Grâce à l’imagerie moderne, les médecins généralistes sont de plus en plus souvent confrontés à des découvertes fortuites de tumeurs hépatiques bénignes. Dans de nombreux cas, il est nécessaire d’orienter le patient vers une équipe spécialisée. Aujourd’hui, les opérations peuvent généralement être réalisées par laparoscopie.
Chez les patients souffrant de douleurs abdominales, l’imagerie diagnostique souvent par hasard une anomalie au niveau du foie. Il s’agit le plus souvent de kystes ou d’hémangiomes, c’est-à-dire de lésions hépatiques bénignes. Il est important de savoir quand des clarifications supplémentaires sont nécessaires. En raison de la taille ou de la croissance de ces lésions, certaines tumeurs peuvent provoquer des hémorragies, voire une dégénérescence maligne.
En cas de douleurs dans la partie supérieure droite de l’abdomen, il convient de procéder à un examen de la vésicule et des voies biliaires et d’exclure un événement malin par échographie. Pour les kystes et hémangiomes simples, le diagnostic peut être établi par échographie. L’hyperplasie nodulaire focale (FNH), les adénomes ou les kystes complexes nécessitent une imagerie supplémentaire, aujourd’hui directement par IRM (plus besoin de scanner). Dans le cas de l’imagerie RM, l’administration d’un produit de contraste spécifique au foie est importante, car elle permet d’établir un diagnostic fiable même sans biopsie. Les indications opératoires sont les symptômes, les complications telles que les saignements ou une transformation maligne et, dans de rares cas, l’incertitude diagnostique.
Les hémangiomes : Facile à diagnostiquer, rarement des problèmes
Les hémangiomes sont les tumeurs bénignes les plus fréquentes du foie (70%) et sont présents chez un tiers de la population, plus souvent chez les femmes que chez les hommes (5:1). Ils sont généralement solitaires. Jusqu’à 40% des patients présentent plusieurs hémangiomes, souvent dans le même segment du foie. L’hémangiome est entouré d’une pseudo-capsule. Il se développe à partir des cellules endothéliales et est une tumeur vasculaire. La taille des hémangiomes peut varier. Plus un hémangiome est grand, plus il est susceptible de présenter des thromboses, des zones de nécrose ou des calcifications. Hémangiomes >10 cm sont des hémangiomes géants (“giant hemangioma”).
La plupart du temps, les hémangiomes restent asymptomatiques. Les symptômes apparaissent lorsqu’ils prennent de l’ampleur en se déplaçant ou en se comprimant (par exemple, sensation de pression dans la partie supérieure de l’abdomen et anorexie due à la compression de l’estomac). A l’intérieur du foie, ils peuvent provoquer une cholestase ou une obstruction des vaisseaux. Une rupture spontanée est extrêmement rare et peu probable en cas de taille normale. Elle ne se produit en fait que dans les hémangiomes exophytiques de grande taille (rares cas isolés).
Dans la plupart des cas, l’échographie suffit à établir le diagnostic. On observe une masse hyperéchogène avec une perfusion spécifique de l’extérieur vers l’intérieur. Si les lésions sont plus importantes, des calcifications ou des thromboses sont visibles. Dans les cas peu clairs, les spécialistes peuvent confirmer le diagnostic par des ultrasons renforcés par un produit de contraste. Il est préférable de ne pas effectuer de biopsie ou de ponction en raison du risque de saignement.
En cas de petits résultats (<5 cm) et de patients asymptomatiques, aucun suivi ni traitement n’est nécessaire. En cas de résultats exophytiques >5 cm, sans indication chirurgicale, un contrôle étroit est indiqué après six mois afin de s’assurer que la taille de l’hémangiome reste stable. Aucun autre contrôle n’est ensuite nécessaire. En raison du faible risque de rupture, il n’est pas nécessaire d’éviter les sports de contact ou les sports extrêmes. L’interruption de grossesse n’est pas non plus justifiée.
Les patients symptomatiques doivent être adressés à un chirurgien hépatique afin de déterminer l’indication d’une intervention chirurgicale. Les embolisations radiologiques interventionnelles ou les ablations par radiofréquence n’ont qu’un succès éphémère. Un traitement médicamenteux ou une radiothérapie ne sont pas envisageables. Les procédures chirurgicales sont l’énucléation ouverte (décortication incluant la capsule sans tissu hépatique) ou la résection anatomique du foie par laparoscopie.
En cas de perte de poids, de douleurs dorsales, de croissance rapide, de pooling atypique ou de calcifications, des investigations supplémentaires doivent être menées avec une IRM et une biopsie afin d’exclure un hémangiosarcome ou un hémangioendothéliome (Fig. 1).
Une forme particulière d’hémangiome géant est le syndrome de Kasabach-Merritt, qui s’accompagne d’une coagulation intravasculaire disséminée et d’une thrombocytopénie. Les hémangiomes de Kasabach-Merritt doivent être enlevés chirurgicalement.
Hyperplasie nodulaire focale : la bonne tumeur
La deuxième tumeur la plus fréquente (15%) est la FNH, une tumeur lobée avec une cicatrice centrale et des septa fibreux. Il n’y a pas de capsule, mais une démarcation nette avec le parenchyme hépatique environnant. A l’imagerie, on remarque une artère affluente proéminente qui émet des branches radiales (phénomène de rayons de roue à l’échographie). Dans 80% des cas, il s’agit de lésions solitaires dont le diamètre peut atteindre 5 cm. Dans 3%, des diamètres de >10 cm sont également décrits. La FNH est plus fréquente chez les femmes d’âge moyen. Le lien ou l’influence avec les contraceptifs n’est pas établi et nous ne recommandons pas aux femmes d’arrêter de prendre la pilule. Le ratio hommes/femmes est de 8 pour 1.
La FNH est généralement asymptomatique. Les symptômes n’apparaissent qu’en cas d’effet de masse des structures environnantes. Les ruptures spontanées sont encore moins probables que dans le cas de l’hémangiome. Il n’y a pas de transformation vers une dégénérescence maligne. La FNH peut être facilement identifiée par échographie (phénomène des rayons de roue). En cas d’incertitude, il convient de procéder à une IRM, qui est diagnostique dans plus de 95% des cas. Les biopsies ne sont pas nécessaires. En cas de symptômes, une résection (laparoscopique) est recommandée. Sinon, comme pour l’hémangiome, il est possible d’attendre et de ne faire qu’un suivi échographique pour s’assurer de la stabilité du résultat (par exemple après six mois). Aucun autre contrôle n’est nécessaire. Les complications telles que les ruptures ou les hémorragies sont extrêmement rares et soulèvent la question de savoir s’il ne s’agit pas en fait d’un adénome.
L’adénome hépatocellulaire : une tumeur hépatique potentiellement dangereuse
L’adénome hépatocellulaire est une néoplasie bénigne du foie très rare (<5%). Il s’agit de l’entité la plus dangereuse en raison du risque d’hémorragie et de dégénérescence. Les personnes concernées sont souvent des jeunes femmes en âge de procréer, mais aussi des patients souffrant de maladies du stockage du glycogène et des hommes prenant des stéroïdes anabolisants. Il existe une association certaine entre la prise d’hormones sexuelles et le développement d’adénomes.
L’examen macroscopique montre une masse bien circonscrite avec une pseudo-capsule, sans cellules de Kupffer ni cellules épithéliales des voies biliaires. 80% des adénomes sont solitaires. En présence de plusieurs adénomes (>10), on parle d’adénomatose. La plupart des personnes atteintes sont asymptomatiques. Les symptômes liés à la taille sont la fièvre et des douleurs abdominales (dans la partie supérieure de l’abdomen). Les tumeurs de grande taille (>5 cm) ont un risque de rupture de 40%. Il est possible que la grossesse constitue également un risque de rupture.
Les adénomes hépatocellulaires sont des lésions précancéreuses, comme les polypes du côlon. Le risque de dégénérescence maligne est de 4 à 5 %. Les facteurs de risque sont la taille de la tumeur de >5 cm, le sexe masculin et la prise d’androgènes.
Pour confirmer le diagnostic, une IRM avec un produit de contraste spécifique au foie est nécessaire. En cas d’adénome sans indication chirurgicale claire, une biopsie est indiquée pour confirmer le “sous-type”. Certains sous-types présentent un risque de dégénérescence plus important que d’autres. Les biopsies ne doivent toutefois être réalisées que dans des centres hépatiques, car une embolisation sélective immédiate peut être nécessaire en cas d’hémorragie.
Parmi les sous-types, l’adénome inflammatoire (IHCA) se distingue particulièrement. La prudence doit être de mise, car c’est là que le potentiel de transformation en carcinome hépatocellulaire (CHC) est le plus important.
Dans l’ensemble, la taille de l’adénome, le sexe et le sous-type sont déterminants pour le choix du traitement. Il convient donc d’orienter le patient vers un chirurgien. Une résection est systématiquement recommandée aux hommes en raison du risque de transformation maligne, quelle que soit la taille ou le sous-type.
Les femmes doivent arrêter de prendre des contraceptifs. Pour les adénomes de petite taille (<5 cm), on peut envisager soit un suivi par IRM, soit une biopsie. En cas de taille de >5 cm, d’adénomes inflammatoires et chez les femmes souhaitant avoir un enfant, il convient de procéder à une résection, qui est presque toujours possible par laparoscopie (fig. 2). Chez les patients sans indication chirurgicale, une ablation par radiofréquence peut être réalisée. Inconvénient ici : Il n’y a pas d’histologie à la fin.
Kystes : généralement inoffensifs, sauf les kystes complexes
Les kystes hépatiques ont une prévalence de 2 à 7%. Ils sont divisés en kystes congénitaux (dysontogènes) et kystes acquis (traumatiques ou parasitaires). Les kystes congénitaux “simples” sont les plus fréquents. Ils sont généralement asymptomatiques. Les kystes hépatiques sont plus souvent diagnostiqués chez les femmes (9:1) et dans le lobe droit du foie. L’étalon-or de la classification est l’échographie. En présence de kystes complexes (septés ou cloisonnés), une IRM doit toujours être réalisée.
Des symptômes peuvent apparaître avec l’augmentation de la taille (douleurs, fièvre, ictère). Les kystes symptomatiques ou à croissance rapide doivent être opérés, si possible par fenestration laparoscopique (Fig. 3).
En cas de maladie des kystes rénaux et hépatiques, il y a souvent un foie kystique complètement remanié. Dans de rares cas, l’évolution se fait vers une raréfaction du parenchyme hépatique et une décompensation hépatique. Ces patients doivent être vus par des hépatologues et évalués en vue d’une transplantation dans un centre universitaire.
La Suisse est une zone d’endémie pour l’échinococcose du foie. Les agents pathogènes les plus courants sont le ténia du chien (Echinococcus granulosus cysticus) et le ténia du renard (Echinococcus multilocularis alveolaris). L’échinococcose kystique (ténia du chien) affecte le foie plus souvent que les autres organes (deux tiers des cas). L’homme est un hôte intermédiaire, la contamination passe inaperçue, souvent dans l’enfance. L’imagerie montre une formation kystique avec une structure interne membraneuse, le sable hydatiforme typique (scoliose) et parfois des dépôts calcaires. L’imagerie pathognomonique doit être complétée par des tests sérologiques (ELISA). La ponction est à proscrire en raison des réactions anaphylactiques et de la propagation ou de la dispersion des scolioses. Les patients doivent être adressés à un hépatologue et à un chirurgien du foie en cas de suspicion. Le traitement de choix, après un prétraitement antihelmintique à l’albendazole, est la résection anatomique complète, sans ouverture du kyste, et le prélèvement in toto. Si une ablation complète n’est pas possible, une ouverture contrôlée et un rinçage du kyste avec des substances toxiques pour les échinocoques sont possibles.
L’échinococcose alvéolaire est assimilée à une maladie maligne car, en l’absence de traitement, la majorité des personnes atteintes meurent dans les dix ans suivant le début des symptômes. Ces patients doivent être traités par albendazole en périopératoire et subir une résection anatomique. Dans de rares cas, des résections multiviscérales et pulmonaires et parfois même des greffes de foie sont nécessaires.
Les kystes hépatiques simples peuvent être diagnostiqués par échographie au cabinet du médecin généraliste et faire l’objet d’un suivi jusqu’à ce que le résultat soit stable, après quoi aucun suivi n’est nécessaire. Les kystes complexes nécessitent toujours une imagerie plus poussée (IRM) et l’orientation vers un spécialiste.
Le tableau 1 présente un résumé et un aperçu des examens à effectuer en cas de tumeur hépatique bénigne.
Messages Take-Home
- En raison de l’imagerie moderne, les prestataires de soins primaires sont de plus en plus confrontés à des découvertes fortuites de tumeurs hépatiques bénignes.
- En cas de kystes ou d’hémangiomes, le diagnostic peut être établi et contrôlé par échographie. Dans le cas de l’hyperplasie nodulaire focale (FNH) et des adénomes hépatocellulaires ainsi que des kystes hépatiques complexes, un examen IRM avec un produit de contraste spécifique au foie est nécessaire pour les différencier.
- Ensuite, il convient dans tous les cas d’adresser le patient à une équipe de spécialistes (gastroentérologue et chirurgien) afin de lui proposer un bon concept thérapeutique.
- La chirurgie est indiquée chez les patients symptomatiques, certains patients présentant des adénomes hépatocellulaires, les patients présentant des kystes d’échinococcose alvéolaire et ceux pour lesquels il existe une incertitude diagnostique. De nos jours, les opérations peuvent presque toujours être effectuées par laparoscopie.
Littérature complémentaire :
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