Alors que l’apport en calcium est généralement assuré en grande partie par l’alimentation en Suisse, les carences en vitamine D sont fréquentes. Heike Bischoff-Ferrari, du Centre pour l’âge et la mobilité de l’Université de Zurich et de l’Hôpital municipal de Waid, dans l’interview qui suit.
Professeur Bischoff-Ferrari, pourquoi est-il important d’assurer un apport suffisant en calcium et en vitamine D ?
Le professeur Bischoff-Ferrari :
Il est bien connu que le calcium est un élément constitutif important des os. La vitamine D favorise l’absorption du calcium par l’intestin et a également un effet immédiat sur le renforcement musculaire. Les données actuelles montrent que la vitamine D joue un rôle plus important dans ce partenariat. On sait aujourd’hui qu’une personne sur trois chute une fois par an à partir de 65 ans et qu’une personne sur deux chute à partir de 80 ans. Des études montrent que 800 UI de vitamine D par jour, en particulier chez les personnes âgées, permettent d’éviter une chute sur trois [1] et une fracture de la hanche sur trois [2]. Il est important d’obtenir des résultats aussi positifs avec une stratégie aussi peu coûteuse qu’une supplémentation en vitamine D.
Qu’en est-il de l’approvisionnement de la population en vitamine D et en calcium en Suisse ?
Prof. Bischoff-Ferrari :
Si l’on détermine le taux de vitamine D dans le sang – on mesure alors la 25(OH)-vitamine D – on constate qu’environ 50% de la population est sous-alimentée. Cela s’explique par le fait qu’en cas d’exposition au soleil, notre peau produit environ 4 fois moins de vitamine D que lorsque nous sommes plus jeunes. De plus, les personnes âgées n’aiment pas s’exposer en plein soleil. C’est la raison pour laquelle l’Office fédéral de la santé publique a formulé dans ses nouvelles directives une recommandation de prise de 800 UI par jour pour les personnes de plus de 60 ans. Cette recommandation vise à assurer une prévention de la carence en vitamine D et à réduire le risque de chutes et de fractures. Et comme 800 UI de vitamine D peuvent être utilisées sans risque pendant des années, il est judicieux de commencer à supplémenter les plus jeunes.
En Suisse, nous sommes relativement bien approvisionnés en calcium par le biais de notre alimentation, car nous disposons de bons aliments riches en calcium comme les produits laitiers et l’eau minérale. Une alimentation équilibrée et, par exemple, une tranche de fromage à pâte dure ou un verre de lait par jour permettent d’assurer la majeure partie de l’apport en calcium. Une alternative est d’envisager une supplémentation en calcium, mais nous la recommandons aujourd’hui toujours en combinaison avec la vitamine D. En effet, les suppléments de calcium seuls, sans vitamine D, ne réduisent pas le risque de fracture. Au contraire, ils augmentent même le risque de fracture de la hanche de 64% [3]. Cela est probablement dû au fait que le carbonate et le citrate de calcium – qui sont les formes courantes de calcium dans les suppléments – inhibent l’absorption du phosphate, ce qui est particulièrement pertinent chez les personnes âgées, qui ont souvent aussi une carence en phosphate. Outre le calcium, l’os a également besoin de phosphate, puisqu’un produit à base de phosphate de calcium est incorporé. La vitamine D favorise à la fois l’absorption du calcium et du phosphate.
Les nouvelles connaissances sur le risque cardiovasculaire d’un apport élevé en calcium sous forme de supplément ont également conduit à reconsidérer la recommandation antérieure d’une supplémentation en calcium de 1000 mg par jour et à déterminer aujourd’hui plutôt en premier lieu dans quelle mesure l’apport en calcium est déjà assuré par l’alimentation. Et étant donné que l’alimentation fournit à chacun un apport de 500 mg de calcium, il convient de prendre un maximum de 500 mg supplémentaires en supplément. C’est pourquoi on voit maintenant de nouvelles combinaisons de produits de 800 UI de vitamine D par jour avec un maximum de 500 mg de calcium par jour.
Quand une supplémentation en vitamine D et en calcium est-elle nécessaire ou recommandée ?
Prof. Bischoff-Ferrari
Les recommandations de l’OFSP concernent principalement la vitamine D. Elles indiquent qu’en cas d’exposition minimale au soleil, en hiver, en cas de protection solaire systématique et en général à partir de 60 ans, un apport quotidien en vitamine D de 800 UI devrait être assuré et de 600 UI pour les personnes plus jeunes. Une partie minimale peut être apportée par l’alimentation. Les besoins totaux en vitamine D ne peuvent pas être couverts par l’alimentation la plus saine. Notre principale source de vitamine D est le soleil, mais il ne s’agit pas d’une source fiable, car il est recommandé de se protéger systématiquement du soleil, notamment pour prévenir le cancer de la peau. Une supplémentation en calcium est recommandée dans les cas où l’apport alimentaire n’est pas assuré. Donc, par exemple, pour les personnes qui n’aiment pas ou ne supportent pas les produits laitiers et ne boivent pas d’eau minérale.
Quel est le rôle des suppléments de calcium et de vitamine D chez les patients atteints d’ostéoporose ?
Le professeur Bischoff-Ferrari :
Ici aussi, la vitamine D constitue un traitement de base, car on constate souvent une carence massive en vitamine D chez les patients atteints d’ostéoporose. Les données montrent toutefois que le traitement par bisphosphonates, par exemple, est moins efficace, c’est-à-dire que le risque de nouvelle fracture est plus élevé si l’apport en vitamine D n’est pas assuré. La garantie d’un apport suffisant en calcium constitue également un pilier important, non seulement de la prévention, mais aussi du traitement de l’ostéoporose, et le dosage réduit des suppléments de calcium, qui vient d’être reconsidéré, joue également un rôle à cet égard.
Quelle est la manière la plus simple de prendre un supplément de calcium et de vitamine D ?
Prof. Bischoff-Ferrari :
Les 800 UI de vitamine D recommandées peuvent être apportées d’une part par des préparations de vitamine D en monothérapie. Cela est possible chez les patients dont l’alimentation fournit déjà suffisamment de calcium. Si l’apport en calcium n’est pas garanti, l’idéal est d’utiliser une préparation combinée qui, outre les 800 UI de vitamine D, contient au maximum 500 mg de calcium.
Entretien : Dr Therese Schwender
Littérature :
- Bischoff-Ferrari HA, Willett WC, Orav EJ, Kiel DP, Dawson-Hughes B. Re : Fall prevention with Vitamin D. Clarifications nécessaires. http://wwwbmjcom/content/339/bmjb3692?tab=responses (access : Feb132012) 2011.
- Bischoff-Ferrari HA, et al : A pooled analysis of vitamin D dose requirements for fracture prevention. N Engl J Med 2012 ; 367 : 40-49.
- Bischoff-Ferrari HA, Dawson-Hughes B, Baron JA, et al : Calcium intake and hip fracture risk in men and women : a meta-analysis of prospective cohort studies and randomized controlled trials. Am J Clin Nutr 2007 ; 86 : 1780-1790.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2013 ; 4 : 24-25