L’épuisement prolongé ou chronique est un symptôme non spécifique qui doit faire l’objet d’un diagnostic différentiel médical et psychiatrique. Le burnout est un syndrome lié au stress qui peut entraîner des troubles psychologiques et somatiques consécutifs. Le symptôme le plus souvent exprimé du burnout est l’épuisement, accompagné d’une série de symptômes supplémentaires variables selon les individus. Après le traitement réussi d’un burnout, une tendance accrue à la fatigue, une capacité de charge réduite et une altération de la capacité de récupération peuvent persister pendant une période prolongée, malgré le rétablissement de la capacité fonctionnelle. Un “monitoring énergétique” constant est utile pour estimer la capacité de charge. En rééducation, de courtes périodes d’effort avec des pauses régulières sont associées à une amélioration durable. La réintégration au travail doit se faire par petites étapes, en fonction de la capacité de résistance, initialement à un faible pourcentage et avec une période de récupération appropriée, ainsi qu’un accompagnement thérapeutique étroit.
L’épuisement est un état général non spécifique, subjectivement ressenti, qui se manifeste comme un symptôme, une plainte ou un trouble et qui peut varier en termes de durée, d’intensité et d’atteinte. En principe, la fatigue signale à l’organisme qu’une phase de repos et de récupération régénératrice est indiquée. L’épuisement prolongé peut être un symptôme saillant d’un trouble médical ou psychiatrique définissable ou se présenter comme un syndrome chronique difficile à attribuer étiologiquement. Il convient donc en premier lieu de procéder à un diagnostic différentiel minutieux.
Différents diagnostics médicaux peuvent être associés à un épuisement prolongé. Il s’agit par exemple de troubles internes (p.ex. syndrome métabolique, anémie, carence en vitamine D3), de troubles neurologiques (p.ex. apnée du sommeil, traumatisme crânien, neuroborréliose), de maladies auto-immunes (p.ex. sclérose en plaques), infections, troubles endocriniens (p.ex. insuffisance hypophysaire, déficit hormonal isolé), maladies oncologiques (p.ex. craniopharyngiome, tumeurs malignes) ou sédation induite de manière iatrogène par des médicaments. De même, certains troubles psychiatriques sont caractérisés par un épuisement prononcé et prolongé. Ces troubles comprennent notamment les troubles dépressifs, les troubles anxieux et les addictions. Le syndrome d’épuisement professionnel constitue un phénomène particulier.
Burnout
D’un point de vue médical, le burnout correspond à un trouble associé au stress, le stress étant par définition lié au contexte professionnel [1]. Selon la Société allemande de psychiatrie et de psychothérapie, de psychosomatique et de neurologie, le syndrome d’épuisement professionnel constitue un état à risque qui peut entraîner des maladies psychiques et somatiques consécutives si le stress devient chronique ou si la récupération est insuffisante [2]. Le burnout n’est pas considéré comme un diagnostic psychiatrique en soi, mais comme un état concomitant. Dans la CIM-10, il est par conséquent classé comme syndrome d’épuisement professionnel (Z73.0) [2]. En fonction du degré de sévérité, on trouve des chevauchements élevés avec les troubles dépressifs et la neurasthénie, ainsi qu’un risque accru de maladie en cas de prédisposition dépressive [3–5]. Cliniquement, le syndrome d’épuisement professionnel se caractérise par une série de symptômes variables d’un individu à l’autre (tableau 1).
L’épuisement est la plainte la plus fréquemment exprimée dans le burnout, mais ce n’est pas la seule caractéristique de ce trouble. Dans la définition originale du burnout en psychologie du travail, les dimensions de l’épuisement émotionnel, de la démotivation et de la perception subjective de ne plus pouvoir fournir une performance efficace sont décrites comme des éléments centraux [6]. L’épuisement professionnel en cas de burnout est généralement de longue durée, mais il ne doit pas être considéré comme chronique. Elle est tout à fait modifiable avec un traitement et une rééducation adéquats.
Les facteurs de risque de burnout sont d’une part les facteurs induisant le stress dans l’environnement de travail. Il s’agit notamment de la surcharge de travail, du manque d’autonomie, d’estime, d’esprit d’équipe et d’équité, ainsi que des conflits de valeurs ou des comportements inciviques. D’autre part, les attitudes personnelles et les stratégies d’adaptation sont également associées à un risque accru de burnout. Il s’agit notamment d’un manque d’estime de soi, d’une forte tendance à se dépenser, d’une recherche de perfection, de stratégies d’adaptation axées sur les émotions ou l’évitement, d’un style d’attachement incertain et ambivalent et d’un manque de soutien social [1]. Le burnout peut donc être considéré comme l’expression d’un manque d’adéquation entre l’environnement de travail et l’employé individuel [7].
D’un point de vue neurobiologique, le burnout peut être considéré comme la conséquence d’une dérégulation de l’axe des hormones du stress due à un stress chronique et d’une altération des facteurs neurotrophiques dans certaines régions du système nerveux central. Des études récentes indiquent une hyperactivité ou une mauvaise régulation dans le système hypothalamo-hypophyso-surrénalien [8,9].
En présence d’une dépression, on observe une réduction des facteurs neurotrophiques spécifique à chaque région, due au stress, ce qui entraîne une altération des processus neuroplastiques et, par conséquent, diverses modifications structurelles et fonctionnelles [10].
Traitement du burnout
Le traitement du burnout est de préférence multimodal. Nous n’entrerons pas ici dans les détails du traitement, mais nous vous renvoyons aux directives thérapeutiques récemment publiées par le Réseau suisse d’experts sur le burnout [1,11]. Si la capacité à l’effort est encore présente, bien que réduite, le traitement peut se faire en ambulatoire, sous un congé maladie partiel, mais il doit être organisé de manière active. Un simple temps d’arrêt n’est pas efficace. La mesure dans laquelle la personne concernée peut se régénérer dans son environnement personnel et professionnel actuel dépend de la question de savoir s’il est possible de se libérer des principaux facteurs de stress et si l’environnement social est porteur et soutenant. Si le patient a perdu la plupart de ses capacités fonctionnelles dans la vie quotidienne à cause du burnout ou si une distanciation par rapport aux facteurs de stress ne peut être obtenue à domicile ainsi qu’en cas de comorbidité psychiatrique prononcée, une hospitalisation s’impose.
Réhabilitation en cas de burnout
Après un traitement réussi de l’épuisement professionnel, la personne concernée montre une rémission de la dépression, une récupération de la capacité de concentration et de la mémoire, ainsi qu’une compréhension des facteurs de risque à la fois individuels et pertinents dans le contexte du travail. Ces stratégies d’adaptation constructives nouvellement acquises, associées à une meilleure gestion du stress et à une prise en charge consciente de soi, contribuent de manière significative à la réhabilitation.
En ce qui concerne la vitalité et la résistance au stress, les personnes atteintes de burnout diffèrent considérablement, même après le traitement. Selon le degré d’épuisement, il faut également s’attendre à une période prolongée de tendance accrue à l’épuisement, à une capacité de charge réduite et à une capacité de récupération limitée. Ce phénomène peut être qualifié de composante neurasthénique du syndrome d’épuisement professionnel. En d’autres termes, la personne concernée est en soi à nouveau fonctionnelle à tous égards, mais elle présente une plus grande fatigabilité et une phase de récupération plus longue dans la mesure où elle se comporte activement au-delà de sa capacité de charge.
C’est ici qu’intervient une autre partie importante de la rééducation. La personne concernée doit apprendre à identifier les activités et les charges qui dépassent les limites de sa résistance. La surveillance de l’énergie (figure 1) est un bon moyen d’y parvenir. Le patient est invité à évaluer son niveau d’énergie et de tension subjectif, y compris le niveau d’activité physique. de son humeur, sur une échelle de 1 à 10. En parallèle, il doit noter les activités et les pressions auxquelles il a été confronté à ce moment-là. Il n’aura aucun mal, tout comme le praticien, à reconnaître quand il en a trop fait. On peut observer qu’en cas de tension élevée, le patient a tendance à se sentir dépassé et ensuite épuisé plus longtemps. L’humeur est généralement parallèle à l’énergie. L’activité optimale est celle où le patient se sent plein d’énergie, de bonne humeur et détendu.
Outre la surveillance de l’énergie, il est important de demander au patient de faire des pauses régulières. Cela permet d’éviter de dépasser les limites de la charge de travail et de toujours donner à l’organisme la possibilité de se détendre et de se régénérer. La surveillance de l’énergie est également un bon outil pour évaluer la capacité de charge en termes de réintégration du travail. Plus souvent la personne concernée évite les surcharges et augmente ses efforts en fonction du monitoring énergétique, plus vite elle se régénérera durablement.
Réintégration dans le processus de travail
La rééducation consiste d’une part à permettre au patient de reprendre en main sa vie quotidienne sans retomber dans l’épuisement. D’autre part, elle doit préparer le patient à reprendre son activité professionnelle. Pour ce faire, il est nécessaire de se pencher sur les facteurs de stress précédents, de clarifier dans quelle mesure les facteurs de stress externes peuvent être modifiés dans l’environnement de travail et comment le patient lui-même peut réduire son niveau de stress en modifiant son approche. En outre, la construction de ressources constructives et l’examen des valeurs, des objectifs et des besoins personnels sont pertinents dans la psychothérapie. Dans le cadre de la rééducation, il est préférable de réexaminer ces domaines avec le patient. Il convient ensuite d’avoir un entretien commun avec l’employeur (supérieur direct, service du personnel, éventuellement case manager de l’assurance indemnités journalières) et le patient. L’objectif de cet entretien est de créer une stratégie de réintégration consensuelle. En fonction de sa capacité à supporter l’effort, le patient doit retourner progressivement à un poste de travail adapté, en commençant par une petite charge de travail et en faisant suffisamment de pauses entre les différentes unités de travail. La réintégration et la réhabilitation peuvent tout à fait prendre plusieurs mois après un burnout prononcé. La prise en compte d’une telle stratégie est la condition principale d’une récupération durable d’un burnout.
Un retour précoce au travail est utile si les recommandations ci-dessus peuvent être mises en œuvre. Si la réintégration au poste de travail d’origine n’est pas possible, soit parce que le contexte professionnel ne le permet pas, soit parce que le patient a été licencié ou qu’il considère son poste de travail comme trop pénible, généralement en raison de conflits antérieurs, elle peut également être réalisée par le biais d’un entraînement au travail sur un autre lieu de travail. Un tel entraînement au travail peut être soutenu soit par une gestion de cas, soit par l’assurance-invalidité (AI). Cette dernière variante peut se faire dans le cadre de ce que l’on appelle le job coaching [12].
Résumé
Le burnout est un trouble consécutif au stress qui se manifeste généralement par un épuisement prolongé. Il constitue un état de risque pour les troubles psychiques et somatiques ultérieurs. Le burnout est considéré comme l’expression d’une inadéquation entre l’environnement de travail et l’employé individuel. Les facteurs de risque se situent à la fois dans le contexte du travail et chez l’individu. Après un traitement réussi, on observe souvent une tendance prolongée à la fatigue ainsi qu’une réduction de la capacité de travail et de récupération. Grâce à un monitoring énergétique, la personne concernée apprend à mieux évaluer sa capacité à supporter l’effort. Une planification des activités qui tient compte de la capacité à l’effort et intègre des pauses appropriées permet de réussir une rééducation durable. La réintégration dans le contexte du travail doit se faire progressivement dans un environnement adapté et en concertation avec toutes les parties concernées.
Littérature :
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- H. Dilling, et al : OMS – Classification internationale des troubles mentaux, Chapitre V (F), Lignes directrices pour le diagnostic clinique. Berne : Hans Huber, 1993.
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- Angst J, et al. : Dépression, burnout ou crise ? Les différents visages de la dépression dans l'”étude zurichoise”. Cham : Fondation Selo, 2012.
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- Maslach C, et al. : La vérité sur le burnout. Vienne, New York : Springer, 2001.
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InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2016 ; 14(6) : 18-21