Avec le traitement classique d’inhibition de l’acidité, il arrive que des symptômes résiduels de reflux gastro-œsophagien persistent. Des intervenants renommés du monde médical et pharmaceutique ont discuté de ce sujet lors d’une table ronde à Zurich. Une nouvelle approche thérapeutique pour l’automédication, axée sur le reflux, a également été présentée à cette occasion. HAUSARZT PRAXIS s’est entretenu avec le professeur Peter Bauerfeind, médecin-chef de la clinique de gastroentérologie et d’hépatologie de l’hôpital universitaire de Zurich.
Bauerfeind, les brûlures d’estomac et le reflux gastro-œsophagien sont des domaines de l’automédication, surtout lorsqu’ils surviennent de manière sporadique. Ce domaine gagne-t-il en importance ?
Pr Bauerfeind : L’automédication gagne généralement en importance. De nombreux problèmes médicaux ne sont même plus abordés par les patients chez le médecin. Avec ces symptômes apparemment sans importance, ils vont chercher conseil à la pharmacie. Même les personnes souffrant de symptômes de reflux occasionnels s’adressent généralement en premier lieu au pharmacien à la recherche d’une solution simple. Dans de nombreux cas, nous ne voyons ces patients que bien plus tard, après qu’ils ont déjà passé des années à essayer de maîtriser eux-mêmes leurs symptômes.
Le domaine du reflux gagne également en importance de manière générale, car la prévalence des troubles est en augmentation. La prévalence de l’obésité, l’une des principales causes du reflux, joue un rôle important. Il est important que le patient ne s’automédique pas pendant une longue période. Si la prise d’antiacides ou d’inhibiteurs d’acidité est toujours nécessaire ou ne fonctionne pas bien, il doit consulter un médecin.
Où en sommes-nous en matière de gestion des brûlures d’estomac/reflux gastrique et jusqu’où pouvons-nous aller avec les médicaments d’automédication bien connus ?
Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) se sont révélés très efficaces pour les cas graves que nous voyons en tant que médecins. Ils peuvent très bien améliorer l’œsophagite provoquée par un reflux acide important. Cependant, certains patients se plaignent de symptômes de reflux persistants même sous IPP. Dans ces cas, la dose est souvent doublée, mais même dans ce cas, une activité acide résiduelle peut subsister, suffisante pour déclencher des symptômes chez certaines personnes. Les antiacides, en revanche, neutralisent l’acide qui est déjà remonté dans l’œsophage. Ils soutiennent l’effet tampon de la salive. Le danger des antiacides réside dans le fait que l’estomac peut réagir par un rebond de la production d’acide.
Des antiacides et des bloqueurs d’acide à faible dose sont disponibles en automédication sans ordonnance. Ces remèdes sont souvent suffisants en cas de reflux occasionnel et léger.
Depuis peu, le Gaviscon®, qui est disponible depuis longtemps dans d’autres pays, est également disponible dans notre pays. La préparation présente un nouveau principe thérapeutique – quel est son mécanisme d’action ?
Le Gaviscon semble créer une barrière contre le reflux dans l’estomac qui empêche la remontée de l’acide dans l’œsophage de manière purement mécanique. La préparation contient un alginate et du bicarbonate. L’alginate forme une sorte de radeau dans l’estomac, qui est soulevé par le dioxyde de carbone produit par le bicarbonate au contact de l’acide gastrique. De cette manière, il empêche la remontée de l’acide en cas d’augmentation de la pression de l’estomac sur le sphincter inférieur. Il existe d’ailleurs des données d’études récentes qui prouvent l’efficacité clinique : La remontée de l’acide semble être empêchée mécaniquement.
En cas de symptômes résiduels sous IPP, une combinaison d’IPP et de Gaviscon peut être envisagée, car il s’agit de principes d’action différents et indépendants qui se complètent très bien. En raison des effets purement mécaniques du Gaviscon, aucune interaction n’est à craindre.
Une fois le diagnostic d’œsophagite confirmé, un IPP est indiqué en premier lieu. En complément, l’IPP peut être associé au gaviscon dès le début, ce qui permet de le supprimer à un moment donné. Ainsi, des études ont montré que l’association avec le gaviscon permettait de mieux équilibrer les IPP.
Qu’est-ce qu’une “poche d’acide” ?
Les aliments tamponnent l’acidité gastrique et provoquent une neutralisation des sucs gastriques. Selon les dernières connaissances, ce tamponnement ne se produit toutefois que dans la partie inférieure de l’estomac. En revanche, l’acide présent dans la zone du fundus au-dessus du bol alimentaire n’est pas tamponné et forme ainsi sur celui-ci un niveau d’acide, appelé “acid pocket”. Comme l’acide a une consistance très liquide – contrairement au bol alimentaire – il peut remonter assez facilement dans l’œsophage en cas de situation favorisant le reflux, c’est-à-dire après la prise d’un repas, en se penchant en avant, en toussant et/ou en cas de surpoids.
Quelles autres mesures recommandez-vous aux patients souffrant de reflux ?
En cas de reflux gastro-œsophagien connu, je recommande de prendre de petits repas tout au long de la journée afin d’éviter une trop forte augmentation de la pression dans l’estomac. En outre, une réduction d’un éventuel surpoids est recommandée afin de réduire les symptômes. Il est également important que les personnes concernées ne se couchent pas immédiatement après avoir mangé, c’est-à-dire qu’elles doivent plutôt manger tôt et légèrement le soir.
Entretien : Sonia Fröhlich
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2014 ; 9(1) : 8-9