Le fait qu’un médecin de premier recours soit confronté à des patients souffrant de blessures aiguës au genou dépend dans une certaine mesure de l’emplacement de son cabinet (ville, campagne, station de ski) et de sa spécialité (plutôt médecine interne, plutôt médecine générale), ce qui est inévitable d’un point de vue purement statistique. Que doit-il prendre en compte ?
Les statistiques disponibles (SSAA et BPA) indiquent que l’articulation du genou est souvent la cible de forces nocives liées au sport : entre 10 et 17% de tous les accidents de sport enregistrés touchent l’articulation du genou, ce qui correspond à environ 30 000 blessures par an. Ces statistiques nationales montrent en outre que les femmes sont même légèrement plus vulnérables que les hommes. Avec la forte “présence” générale du sport comme cause de blessures au genou, on comprend que les adolescents, tout au plus avant la fin de la croissance squelettique, ne sont pas rares non plus.
Distorsion du genou – diagnostics différentiels
Il est évident que la “distorsion du genou” n’est pas un diagnostic suffisant et qu’il faut donc toujours rechercher minutieusement la ou les lésions en cas de traumatisme aigu lié au sport. En présence d’un épanchement de l’articulation du genou (hémarthrose), les lésions les plus fréquentes sont celles du ligament croisé antérieur, les déchirures du ménisque périphérique, les fractures, notamment du plateau tibial, et la luxation de la rotule. Les blessures des ligaments latéraux, les lésions ostéochondrales et les fractures de la rotule sont un peu moins fréquentes. Les blessures de l’appareil extenseur et les luxations complètes du genou sont encore moins fréquentes – mais il ne faut pas les oublier.
En l’absence d’épanchement articulaire, il faut penser en premier lieu aux lésions des ligaments latéraux médiaux et aux déchirures centrales du ménisque, un peu plus rarement aux lésions des ligaments croisés postérieurs et aux lésions du cartilage.
Il est important de penser aux lésions des joints de croissance chez les jeunes patients dont la croissance n’est pas terminée. Il faut également tenir compte du fait que des combinaisons de ces différentes lésions sont possibles et même fréquentes (jusqu’à 75% selon les données). Avec cette liste de diagnostics différentiels en tête, vous pouvez maintenant aborder l’anamnèse et l’examen.
Anamnèse
Lors de la première consultation, l’anamnèse est un moment très important. En fait, dans de nombreux cas, il est déjà possible de poser un diagnostic à partir de l’histoire du patient. Cependant, cela demande un peu de pratique et le patient doit souvent être fortement guidé. Plutôt que de chercher à reconstruire la biomécanique du traumatisme, il est généralement plus facile (du moins pour le patient) de connaître les circonstances générales : Le type de sport, le type de traumatisme (chute, action de l’adversaire), l’énergie mise en jeu, la “disponibilité” musculaire lors du traumatisme, les bruits perçus (par exemple un “pop”) de luxation ou de déchirure.
Il est également très instructif de savoir ce qui s’est passé immédiatement après l’accident : l’activité a-t-elle pu être poursuivie à mi-chemin ou non après une courte récupération ? Le sentiment d’être un membre incontrôlable est-il apparu assez rapidement ? En combien de temps percevait-on un gonflement de l’articulation (4 à 6 heures après l’accident = généralement hémarthrose, jusqu’à preuve du contraire lésion structurelle). Une description de la douleur est importante. Une diminution rapide après l’apparition initiale n’est pas atypique pour une lésion ligamentaire isolée, une augmentation constante est suspecte pour une lésion osseuse. La localisation principale de la douleur au moment de l’accident peut également aider : Plutôt médiale, il pourrait s’agir d’une lésion du ligament interne ou d’une luxation de la rotule, et dans la région du creux poplité, d’une lésion “centrale” (ligament croisé antérieur, ligament croisé postérieur). La connaissance pratique des sports, comme vous pouvez l’imaginer, n’est pas un inconvénient.
Enquête pas toujours possible
Après ce recensement, nous passons à l’enquête, elle aussi très importante. En principe, elle doit être réalisée aussi bien en position debout qu’en position couchée – mais selon le moment de la visite du patient, il est tout à fait possible que cette étape capitale ne puisse pas être réalisée du tout en raison de la douleur et/ou du gonflement. Dans une telle situation, il est permis d’envisager l’option de la ponction articulaire, un acte qui soulage souvent l’articulation de manière très efficace et augmente ainsi fortement le confort. Si l’on décide de le faire, un examen radiographique préalable est absolument nécessaire pour exclure une lésion osseuse, qui constitue une contre-indication quasi absolue à la ponction. On fera donc un cliché postéro-antérieur, un cliché latéral du genou et en même temps un cliché axial de la rotule pour exclure les arrachements médiaux de la rotule, les lésions des condyles (surtout chez les jeunes), une fracture de Segond sur le bord latéral du tibia, pathognomonique en quelque sorte d’une lésion du VKB, et les fractures du plateau tibial.
Il convient de préciser ici que si ces radiographies doivent être réalisées dans un institut de radiologie, il est tout à fait possible de commander en même temps l’IRM du genou avec un certain caractère d’urgence. Contrairement à ce que l’on pense souvent à l’étranger, où l’accès à l’IRM est souvent plus difficile que chez nous, on ne peut en fait pas éviter cet examen, car les lésions combinées ne sont pas rares et l’évaluation clinique n’est pas une chose facile, même pour les personnes expérimentées, par exemple en cas de lésions ligamentaires accompagnées de lésions du cartilage ou du ménisque. Et comme les stratégies thérapeutiques dépendent entièrement de ce diagnostic fin, nous considérons que l’IRM est utile.
Quelle est la suite ?
Les premiers soins sont classiques : immobilisation dans une attelle, protocole PECH, cannes et éventuellement antalgiques. Parce que la suspicion de fracture n’est pas exclue dans ce cas, la décharge totale est justifiée et un contact ultérieur immédiat avec le patient est indispensable après réception des résultats de la radiographie.
Si une ponction peut être effectuée dans la même séance après avoir exclu une fracture, ou si le patient n’est pas trop douloureux, l’examen systématique peut être possible.
Un genou doit être évalué selon un protocole d’examen du genou programmé. Il serait trop long de décrire cet examen du genou dans ses moindres détails. En principe, après l’inspection et la palpation, la mobilité, la stabilité médiale et latérale et la stabilité “centrale” doivent être vérifiées par des tests spécifiques. Dans ce contexte, les tests dynamiques, en premier lieu le test du pivot shift, méritent d’être soulignés. Leurs résultats sont particulièrement importants par la suite pour le choix du traitement. Comme toujours, la comparaison des pages est recommandée. Les tests méniscaux doivent également être vérifiés, ainsi que la fonction rotulienne – toujours en supposant que cela soit possible du point de vue du patient (la douleur entraîne une tension). Il faut également bien tester la compétence active de la fonction d’extension et de diffraction.
Nouvelle consultation
Pour la deuxième rencontre en consultation, il faut fixer des objectifs très clairs :
- Discussion des résultats de l’IRM (et de la radiographie)
- Réévaluation clinique éventuelle
- Détermination de la stratégie thérapeutique.
Réalisée par des radiologues expérimentés, l’IRM doit clairement montrer la présence de lésions ostéochondrales et méniscales non détectées auparavant. Un petit mot sur le “bone bruise”, ou œdème de la moelle osseuse : cette altération de plus en plus souvent décrite (80% des images de distorsions du genou) n’a pas encore été complètement étudiée, mais lorsqu’elle est présente, elle semble également expliquer la douleur dans une certaine mesure.
Si nécessaire, le nouvel examen clinique doit maintenant pouvoir se faire en position debout, en comparant les côtés. Les constatations faites précédemment peuvent être vérifiées à nouveau. De cette manière, il devrait être possible d’établir un diagnostic hautement probable et de passer au choix du traitement adéquat nécessaire.
En présence de lésions structurelles ou de lésions combinées (p. ex. déchirure du VKB plus ménisque médial), de lésions ostéochondrales et méniscales, il est recommandé d’adresser le patient au spécialiste chirurgical (orthopédiste) ; en revanche, en cas de lésion isolée du ligament latéral interne ou du ligament croisé antérieur, une stratégie thérapeutique conservatrice peut tout à fait être discutée.
Toute cette évaluation doit avoir lieu le plus rapidement possible, d’autant plus que la suture du ligament croisé par des moyens auxiliaires (Ligamys ou Internal Brace) est désormais disponible et semble prometteuse. Dans ce dernier cas, l’intervention est généralement plus précoce que pour la ligamentoplastie de remplacement du ligament croisé (dans les trois semaines suivant la blessure).
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2015 ; 10(2) : 4-5