La transition des adolescents atteints d’une cardiopathie congénitale est un processus continu et interdisciplinaire. La maturité individuelle et l’autonomie des patients ont une influence sur le déroulement du processus de transition (“pas de limite d’âge absolue”). La Transition doit permettre aux jeunes adultes de comprendre et d’assumer la responsabilité de leur maladie. Le processus de transition vise à éviter que les jeunes atteints d’AHF ne passent à travers les mailles du filet médical. Une transition réussie augmente la compliance et la compréhension de la maladie à l’âge adulte pour un suivi cardiologique à vie par des spécialistes spécialisés. Une transition réussie devrait permettre un diagnostic plus précoce des aggravations chez les jeunes adultes atteints d’une cardiopathie congénitale, améliorant ainsi le pronostic à long terme.
Grâce aux progrès réalisés en cardiologie et en chirurgie cardiaque pédiatriques au cours des vingt dernières années, le taux de survie et le pronostic à long terme des enfants, y compris ceux atteints de cardiopathies congénitales complexes (CCC), se sont améliorés au point que plus de 90% des patients atteignent aujourd’hui l’âge adulte. Actuellement, plus d’adultes que d’enfants dans le monde vivent avec une AHF et nécessitent un suivi cardiologique à vie, car en fonction de la complexité de l’AHF, il existe un risque parfois élevé de complications tardives nécessitant une réintervention chirurgicale ou par cathéter [1].
Ces nouveaux défis dans la prise en charge à long terme des adolescents et jeunes adultes atteints d’AHF sont pris en compte par le concept d’un processus de transition continu dans la prise en charge de ce groupe de patients.
Dans ce contexte, la transition implique une prise en charge médicale continue et individuelle des adolescents jusqu’à l’âge adulte par des cardiologues pédiatres, avec l’implication précoce de cardiologues GUCH (Grown Ups with Congenital Heart Disease) et, si possible, d’une équipe de soins spécialisée. Une meilleure compréhension par le patient et sa famille de leur propre situation et des possibilités de traitement doit permettre d’améliorer l’observance des contrôles cardiologiques nécessaires. En conséquence, les détériorations cliniques peuvent être diagnostiquées et traitées plus tôt et la qualité de vie globale peut être améliorée grâce à une planification active de la vie [2].
Large éventail de problèmes médicaux consécutifs au traitement d’un AHF
Les patients atteints d’AHF peuvent développer divers problèmes cardiaques et de santé générale sur le long terme (tableau 1). Après une opération corrective en période néonatale ou infantile, des réopérations ou des interventions par cathéter peuvent s’avérer nécessaires au fil des années pour traiter les résidus, les nouvelles anomalies cardiaques ou les arythmies cardiaques. Le pronostic à long terme est donc largement influencé par un diagnostic précoce et une planification optimale du traitement [3]. En revanche, les présentations en urgence sont associées à une augmentation de la morbidité et de la mortalité en raison de l’absence de suivi cardiologique [4].
Un processus continu, individuel et interdisciplinaire
Objectif du processus de transition : pendant le processus de transition, les jeunes atteints d’AHF doivent acquérir une compréhension globale de leur situation de santé et assumer progressivement une plus grande responsabilité personnelle, en tenant compte de leur maturité personnelle. La transition comprend donc des aspects médicaux, sociaux, psychologiques et d’assurance [2,5].
Sélection de thèmes médicaux importants abordés dans le processus de transition
Compréhension de sa propre cardiopathie : pendant les contrôles ambulatoires, l’anomalie cardiaque et les thérapies suivies jusqu’à présent sont expliquées à plusieurs reprises en tenant compte des résultats actuels. Si l’adolescent le souhaite, du matériel d’information supplémentaire peut être mis à sa disposition (par exemple, des informations sur les groupes d’entraide en Suisse, comme Cuore Matto) et il est activement encouragé à poser des questions sur sa maladie cardiaque.
L’indication ainsi que le dosage correct et les effets secondaires potentiels des médicaments doivent être discutés à intervalles réguliers. Au fur et à mesure que l’adolescent devient plus autonome, il prendra la responsabilité de prendre régulièrement sa médication. Ainsi, une nouvelle formation sur l’autocontrôle de l’anticoagulation orale est également utile.
La nécessité d’un suivi médical tout au long de la vie, et notamment d’un suivi cardiologique, ainsi que les intervalles typiques entre ces suivis sont abordés.
Sensibilisation aux signes de détérioration clinique et reconnaissance des symptômes d’alerte : les jeunes doivent être de plus en plus informés des signes cliniques possibles de détérioration (c’est-à-dire baisse des performances, arythmie), de leur signification et des premières mesures à prendre.
Nouvelles interventions cardiaques et risque de chirurgie non cardiaque : les indications possibles d’intervention par cathéter/chirurgicale sont abordées et, si nécessaire, planifiées avec l’adolescent et sa famille. Les questions relatives aux perspectives à long terme sont également abordées à cette occasion. Cette approche devrait permettre d’éviter les interruptions dans le suivi cardiologique pendant la transition de l’adolescence à l’âge adulte. En outre, si une chirurgie non cardiaque est nécessaire, le risque périopératoire de l’AHF doit être évalué à un stade précoce et des mesures préventives appropriées doivent être intégrées dans la planification (par exemple, optimisation de la situation cardiaque, planification de l’intervention chirurgicale dans un centre de cardiopathie congénitale).
Information sur les risques, les symptômes et les mesures de prévention de l’endocardite bactérienne : l’information sur les indications correctes de la prophylaxie de l’endocardite (des cartes spéciales de la Fondation Suisse de Cardiologie sont disponibles dans toutes les langues nationales), sur la nécessité d’une bonne hygiène dentaire et sur le recours à une prophylaxie dentaire régulière est d’une grande pertinence clinique. Les jeunes qui souhaitent se faire tatouer ou percer ont besoin d’une information intensive sur les risques supplémentaires que cela implique et sur l’importance de désinfecter et de soigner leur peau de manière appropriée.
Rôle de l’activité sportive dans l’AHF : compte tenu de la malformation cardiaque et de l’état cardiaque actuel, il convient de souligner les avantages d’une activité sportive régulière et d’aider l’adolescent à choisir un sport approprié. Une évaluation régulière des capacités individuelles, de préférence par spiroergométrie sur tapis roulant ou vélo, permet d’émettre des recommandations concrètes dans le choix d’un sport de loisir adapté et des conseils d’entraînement [6].
Planification familiale avec anticonception, évaluation des risques de grossesse et conseil génétique : Pour tous les jeunes, les aspects de la planification familiale sont pris en compte à un stade précoce, en tenant compte de la maturité personnelle, de la situation de vie actuelle et du contexte social. (Tab.2). Il est recommandé aux jeunes femmes d’informer leur gynécologue de l’AHF afin qu’une méthode anticonceptionnelle appropriée puisse être choisie en fonction d’une évaluation individuelle des risques. En cas de désir de grossesse, l’idéal est d’entamer la planification préconceptionnelle en remplaçant les médicaments potentiellement tératogènes par des médicaments inoffensifs, voire d’optimiser le statut cardiaque par des interventions chirurgicales/interventionnelles (par exemple, les patientes atteintes du syndrome de Marfan et présentant une dilatation limite du bulbe aortique, les patientes présentant des résultats limites d’une valvulopathie). Les femmes atteintes d’une malformation cardiaque complexe doivent être conseillées sur les risques individuels pour la mère et le fœtus, ainsi que sur le risque de récidive, si possible en préconceptionnel [7,8].
Organisation pratique du processus de transition : pour répondre à ces nombreux besoins, il est utile d’adopter une approche interdisciplinaire qui exige de tous les professionnels impliqués – c’est-à-dire les cardiologues pédiatriques, les cardiologues du GUCH et les experts en soins infirmiers (“Advanced Practice Nurses”) – un niveau élevé de compétences techniques et de capacités de communication. Une sélection de thèmes généraux fréquents dans le processus de transition est présentée dans le tableau 3 .
Outre les consultations communes de la famille avec le cardiologue pédiatre et le cardiologue GUCH qui assure le suivi, de plus en plus d’experts en soins infirmiers spécialisés dans les cardiopathies congénitales assument des fonctions de coordination importantes dans le processus de transition (tab. 4). Idéalement, le processus de transition commence entre 11 et 13 ans. Lors du transfert des jeunes adultes vers le suivi du cardiologue du GUCH, tous les documents importants concernant l’évolution de la maladie (en particulier les rapports d’opérations, les interventions par cathéter cardiaque, les résultats d’imagerie diagnostique, les rapports de programmation de stimulateur cardiaque, les tests d’effort, les biomarqueurs et les CD d’images) doivent être transmis.
Récemment, le “Swiss Working Group for Adults and Teenagers with Congenital Heart Disease” (WATCH) a publié une prise de position commune pour ce groupe de patients, ce qui contribuera à une standardisation des soins pour ce groupe de patients (tab. 5) [9].
Que peuvent apporter les données du registre des patients et les essais cliniques à la transition ?
Les évaluations du registre des patients du groupe WATCH sur l’évolution à long terme des patients GUCH laissent entrevoir des impulsions importantes pour une prise en charge optimale des patients atteints d’AHF en phase de transition en Suisse. Des études internationales récentes évaluent dans quelle mesure une transition structurée, composée d’une équipe d’infirmières expertes (“Advanced Practice Nurses”), de cardiologues pédiatres et de cardiologues du GUCH, peut influencer positivement l’évolution clinique ultérieure en ce qui concerne différents paramètres [10,11].
Littérature :
- Marelli AJ, et al : Lifetime prevalence of congenital heart disease in the general population from 2000 to 2010. Circulation 2014 ; 130 : 749-756.
- Sable C, et al. : Best practices in managing transition to adulthood for adolescents with congenital heart disease : the transition process and medical and psychosocial issues : a scientific statement from the American Heart Association. Circulation 2011 ; 123 : 1454.
- Wernovsky G, et al : Creating a lesion-specific “roadmap” for ambulatory care followinggery for complex congenital cardiac disease. Cardiol Young Jul 4 2016 ; 1-15. [Epub ahead of print]
- Goossens E, et al : Predictors of care gaps in adolescents with complex chronic condition transitioning to adulthood. Pediatrics 2016 ; 137 : e20152413.
- Warnes CA, et al : ACC/AHA 2008 guidelines for the management of adults with congenital heart disease. Circulation 2008 ; 118 : e714-e833.
- Takken T, et al : Recommendations for physical activity, recreation sport, and exercise training in paediatric patients with congenital heart disease. Eur J Prev Cardiol 2012 ; 19 : 1034-1065.
- Silversides CK, et al : Choisir la meilleure méthode contraceptive pour l’adulte atteinte d’une cardiopathie congénitale. Curr Cardiol Rep 2009 ; 11 : 298-305.
- Lindley KJ, et al : Contraception et planification de la grossesse chez les femmes atteintes d’une cardiopathie congénitale. Curr Treat Options Cardio Med 2015 ; 17 : 50.
- Bouchardy J, et al : Maladie cardiaque congénitale de la naissance. Cardiovasc Med 2015 ; 18(4) : 144-145
- Mackie AD, et al. : A cluster randomized trial of a transition intervention for adolescents with congenital heart disease : rationale and design of the CHAPTER 2 study. BMC Cardiovascular Disorders 2016 ; 16 : 127.
- Harbison AL, et al. : Provision of transition education and referral patterns from pediatric cardiology to adult cardiac care. Pediatr Cardiol 2016 ; 37 : 232.
CARDIOVASC 2016 ; 15(5) : 10-14