Question : Une thalamotomie par ultrasons focalisés guidés par RM (MRgFUS) entraîne-t-elle une amélioration significative du tremblement chez les patients atteints de tremblement essentiel (TE) jusque-là réfractaire au traitement, et le profil d’effets secondaires justifie-t-il cette approche thérapeutique stéréotaxique ?
Contexte : des études non contrôlées ont montré qu’une thalamotomie par MRgFUS entraîne une amélioration du tremblement chez les patients souffrant d’ET. Il n’existe pas encore d’études contrôlées pour cette méthode thérapeutique relativement nouvelle.
Patients et méthodologie : Cette étude multicentrique, en double aveugle et randomisée, a inclus des patients souffrant d’ET modérée à sévère et ayant répondu à au moins deux tentatives de traitement médicamenteux, y compris des traitements de substitution. n’avaient pas répondu au propranolol ou à la primidone. Les patients ont été randomisés selon un rapport 3:1, assignés à une thalamotomie stéréotaxique par MRgFUS ou à une intervention fictive, qui se déroulait de manière analogue à la thalamotomie, sans qu’aucune énergie acoustique ne soit délivrée au cerveau pendant les périodes de sonification. Seule l’équipe de traitement savait à quel groupe les patients étaient affectés, les patients et les investigateurs étaient en aveugle. La cible anatomique était le noyau ventral intermédiaire du thalamus (Vim), une cible également utilisée dans la stimulation cérébrale profonde (DBS) dans le traitement des syndromes de tremblement. Le degré de tremblement a été évalué à l’aide de la “Clinical Rating Scale for Tremor” (CRST), la qualité de vie à l’aide du questionnaire “Quality of Life in Essential Tremor” (QUEST). L’étude a été menée au moment de l’admission et à 1, 3, 6 et 12 mois. L’examen du tremblement a été enregistré sur vidéo et évalué par un groupe indépendant de neurologues qui n’étaient pas informés de l’attribution du traitement. Après 3 mois, les patients du groupe de traitement fictif ont eu la possibilité de passer au groupe de traitement.
Résultats : 76 patients ont été inclus dans l’analyse (56 thalamotomies MRgFUS, 20 traitements fictifs). Le CRST est une échelle de score allant de 0 à 32, les valeurs les plus élevées indiquant un niveau d’implication clinique plus important. Le tremblement de la main controlatéral au côté traité cérébralement s’est amélioré plus nettement dans le groupe thalamotomie MRgFUS (de 18,1 à 9,6 points après 3 mois) que dans le groupe traitement fictif (de 16,0 à 15,8 points). Cette amélioration dans le groupe thalamotomie est restée stable sur la période de 12 mois. Dans le groupe thalamotomie, la qualité de vie s’est améliorée de manière analogue à la réduction clinique du tremblement par rapport au groupe non traité. Les effets secondaires dans le groupe thalamotomie étaient des troubles de la marche dans 36% des cas et des paresthésies et engourdissements dans 38% des cas, qui ont persisté pendant 12 mois chez 9 et 14% des patients respectivement.
Conclusions des auteurs : les résultats montrent que l’amélioration décrite est due au traitement et qu’il ne s’agit pas d’un effet placebo.
Commentaire : Cette étude est l’étude contrôlée attendue depuis longtemps, qui confirme les résultats prometteurs de petites séries de cas non contrôlées. Il est particulièrement important de noter que l’utilisation d’un groupe de comparaison faussement traité a permis de démontrer qu’il ne s’agissait pas d’un effet placebo. Il convient de souligner qu’il s’agissait de patients gravement atteints qui ne pouvaient pas être traités de manière satisfaisante par les méthodes de traitement conservatrices habituelles disponibles, y compris la primidone et le propranolol. La question cruciale pour les patients concernés reste de savoir si la réduction de la qualité de vie liée à la maladie justifie les risques d’un traitement stéréotaxique. Mais cette question se pose de manière analogue pour l’utilisation de la DBS, dont l’efficacité a été démontrée dans plusieurs études contrôlées et qui est considérée comme le gold standard pour le traitement chirurgical de l’ET. En conséquence, un autre groupe témoin de patients traités par DBS aurait été souhaitable afin de pouvoir comparer les avantages et les inconvénients des deux procédures invasives. D’après l’étude présentée ici, nous savons que les deux méthodes thérapeutiques sont efficaces dans le traitement de l’ET.
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2016 ; 14(6) : 42