Lors de la prescription d’un traitement antidiabétique, d’autres critères que le contrôle de la glycémie sont aujourd’hui pertinents. Le bénéfice cardiaque des inhibiteurs du SGLT2 et des analogues du GLP1 a été intégré dans les directives internationales et également dans la version révisée en 2020 des recommandations de la Société suisse d’endocrinologie et de diabétologie.
Une augmentation significative de la prévalence des maladies diabétiques est signalée dans le monde entier [1,2]. Pour l’année 2019, la Fédération internationale du diabète (FID) a recensé 463 millions de diabétiques adultes [3]. Pendant longtemps, les essais cliniques sur le traitement du diabète de type 2 (DT2) ne prenaient en compte que les mesures de paramètres de substitution tels que la glycémie et l’HbA1c. La situation a évolué et les sociétés savantes et les autorités de réglementation reconnaissent de plus en plus que les avantages des traitements contre le diabète ne se limitent pas à la normalisation des paramètres de laboratoire, mais qu’ils doivent essentiellement permettre de réduire la morbidité et la mortalité. Cela a entraîné un changement de paradigme dans la recherche sur le traitement du diabète, qui s’est notamment traduit par la mise en place de grandes études sur le point final cardiovasculaire (CVOT). L’étude EMPA-REG a montré que l’empaglifozine (Jardiance®), un inhibiteur du SGLT-2, entraînait une réduction significative de la MACE à 3 points (14%), de la mortalité cardiovasculaire (38%), de l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (35%) et de la mortalité totale (32%) par rapport au placebo [4]. Selon le CREDENCE, la canagliflozine, un inhibiteur de SGLT-2, donne des résultats similaires [5]. En ce qui concerne le GLP-1 RA, l’étude LEADER a démontré un bénéfice cardiovasculaire supplémentaire avec une réduction de la MACE à 3 points (13%), de la mortalité cardiovasculaire (22%) et de la mortalité totale (15%) [6]. Le bénéfice cardiovasculaire des inhibiteurs du SGLT2 et des analogues du GLP1 a été pris en compte dans les directives actuelles de plusieurs sociétés savantes européennes et nord-américaines [7–10].
Focus sur l’insuffisance cardiaque et la néphroprotection
L’adaptation optimale du traitement aux conditions individuelles de chaque patient peut s’avérer complexe en raison de l’hétérogénéité du DT2 et des éventuelles comorbidités. Les recommandations suisses pour le traitement du DT2 fournissent aux médecins généralistes des éléments de décision importants pour le choix du traitement le plus approprié [11]. Les mises à jour de 2020 tiennent compte, entre autres, de CVOTs récents visant à démontrer la sécurité des médicaments antidiabétiques dans une population à haut risque avec une maladie cardiovasculaire existante et avec ou sans maladie rénale chronique [11]. Selon les dernières lignes directrices de l’ESC/EASD, la classification à haut risque s’applique non seulement aux patients ayant déjà une maladie cardiovasculaire, mais aussi à ceux ayant trois facteurs de risque supplémentaires ou plus, ce qui est fréquent chez la plupart des patients DT2, en particulier en présence de complications microvasculaires (néphropathie, rétinopathie ou neuropathie). [12,13] (Tab. 1). Les classes de substances autorisées dont il est prouvé qu’elles contribuent à réduire les événements cardiovasculaires, la mortalité cardiovasculaire et la mortalité totale et qu’elles ont des effets néphroprotecteurs se limitent actuellement aux inhibiteurs du SGLT-2. [4,5,14,15] et les GLP-1-RA [16–19,22]. Les inhibiteurs du SGLT-2 sont également indiqués pour le traitement de l’insuffisance cardiaque, selon les connaissances actuelles.
Quelle est la différence entre les inhibiteurs de SGLT-2 et les GLP-1-RA ?
Il existe désormais un consensus général sur le fait que les inhibiteurs du SGLT-2 et les GLP-1-RA ont des effets positifs significatifs sur les maladies cardiovasculaires, la mortalité cardiovasculaire et la mortalité globale. En outre, ils retardent le développement de maladies rénales chroniques et d’insuffisances cardiaques chez les patients diabétiques. Aucune comparaison directe entre les deux classes de médicaments n’a encore été réalisée. Cependant, les données de plusieurs études indiquent que les GLP-1-RA ont un effet sur l’apparition de la microalbuminurie et de la macroalbuminurie. Les inhibiteurs du SGLT-2 entraînent une réduction du DFGe de 40% à 50% et une progression retardée de la maladie rénale [11]. L’empagliflozine (inhibiteur du SGLT-2) et le liraglutide (GLP-1-RA) réduisent tous deux la mortalité cardiovasculaire et la mortalité totale [4,18]. Une réduction de l’incidence des AVC n’a été démontrée que pour les GLP-1-RA [14-19]. Aucune étude de point final cardiovasculaire n’a été réalisée sur l’utilisation combinée de ces deux classes de médicaments. Il existe cependant des données montrant que la combinaison des deux classes a des effets additifs en termes de réduction de l’HbA1c, du poids et de la pression artérielle [20–22]. Cela a été démontré, entre autres, par des analyses post-hoc de l’étude EXSCEL (encadré) [11,22,23].
Choix de la thérapie dans le contexte de la situation globale
Voici un aperçu des facteurs qui, selon les recommandations de la SSED, devraient être pris en compte dans les décisions de traitement antidiabétique afin d’obtenir les meilleurs résultats possibles et de réduire le risque de complications cardio-rénales [11]:
Envisager l’administration d’insuline : La question de savoir si un patient diabétique a besoin d’insuline est essentielle. Selon les recommandations de la SSED, l’administration d’insuline n’est jamais une erreur dans les cas suivants : taux d’HbA1c trop élevé (>10%) ; pas de syndrome métabolique, pas d’obésité viscérale, pas de dyslipidémie typique (cholestérol HDL bas et triglycérides élevés) ; symptômes cliniques de carence en insuline (perte de poids, polyurie et polydipsie). Chez une petite minorité de patients, la présence d’un diabète de type 1 ou d’une maladie du pancréas (pancréatite chronique) est possible.
Réduction de la charge cardiovasculaire : cet aspect est essentiel. Selon les recommandations de la SSED, les inhibiteurs du SGLT-2 et les GLP-1-RA devraient être associés à la metformine dès le début du traitement, conformément aux CVOT mentionnés.
Inhibiteurs du SGLT-2 ou GLP-1-RA : comme nous l’avons mentionné, ces classes de substances ont des mécanismes d’action différents qui n’ont pas encore été entièrement élucidés. L’un des points communs entre les médicaments des deux classes est la réduction démontrée des événements cardiovasculaires, de la mortalité et de la progression de la néphropathie. La SSED recommande une utilisation combinée des inhibiteurs de SGLT-2 et des GLP-1-RA, dont la prise en charge financière est un aspect à clarifier.
Contrôle de l’HbA1c: une réduction de l’HbA1c à une valeur cible inférieure à 7% est importante pour réduire le risque de complications micro et macrovasculaires. Il n’y a pas de limite inférieure pour l’HbA1c si aucune classe de médicaments pouvant provoquer une hypoglycémie (insuline et/ou sulfonylurée) n’est utilisée. Si c’est le cas, la plage de valeurs cibles de l’HbA1c est de 6-7%.
Tenir compte des préférences du patient : L’efficacité, les bénéfices et les effets indésirables des antidiabétiques disponibles doivent être discutés avec le patient afin de prendre une décision commune.
L’IMC >28 est une indication pour l’utilisation de GLP-1-RA : les GLP-1-RA peuvent être utilisés avec l’insuline, de préférence dans une combinaison fixe.
Observance : le patient doit recevoir des instructions sur les règles relatives aux jours de maladie. Il s’agit notamment de se rendre à l’hôpital en cas de vomissements, de diarrhée ou de signes aigus de la maladie. Si une intervention chirurgicale est prévue, les inhibiteurs de SGLT-2 et la metformine doivent être arrêtés et, si nécessaire, remplacés par de l’insuline. Cette mesure simple permet d’éviter les rares cas d’acidocétose diabétique et d’acidose lactique.
Insuline basale : les preuves actuelles suggèrent que l’insuline dégludec et l’insuline glargine U300 préviennent le mieux l’hypoglycémie, en particulier l’hypoglycémie nocturne, suivies par l’insuline glargine U100 et l’insuline détémir, et enfin par l’insuline NPH.
Fonction rénale : la plupart des médicaments ne peuvent pas être prescrits si le DFGe est inférieur à 30 ml/min.
Insuffisance cardiaque : la réduction de la mortalité et des événements cardiovasculaires doit toujours être considérée comme un objectif de traitement. L’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection préservée (HFPEF, “heart failure with preserved ejection fraction”) concerne environ les ¾ des cas de DT2 et se caractérise par une fraction d’éjection ventriculaire gauche >40%. Environ ¼ des patients souffrent d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite (HFREF).
Littérature :
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- SGED : Société suisse d’endocrinologie et de diabétologie, www.sgedssed.ch
- ESC : Société européenne de cardiologie, www.escardio.org
- SGED : Recommandations de la Société suisse d’endocrinologie et de diabétologie (SGED/SSED) pour le traitement du diabète sucré de type 2, 2020, www.sgedssed.ch/diabetologie/sged-empfehlungen-diabetologie
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