En l’absence de traitement (suffisant), les maladies rhumatismales inflammatoires peuvent provoquer des lésions articulaires et organiques potentiellement graves. La capacité des centres spécialisés et des spécialistes est loin d’être suffisante pour traiter tous les patients en temps voulu. Les consultations précoces ou de dépistage peuvent être une solution possible.
Dans la pratique clinique et quotidienne, il existe un besoin important d’effectuer au moins un examen rhumatologique. Environ un quart de la population présente, au moins par intermittence, des symptômes musculo-squelettiques chroniques ou aigus dont le diagnostic différentiel pourrait être d’origine rhumatismale. La prévalence des adultes nécessitant une prise en charge continue en rhumatologie est de 2%. Les capacités du service de rhumatologie ne le permettent pas, surtout en ce qui concerne les besoins d’examens aigus qui ne peuvent pas être bien couverts. En ce qui concerne la polyarthrite rhumatoïde (PR), il est recommandé de procéder à un examen rhumatologique du patient dans les 3 à 6 mois suivant le début des symptômes et de mettre en place un traitement.
La réalité dans de nombreuses régions est toutefois très différente : En Allemagne, le délai d’attente pour obtenir le premier rendez-vous en rhumatologie à partir de la demande est d’environ 6 mois dans de nombreux endroits. La situation n’est pas très différente en Suisse. A cela s’ajoute le temps que le patient attend avant de se présenter avec ses symptômes chez son premier médecin traitant, plus le temps que ce dernier met ensuite à identifier le besoin d’un examen rhumatologique.
Un coup d’œil sur le rapport entre les capacités en rhumatologie et les besoins est décevant : seule la moitié environ des rhumatologues nécessaires sont effectivement disponibles. Une telle lacune ne peut pas être comblée à court terme. Les solutions possibles pour remédier à ce goulot d’étranglement peuvent consister, par exemple, à réorganiser les capacités et les voies d’accès existantes. Les consultations précoces ou de dépistage constituent une approche à cet égard. Le Dr Karolina Benesova de l’hôpital universitaire de Heidelberg (D) a présenté à ce sujet la consultation de dépistage “SCREENED” (SCREEN for Early Diagnosis), proposée depuis 2018 dans son établissement comme outil de diagnostic et de traitement précoces des maladies rhumatismales inflammatoires [1].
Intervention précoce = avantage économique
La consultation offre des capacités pour environ 12 rendez-vous de patients par semaine sur place à Heidelberg. Le contact médecin-patient est de 30 minutes à chaque fois. Le délai entre la demande et l’obtention d’un rendez-vous varie de 7 à 60 jours en fonction de l’urgence. La base et la condition préalable à l’admission à la consultation est d’abord un questionnaire patient standardisé que le patient soumet au médecin qui l’a envoyé. Après une vérification formelle de l’exhaustivité des dossiers, ceux-ci sont examinés par un rhumatologue qui pose un premier diagnostic de suspicion et définit l’urgence sur la base de ce diagnostic (fig. 1). Les objectifs de soins régionaux de SCREENED sont la réduction du temps d’attente pour un premier examen rhumatologique, mais aussi des procédures transparentes qui doivent être aussi rapides et standardisées que possible. En outre, la communication avec les patients et les médecins référents doit être optimisée afin de réduire les délais d’attente également dans les soins primaires. En outre, les objectifs généraux incluent l’amélioration de la qualité des soins rhumatologiques au niveau régional et national grâce à l’échange avec d’autres consultations précoces.
Le Dr Benesova a souligné que la première présentation dans les 3 à 6 mois requis n’atteint actuellement qu’environ un tiers des patients atteints de PR et un cinquième des patients atteints de PsA. “Environ un tiers des patients atteints de PR et environ la moitié des personnes atteintes de PsA sont déjà malades depuis plus d’un an avant de nous contacter pour la première fois”. Cela est d’autant plus important que, selon des évaluations réalisées à Heidelberg, les patients qui obtiennent une rémission restent en moyenne malades pendant environ 100 semaines avant de se présenter pour la première fois. La durée de la maladie chez les patients qui n’ont pas atteint la rémission a été d’au moins un mois. En revanche, la période de suivi de 2 ans est environ deux fois plus longue. “La rhumatologie est coûteuse. Mais nous avons pu montrer que les patients traités plus tôt ont moins besoin de médicaments biologiques et de DMARD ciblés par la suite”, a constaté l’experte.
En ce qui concerne la question de savoir ce qu’il ne faut pas négliger pour que le patient se porte bien par la suite, le Dr Benesova a présenté quelques cas tirés de ses consultations de dépistage pour montrer qu’il n’est souvent pas nécessaire de disposer de tant d’informations pour décider s’il faut voir un patient et, si oui, dans quel délai.
1. besoin de clarification particulièrement urgent
-> Décision dans un délai d’une semaine, hospitalisation si nécessaire
Casuistique : Patient de 31 ans sans antécédents médicaux importants. Dans ce cas, l’appel est venu du service d’orthopédie de l’UK Heidelberg : l’homme présentait des chevilles très enflées, des lésions cutanées dolentes à la pression sur les jambes et de la fièvre à 38,3°C. Le service d’orthopédie de l’UK Heidelberg a décidé de prendre en charge le patient. La CRP était de 91 mg/l.
Seules la fièvre et la CRP devraient être des indicateurs rouges, a fait remarquer la rhumatologue. Des photos envoyées sur demande montraient également des érythèmes noueux typiques, très douloureux à la pression. Dans le questionnaire, l’homme a indiqué qu’au début, la douleur était de 8 sur 10 sur une échelle et que, selon son ressenti subjectif, la cheville et le genou étaient les articulations touchées. Parmi les symptômes, il avait indiqué des difficultés respiratoires, mais aussi de la toux.
Recommandation : Les médecins ont recommandé à leurs collègues orthopédistes de compléter le diagnostic (sCD25, ECA comme paramètre d’évolution, radio du thorax en cas de suspicion de lymphadénopathie périphérique et/ou d’atteinte pulmonaire) en cas de sarcoïdose aiguë de haut grade (Löfgren) et de commencer une poussée de prednisone à 30 mg en attendant le rendez-vous dans 10 jours. Le laboratoire a montré que le sCD25 était nettement plus élevé, avec >2100 U/ml (<900), les IEC étaient normaux. La radiographie a confirmé la présence d’une lymphadénopathie périphérique.
Evolution : L’évolution ultérieure a été encourageante : dès la consultation, 10 jours plus tard, on a constaté une nette amélioration sous l’effet des stéroïdes, il n’y avait plus d’arthrite de l’OSG et l’érythème noueux s’estompait. La toux a nettement diminué et le patient n’avait plus de fièvre.
Clemens Cohen, de la München Klinik Harlaching et directeur scientifique du Rheuma Nephro Refresher, a demandé si ce patient n’aurait pas dû être vu immédiatement par un rhumatologue ? Il était surtout préoccupé par le fait que l’administration immédiate de stéroïdes aurait pu faire passer à côté de diagnostics différentiels tels que l’arthrite septique. Le Dr Benesova était tout à fait d’accord avec son collègue. Mais ici, le cas était si clair – notamment avec les lésions cutanées et le fait que les collègues orthopédistes avaient examiné le patient sur place – qu’elle a laissé faire. “Mais s’il s’agissait d’un patient dont je ne savais rien d’autre et dont je n’avais ni les images ni le laboratoire, cela aurait été un candidat que j’aurais hospitalisé le cas échéant”.
2. besoin urgent de clarification
-> Décision dans un délai de 4 semaines
Cas clinique : Une patiente de 71 ans sans antécédents médicaux importants ne présentait des symptômes de douleur et de gonflement au niveau des doigts/poignets et des épaules que depuis environ 2 semaines. Elle a déclaré subjectivement un schéma typique de PR, et lors de sa première présentation, elle a présenté un DAS28 de 6,1. La CRP était à 21,4, la CCP positive, le facteur rhumatoïde élevé (21) et le SS-A positif (93,00). Dans l’ensemble, cela indique donc clairement que cette patiente doit être vue et prise en charge sur le plan rhumatologique.
Recommandation : Les experts de Heidelberg ont posé le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde séropositive et anti-CCP. Sur le plan thérapeutique, une poussée de stéroïdes a été initiée avec de la prednisone 30mg et du MTX 15 mg/semaine s.c..
évolution : Là encore, l’évolution a été positive : Après 4 mois, la patiente était en rémission sous seulement 5 mg de prednisone.
3. besoin de clarification moins urgent
Les patients qui sont malades depuis longtemps et dont la symptomatologie n’est pas dynamique ou les patients qui présentent des symptômes articulaires mais dont le laboratoire est normal, surtout s’il ne s’agit que de douleurs sans gonflement, doivent bien sûr être examinés. Il n’y a toutefois pas d’urgence particulière à cet égard, comme l’a résumé le Dr Benesova.
– FomF Rhumatisme Néphro Remise à niveau (en ligne), 29-31.10.2020
Source :
- Symposium industriel “SCREENED to target : qui doit consulter un rhumatologue et quand ?”, 29.10.2020, Janssen-Cilag
InFo DOULEUR & GERIATRIE 2020 ; 2(2) : 34-35 (publié le 11.12.20, ahead of print)