Chez les patients âgés et très âgés souffrant de maladies rhumatismales et musculo-squelettiques, la multimorbidité et la polypharmacie, en particulier, nécessitent une évaluation minutieuse des effets d’interaction possibles.
La prévalence des maladies rhumatismales inflammatoires chroniques dont les premières manifestations surviennent plus tard dans la vie est en augmentation en raison de l’évolution démographique et de l’allongement de l’espérance de vie moyenne. Un traitement adéquat des patients gérontorhumatologiques doit être adapté à l’âge, orienté vers le patient et multidimensionnel. Les maladies rhumatismales inflammatoires chroniques chez les personnes âgées sont caractérisées, entre autres, par certaines modifications physiologiques corrélées à l’âge qui influencent la pharmacocinétique et sont importantes pour la sécurité des traitements médicamenteux (aperçu 1).
C’est pourquoi il est essentiel d’évaluer le risque individuel avant de commencer un traitement antirhumatismal. Toutes les phases pharmacocinétiques (absorption, distribution, biotransformation, élimination) sont affectées par les changements de conditions liés à l’âge. Werner Mayet, spécialiste en médecine interne et en gastroentérologie, Nordwestkrankenhaus Sanderbusch à Sande (D). Il est extrêmement important de tenir compte de la modification de l’élimination rénale et du risque accru de comorbidité rénale (cave : administration de médicaments principalement éliminés par voie rénale).
La polymédication est fréquente chez les patients âgés dans le contexte de la multimorbidité et il n’est pas rare de constater une polypharmacie (critère : régulièrement ≥5 médicaments par jour), ce qui comporte certains risques (aperçu 2). Les principales interactions médicamenteuses présentant une pertinence particulière pour le rhumatisant âgé sont résumées dans le tableau 1 .
Stratégie thérapeutique adaptée
Les “Disease Modifying AntiRheumatic Drugs” (DMARDs) sont des substances qui sont efficaces au-delà du soulagement des symptômes et qui modifient l’évolution de la maladie. Les DMARD biologiques et synthétiques font partie des médicaments de base de la polyarthrite rhumatoïde. L’association de plusieurs traitements de fond est risquée chez les patients rhumatisants âgés, de sorte que le passage aux médicaments biologiques est souvent plus sûr. En outre, selon le professeur Mayet, les particularités suivantes liées aux substances doivent être prises en compte chez les patients géronto-rhumatologiques :
- DMARD non biologiques : sulfasalazine : en cas de dysfonctionnement rénal léger, un ajustement de la dose est recommandé ; le DFG <50 est considéré comme une contre-indication. Méthotrexate (MTX) (revue 3) : efficacité comparable à celle des plus jeunes, taux d’interruption plus élevé chez les personnes âgées ; le DFG <50 est considéré comme une contre-indication. Léflunomide : largement indépendant de la fonction rénale, bonne alternative au MTX ; en cas de diarrhée, risque d’exsiccose ; risque d’élévation de la tension artérielle.
- DMARD biologiques (biologiques/biosimilaires) : c’est sur les inhibiteurs du TNF-alpha que l’on dispose de la plus grande expérience : les taux de réponse sont comparables à ceux des personnes plus jeunes, les taux d’infection sont légèrement plus élevés.
- Antirhumatismaux stéroïdiens (glucocorticostéroïdes) : ont une bonne efficacité en termes d’inhibition de l’inflammation et de la douleur, même chez les personnes âgées, et ne jouent pas un rôle important dans la fonction rénale. Les effets indésirables des médicaments dépendent de la dose. Chez les patients âgés, même une prise régulière à faible dose peut augmenter considérablement le risque d’infection. En ce qui concerne les risques généraux d’effets secondaires des glucocorticoïdes systémiques, les mesures suivantes sont recommandées : Mesure de la densité osseuse avant le début du traitement, prophylaxie de l’ostéoporose, contrôle ophtalmologique (cataracte/glaucome).
Augmentation de la prévalence corrélée à l’âge
Rieke Alten, médecin-chef en médecine interne II à la Schlosspark-Klinik de Berlin (D), a présenté un exposé sur les maladies rhumatismales inflammatoires chroniques qui se développent avec l’âge [1].
Polyarthrite rhumatoïde (PR) : Dans la PR tardive (LORA), la première manifestation se produit à l’âge de >60-65 ans, tandis que dans la PR précoce (EARLY-onset RA), elle se produit à un âge inférieur [2]. Comme l’âge moyen de la population de patients atteints de PR ne cesse d’augmenter, la pertinence de LORA va s’accroître à l’avenir. Environ un tiers des patients atteints de PR ont plus de 60 ans. Dans la population de patients LORA, le risque de maladies cardiovasculaires et infectieuses ainsi que de comorbidités est plus élevé que dans la population EORA. Le traitement de la LORA a évolué : Le traitement à long terme par glucocorticoïdes a été supplanté par un traitement de fond adapté à l’âge avec des DMARD. Actuellement, le méthotrexate (MTX) est considéré comme l’étalon-or dans le traitement de l’EORA et de la LORA. Les données sur l’efficacité des antirhumatismaux de synthèse conventionnels chez les patients âgés sont peu nombreuses, mais on ne connaît pas encore de diminution de l’efficacité, explique le professeur Alten. Malgré une utilisation répandue, notamment chez les patients âgés, la littérature ne fournit que peu d’informations sur le dosage initial, la durée du traitement, les stratégies de réduction. La règle générale est d’administrer la dose la plus faible et la plus courte possible, en particulier chez les patients âgés fragiles. Le MTX associé à l’étanercept, l’infliximab, l’adalimumab, l’abatacept, le tocilizumab permet d’arrêter la progression clinique et radiologique de manière analogue à EORA. Il existe des données d’efficacité comparables concernant l’association du MTX avec les nouveaux inhibiteurs oraux de la Janus kinase, le tofacitinib et le baricitinib. Pour EORA et LORA, une activité élevée de la maladie est un facteur de risque indépendant de mortalité, de maladies cardiovasculaires et d’infections. Un traitement par DMARD, qui réduit l’activité de la maladie, est utile pour l’EORA et la LORA.
Polymyalgica Rheumatica (PMR) : Cette maladie survient presque exclusivement dans le groupe d’âge des plus de 50 ans. Après la PR, il s’agit de la deuxième maladie rhumatismale inflammatoire la plus fréquente chez les personnes âgées. Il n’existe pas de tests de diagnostic spécifiques, le diagnostic se fait par élimination différentielle. Si le diagnostic de PMR est posé, il faut d’abord traiter avec des glucocorticoïdes. En cas de risque élevé de récidive ou d’effets secondaires, il est possible de passer au MTX.
Spondyloarthrite axiale (axSpA) : Seuls 5% des patients atteints de SpA ont plus de 50 ans lors de leur première présentation. Les caractéristiques particulières de l’axSpA chez les personnes âgées sont l’atteinte du rachis cervical ; l’atteinte articulaire périphérique des membres supérieurs et inférieurs et les formes mixtes avec atteinte axiale et périphérique.
Arthrite psoriasique (PsA) : La manifestation de la PsA survient généralement environ dix ans après le diagnostic du psoriasis. Les caractéristiques particulières du PsA chez les personnes âgées sont un début avec des symptômes plus prononcés et une évolution nettement plus destructrice. La fatigue et les comorbidités sont plus fréquentes, les niveaux de douleur et les marqueurs d’inflammation sont plus élevés, tandis que la dactylite et l’atteinte unguéale sont plus rares. Comme le tabagisme et l’âge, la PsA est un facteur de risque indépendant d’athérosclérose infraclinique [3].
En résumé, une sécurité appropriée du traitement pharmacothérapeutique chez les patients âgés et très âgés souffrant de maladies rhumatismales et musculo-squelettiques joue un rôle central et le traitement doit toujours être effectué en tenant compte des facteurs de risque individuels.
Littérature :
- Rieke Alten, médecin-chef en médecine interne II à la clinique Schlosspark de Berlin (D), présentation de diapositives sur la gérontorhumatologie, 125e Congrès de la DGIM Congrès de la Société allemande de médecine interne, Wiesbaden, 4 mai 2019.
- Krams T, et al : Effet de l’âge au début de l’arthrite rhumatoïde sur les résultats cliniques, radiographiques et fonctionnels : La cohorte ESPOIR. Joint Bone Spine 2016 ; http://dx.doi.org/10.1016/j.jbspin.2015.09.010.
- DGIM : Dr. med. Werner Mayet, spécialiste en médecine interne et gastroentérologie, Nordwestkrankenhaus Sanderbusch à Sande, présentation de diapositives : Gérontorheumatologie, 125e Congrès de l’Association allemande de gériatrie. Congrès de la Société allemande de médecine interne, Wiesbaden, 4 mai 2019.
- Krüger K, Strangfeld A, Kneitz C : Sécurité du traitement des rhumatismes chez les personnes âgées. Journal de rhumatologie 2014 ; 3 : www.springermedizin.de/sicherheit-der-rheumatherapie-im-alter/8387360.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2019 ; 14(8) : 38-39
InFo DOULEUR & GERIATRIE 2019 ; 1(1) : 30-31