2018, des personnes touchées par la maladie, des professionnels de la santé et des représentants de la Société SEP ont fait le point.
On estime que 2,5 millions de personnes dans le monde souffrent de sclérose en plaques, dont environ 700 000 en Europe [1]. Les données relatives à la situation en Suisse datent des années 1990. Le nombre d’inscriptions au Registre suisse de la sclérose en plaques (SMSR) montre que le chiffre de 10 000 à 15 000 personnes atteintes doit être adapté [2]. L’une des raisons pour lesquelles on sait si peu de choses sur la propagation de la sclérose en plaques est que, comme de nombreuses maladies, la SEP n’est pas soumise à déclaration obligatoire. Milo Puhan, directeur de l’Institut d’épidémiologie, de biostatistique et de prévention de l’Université de Zurich (EBPI). Lui et son équipe sont responsables de l’analyse des données du registre.
Le registre suisse de la sclérose en plaques, un projet pionnier
Le Registre suisse de la sclérose en plaques a été initié par des membres concernés de la Société suisse de la sclérose en plaques. En 2016, la Société SEP a mis en œuvre le registre en tant qu’étude d’observation d’une durée de 25 ans [3]. Le projet suit l’approche de la science citoyenne, désormais de plus en plus utilisée : en tant qu’experts de la SEP, les personnes concernées alimentent directement le registre avec leurs informations et contribuent ainsi à la constitution d’une large base de données (encadré). Ainsi, le Registre suisse de la sclérose en plaques est avant tout un recueil de données qui peut donner des informations sur la maladie ainsi que sur l’utilisation et l’effet des traitements, explique Patricia Monin, directrice de la Société SEP, lors d’une table ronde organisée à l’occasion de la Journée mondiale de la SEP 2018 [4]. Les personnes concernées peuvent témoigner de leur expérience quotidienne et partager ces connaissances. Cela se fait par le biais d’enquêtes et de journaux intimes, accessibles en ligne après inscription sur la plateforme de la Société SEP ; la participation aux enquêtes est également possible par courrier.
Cette nouvelle possibilité de transfert de connaissances et de mise en réseau est très appréciée par les participants à l’étude déjà inscrits. “Nous sommes une communauté de connaissances”, déclare Ivy Spring, atteinte de SEP, ce qui permet de se soutenir mutuellement. L’objectif est de permettre aux personnes concernées de se rencontrer.
Le projet est entièrement financé par des dons, sans participation de groupes d’intérêts politiques ou économiques. La mise en œuvre scientifique est assurée par les chercheurs de l’EBPI, dont l’intérêt pour la connaissance se concentre sur le vécu individuel des personnes concernées. Il s’agit donc d’un projet pionnier en Suisse ; des registres de la SEP existent déjà en Allemagne et en Grande-Bretagne, entre autres. Les critères d’évaluation primaires de l’étude concernent la qualité de vie : comment les personnes atteintes de sclérose en plaques vivent-elles avec leur maladie ou leur handicap ? à quoi ressemble votre quotidien personnel et professionnel ? Quelles sont les formes de thérapies médicamenteuses, non médicamenteuses et alternatives utilisées et dans quelle mesure sont-elles accessibles ? Les critères d’évaluation secondaires du SMSR se concentrent sur les symptômes, qui peuvent varier considérablement d’une personne à l’autre et selon le stade, les effets indésirables des médicaments et la fréquence des poussées de SEP. En faisant participer des patients atteints de SEP, les initiateurs espèrent également obtenir des informations sur le nombre réel de personnes touchées [3]. Les données doivent permettre d’améliorer les formes de traitement et la qualité de vie des personnes atteintes de SEP. Elles sont stockées sous forme cryptée et anonyme dans les locaux de l’Université de Zurich.
Compléter les études cliniques avec des connaissances empiriques
En se concentrant sur le quotidien des personnes atteintes, le Registre suisse de la sclérose en plaques offre un complément aux études cliniques telles que l’étude de cohorte suisse sur la sclérose en plaques (SMSC). Dans le cadre du SMSC, 960 patients atteints de SEP sont régulièrement examinés depuis 2012. Tous les six ou douze mois, il y a un entretien, une prise de sang, un examen neurologique et, si c’est médicalement indiqué, un test IRM standardisé. L’objectif est d’étudier 1 000 à 2 000 personnes atteintes de la maladie sur une période de dix ans afin d’étudier l’effet à long terme et la sécurité des traitements médicamenteux [5,6]. Les données des SMSC et des dossiers médicaux (avec le consentement des patients) sont à leur tour intégrées dans le registre. Le SMSR et le SMSC établissent tous deux une médecine P4 : la gestion de la maladie doit être préventive, prospective, personnalisée et participative. La participation des personnes atteintes de SEP est particulièrement importante lorsque des symptômes dits “doux”, comme la fatigue, doivent être enregistrés et traités. Pour le professeur Pasquale Calabrese, directeur du département de neurosciences cognitives de l’université de Bâle, la qualité de vie est plus qu’un simple état physique ; elle a également une dimension sociale, spirituelle, psychologique et cognitive. “Ce sont toutes des choses qui sont traitées de manière secondaire dans les essais cliniques classiques. Le fait que nous les mettions en avant ici [im SMSR] est le côté révolutionnaire de la chose”.
La sortie du registre MS
Pour évaluer le construit multidimensionnel qu’est la qualité de vie, le personnel de l’EBPI a recours à des questionnaires que les participants à l’étude peuvent remplir en ligne ou par courrier. Chaque mois, les données analysées sont mises à la disposition des personnes intéressées sous la forme d’un “graphique mensuel” sur le site Internet de la Société SEP. En mars, la Société SEP a publié une représentation sur le thème du “changement de comportement après le diagnostic” (Fig. 1). Il est frappant de constater une réduction des activités physiques ainsi qu’un renoncement à l’alcool chez 40% des personnes interrogées. Une diminution est également observée dans le domaine des contacts sociaux. En revanche, une attention accrue est accordée à une meilleure gestion du stress, à des techniques de relaxation ainsi qu’à une bonne hygiène de sommeil.
Différents experts sont impliqués dans le processus de recherche : Personnes concernées, médecins spécialistes, chercheurs fondamentaux, neurologues, psychologues, infirmiers et kinésithérapeutes. Le développement du registre de la SEP se fait également en collaboration avec les personnes concernées ; les participants à l’étude peuvent faire des suggestions lors des réunions annuelles des groupes de résonance, qui réunissent des experts techniques, des membres de la Société SEP et des personnes concernées.
Le Dr Christoph Lotter, vice-directeur de la Société SEP, est convaincu que le Registre suisse de la SEP contribuera à développer une compréhension des besoins réels des personnes atteintes de SEP et à mieux répartir les ressources. Thomas Heiniger, président du Conseil d’Etat zurichois et directeur de la santé, est du même avis : “Le registre de la SEP offre une occasion unique aux personnes atteintes de faire part de leur point de vue personnel et de leurs besoins, et de contribuer ainsi à ce que les questions vraiment pertinentes pour elles soient clarifiées”. Andrew Chan (Centre neurologique de l’Hôpital de l’Île à Berne) aura des conséquences importantes, notamment en ce qui concerne l’accès et le coût des médicaments ou le nombre de places en rééducation et en physiothérapie.
Littérature :
- Browne P, et al : Atlas of Multiple Sclerosis 2013 : A growing global problem with widely inequity. Neurology 2014 ; 83(11) : 1022-1024.
- Société suisse de la sclérose en plaques : rapport annuel 2017. La Société suisse de la sclérose en plaques en faits et en chiffres.
- Registre suisse de la sclérose en plaques (SMSR). 2016. https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT02980640
- Table ronde sur le registre suisse de la sclérose en plaques. 30 mai 2018. www.multiplesklerose.ch/de/spenden-helfen/benefizevents/welt-ms-tag/
- Dosanto G, et al : The Swiss Multiple Sclerosis Cohort-Study (SMSC) : A Prospective Swiss Wide Investigation of Key Phases in Disease Evolution and New Treatment Options. PLoS One 2016 ; 11(3) : e0152347.
- Étude de cohorte sur la sclérose en plaques en Suisse (SMSC). 2015. https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT02433028
- Société suisse de la sclérose en plaques : Registre suisse de la SEP : changement de comportement après le diagnostic. Graphique mensuel du 23 mars 2017. www.multiplesklerose.ch/de/aktuelles/detail/schweizer-ms-register-verhaltensaenderung-nach-der-diagnose/
- Science et Cité : La Suisse appelle les jeunes. 2018. www.schweiz-forscht.ch
- Centre d’excellence Citizen Science. 2018. www.cc-cs.uzh.ch/de.html
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2018 ; 16(4) : 3-5