Cette maladie multisystémique hétérogène au mécanisme pathologique à médiation immunitaire présente une atteinte cutanée dans 20 à 30% des cas, et d’autres organes sont touchés dans 60% des cas. En plus d’un examen histologique, un hémogramme différentiel est nécessaire pour établir le diagnostic. L’éventail des options thérapeutiques va des glucocorticoïdes topiques ou des antagonistes de la calcineurine à l’hydroxychloroquine et aux produits biologiques.
Par définition, une inflammation est granulomateuse si l’infiltrat est composé d’au moins 50% d’histiocytes/macrophages [1]. Le mécanisme de la pathologie est à médiation immunitaire. Il s’agit d’un schéma de réaction qui se produit lorsque les toxines immunogènes du monde extérieur ne peuvent pas être éliminées par le système immunitaire, explique le professeur Matthias Goebeler, de l’hôpital universitaire de Würzburg [1]. “Il y a une activation des lymphocytes T avec libération de cytokines comme le TNF, l’IL12, l’IL18 et des chimiokines qui induisent une réaction inflammatoire granulomateuse”, précise le conférencier. On distingue les maladies granulomateuses infectieuses et non infectieuses. La sarcoïdose est classée parmi ces dernières. L’étiologie n’est pas claire, on pense qu’il existe une interaction entre des déterminants génétiques et des facteurs déclencheurs extrinsèques. Cette thèse est étayée par des études de jumeaux. Le taux d’incidence annuel dans la population générale est d’environ 1-4:10 000, la sarcoïdose étant la plus fréquente dans le groupe d’âge des 30-40 ans.
Un caméléon parmi les maladies de la peau
Les manifestations cliniques peuvent parfois varier considérablement. Les symptômes cutanés sont présents dans 20 à 30% des cas et l’atteinte cutanée est le premier symptôme chez un tiers des patients. Dans 60% des cas, d’autres organes sont touchés [1,2]. Les formes les plus courantes sont les sarcoïdoses disséminées à petits nodules. Il s’agit de papules pouvant atteindre 5 mm, isolées ou groupées. Les sites de prédilection comprennent le visage et les faces d’extension des membres. Dans 80% des cas, la guérison se fait spontanément dans les deux ans. Ce n’est pas le cas de la sarcoïdose nodulaire, qui se caractérise par des nodules rouge vif et grossiers, l’atteinte d’organes étant très fréquente dans ce sous-type de sarcoïdose. Dans la forme en plaques de la sarcoïdose, l’évolution de la maladie est plutôt chronique, 90% des personnes atteintes n’obtiennent pas de guérison dans les deux ans. Les sites de prédilection sont le visage, les fesses, le dos, une atteinte extrathoracique est fréquente. Une forme encore plus grave de sarcoïdose est le lupus pernio. Souvent, la maladie évolue de manière chronique et progressive. Les symptômes sont généralement localisés au niveau du nez, des joues, des fesses ou des hanches et une atteinte pulmonaire et extrathoracique sévère des organes peut survenir. Une forme plus rare de sarcoïdose est l’angiolupoïde. Il s’agit de lésions téléangiectasiques du nez. La sarcoïdose peut être causée par un tatouage, une cicatrice ou un piercing. Le diagnostic différentiel entre une sarcoïdose induite par un tatouage et les “granulomes de tatouage avec uvéite” (TAGU) doit être établi. Les “réactions de type sarcoïde” peuvent également survenir comme effet secondaire de certains médicaments, par exemple lors d’un traitement par des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (ipilimumab, novolumab, pembrolizumab, etc.) ou à la suite d’une inhibition de BRAF/MEK.
Gestion multimodale interdisciplinaire
Ce qui ne doit pas manquer, c’est un examen histologique : un résultat classique de sarcoïdose est caractérisé par des granulomes à cellules épithélioïdes entourés d’un infiltrat lymphocytaire clairsemé. Le diagnostic de base comprend également un bilan sanguin différentiel, y compris les valeurs hépatiques et rénales. Le calcium doit être dosé dans le sérum et dans les urines collectées. Il est également recommandé de mesurer les paramètres suivants : ECA, éventuellement néoptérine sIL-2R, ANA (élevé dans 30% des cas). Autres examens pertinents pour le diagnostic : scanner thoracique à faible dose, fonction pulmonaire, ECG (à long terme), échocardiographie. En ce qui concerne les consultations, un examen ophtalmologique doit toujours être effectué, ainsi que des examens neurologiques et cardiologiques, le cas échéant, en fonction de la gravité des symptômes de chaque cas.
L’organe le plus souvent touché est le poumon, ce qui peut s’accompagner d’une toux et d’une dyspnée persistantes, et dans les cas les plus graves, d’une fibrose. Mais les yeux, le foie, la rate, le cœur, le système nerveux et le système musculo-squelettique peuvent également être affectés.
Il existe plutôt peu d’études thérapeutiques de grande envergure sur la sarcoïdose, les données empiriques se limitent à de petites séries de cas et à l’expérience clinique. Les glucocorticoïdes oraux (prednisone/prednisolone) sont recommandés comme option thérapeutique systémique primaire, sur une période de 6 à 12 mois selon la réponse [3]. En cas de non-réponse ou d’intolérance, le méthotrexate, l’azathioprine, le léflunomide et le mycophénolate mofétil peuvent être utilisés. Le méthotrexate est le plus couramment utilisé et est relativement sûr dans un cadre approprié et avec un suivi adéquat [4–6]. De bons résultats thérapeutiques ont également été obtenus avec l’azathioprine, bien que les risques d’effets secondaires soient un facteur critique [7]. Le léflunomide peut être utilisé à la place du méthotrexate ou en association [8,9]. En cas de mauvaise tolérance des antimétabolites ou d’absence de réponse, un inhibiteur du TNFα peut être envisagé (par ex. infliximab, adalimumab) [3]. Parmi les autres options thérapeutiques, le rituximab s’est révélé efficace dans de petites séries de cas [10,11]. L’hydroxychloroquine est une option thérapeutique éprouvée, en particulier pour la sarcoïdose cutanée [12,13].
Source : DERMATOLOGIE KOMPAKT & PRAXISNAH Dresden (D)
Littérature :
- Goebeler M : Maladies granulomateuses. Dr Matthias Goebeler, Dermatologie compacte & pratique, Dresde, 07.02.2020.
- Giner T, et al : [Sarcoidosis : Dermatological view of a rare multisystem disease]. [Article in German]. Dermatologue 2017 ; 68(7) : 526-535.
- Baugham RP, Grutters JC : New treatment strategies for pulmonary sarcoidosis : antimetabolites, biological drugs, and other treatment approaches. Lancet Respir Med 2015 ; 3 : 813-822.
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- Korstena P, et al. Traitement non stéroïdien de la sarcoïdose. Curr Opin Pulm Med 2013 ; 19(5) : 516-523.
- Coker KC : Stratégies de gestion de la sarcoïdose pulmonaire. Ther Clin Risk Manag 2009 ; 5 : 575-584.
Littérature complémentaire :
- Graf L, Geiser T : Le caméléon parmi les maladies systémiques : La sarcoïdose. Swiss Med Forum 2018 ; 18(35) : 695-701.
DERMATOLOGIE PRAXIS 2020, 30(4) : 35 (publié le 24.8.20, ahead of print)