La question de savoir si le sport structuré, organisé et axé sur la performance dès l’enfance est une chose positive est aujourd’hui très controversée (mot-clé : spécialisation précoce vs. formation générale). Le fait est que cette forme d’entraînement précoce est pratiquée dans de nombreux sports (football, gymnastique artistique). Il vaut donc la peine de réfléchir aux liens entre la croissance et le sport de compétition.
Dans la plupart des sports, les enfants sont classés par année d’âge. A première vue, cela semble être une décision logique, car les enfants ayant à peu près le même niveau de développement peuvent se mesurer en compétition de manière équitable. C’est du moins ce que l’on souhaite, ce qui n’est malheureusement pas toujours réalisable dans la pratique.
A partir d’un certain niveau de performance, il n’est pas rare que les clubs demandent aux jeunes de passer un examen médico-sportif, même si cette procédure n’est pas obligatoire en Suisse, contrairement à certains pays voisins. Ce contrôle de santé préventif consiste à prendre des mesures anthropométriques telles que la taille, le poids et la mesure des plis cutanés (ou bioimpédance). Souvent, ces valeurs sont reportées sur des courbes de croissance à des fins de suivi et sont présentées et expliquées aux parents de l’adolescent avec le résultat global du check-up. Pour les valeurs extrêmes (3e et 97e percentiles), cela pose un problème non banalisable pour le médecin du sport.
Les différences par rapport aux adultes
Comment agir si les parents ne se sont pas encore penchés sur ce problème ? Ou que le pédiatre en question n’a pas perçu les liens importants entre la croissance et le sport (de compétition), ce qui n’est pas rare ? Faut-il faire immédiatement une radiographie du poignet (du côté non dominant !)? Ou faire déterminer le taux d’hormone de croissance ?
On ne rappellera jamais assez qu’un enfant n’est pas un adulte en miniature et qu’il est donc différent des adultes non seulement en termes de quantité, mais aussi de qualité. Cela s’explique par la croissance qui a lieu et qui implique de nombreux changements physiques, psychologiques et psychosociaux ainsi que des particularités de développement. Cette situation a des conséquences sur les activités physiques et sportives.
Prendre en compte la loi centripète
Un autre argument important est le fait que la croissance humaine varie d’un individu à l’autre et n’est en aucun cas linéaire. Il dépend de la taille des parents (facteurs génétiques), de l’alimentation, des hormones ainsi que de l’environnement. Les phases de croissance rapide (première année de vie, puberté) alternent avec des phases de croissance lente (âge préscolaire). La croissance s’achève avec la fermeture des joints de croissance. L’augmentation de la taille est identique à la prise de poids et au développement des différents systèmes d’organes. Ce qui est essentiel pour l’activité sportive, c’est que les différents segments du corps se développent avec une intensité différente. Cela modifie les proportions du corps, un aspect pertinent pour la performance sportive. La particularité de la poussée de croissance à la puberté est le développement différent des différentes parties du squelette : Les pieds et les mains mûrissent plus tôt que les membres inférieurs et les avant-bras, et ces derniers plus tôt que les cuisses et les bras. Ce phénomène s’appelle la loi centripète.
Décalage entre l’âge calendaire et l’âge biologique
Mais le thème de la croissance et du sport soulève une question encore plus essentielle : celle de l’écart souvent constaté entre l’âge calendaire et l’âge biologique. La littérature spécialisée parle d’accélération ou de retard, mais le terme de décélération est préférable car il ne donne pas l’impression d’une anomalie. Chez un enfant au développement normal, l’âge calendaire et l’âge biologique coïncident. Un enfant au développement précoce, c’est-à-dire accéléré, présente un âge biologique plus élevé que l’âge calendaire, alors que c’est l’inverse chez un enfant au développement tardif. Dans les cas extrêmes, ces variations peuvent atteindre cinq ans entre deux jeunes ayant presque la même date de naissance. Imaginez ce qui se passerait sur un terrain de sport si des jeunes aussi différents, pratiquant un sport dans la même catégorie, “s’affrontaient”.
Il ne faut pas oublier qu’en plus de l’accélération morphologique, qui est la plus visible, il y a également une accélération fonctionnelle : Les performances sportives augmentent également de manière globale (capacité aérobie et anaérobie, force, vitesse). Mais pour tous les types de développement, une croissance mondiale harmonieuse est la règle, y compris en termes de performance. En outre, ces différences de développement et le sport sont clairement interdépendants. Outre l’effet mentionné, un entraînement physique régulier favorise également la synchronisation du processus de maturation. La différence entre l’âge osseux et l’âge calendaire, une fois constatée, ne reste donc pas identique dans le temps ! Le sport s’avère une fois de plus être une excellente thérapie pour les jeunes qui présentent des trajectoires de développement disharmonieuses, généralement des adolescents non sportifs.
Comparaisons défavorables avec les développeurs précoces
Ces constatations montrent clairement que la répartition des classes d’âge dans le sport pour enfants, à l’école ou en club, en fonction de l’âge calendaire est loin d’être problématique. Toute évaluation et tout jugement objectifs (notes) s’avèrent rapidement difficiles, voire impossibles, et, en l’absence de prise en compte des conclusions évidentes, nuisibles et contre-productives. De nombreux talents ont été perdus dans le monde du sport parce qu’ils ont été injustement comparés à des athlètes précoces de leur catégorie d’âge. Cela les a conduits à se dégoûter du sport. Pour les plus performants, le risque est à nouveau de surexploiter trop tôt leur talent apparent avec des méthodes d’entraînement non adaptées à leur âge (généralement issues du sport pour adultes).
Une radiographie peut apporter de l’aide
Revenons à la question posée au départ lors de la visite médicale sportive : que faire d’un enfant dont la taille se situe entre le 3e et le 10e percentile ? Il n’est pas facile de répondre de manière définitive à cette question. Tout d’abord, il faut mettre en relation la taille et le poids (fig. 1 et 2). S’il y a une harmonie, c’est encore mieux. Il est également possible de demander au pédiatre traitant comment il évalue la situation et il est utile de disposer de données de mesure antérieures. Si la ligne de croissance ne croise pas une ligne de centile, c’est aussi plutôt un signe positif qu’il n’y a pas de trouble de la croissance. Notre expérience montre cependant que les pédiatres ne tiennent souvent pas assez compte de la situation “sportive” : Entre le 3ème et le 97ème percentile, un point est certes normal, mais une taille inférieure au 10ème percentile peut constituer un véritable handicap pour un jeune sportif ambitieux.
Une radiographie du poignet peut apporter une aide. La méthode de l’atlas de Greulich et Pyle consiste à comparer la radiographie de la main gauche avec des images de référence tirées d’un atlas. L’âge du squelette est déterminé par l’image la plus proche de l’image actuelle. La méthode de Tanner et Whitehouse est un peu plus différenciée et plus utilisée en Allemagne. Plusieurs images sont utilisées et des scores sont attribués. En plus des os du carpe, l’ulna et le radius ainsi que certains métacarpiens et phalanges sont également inclus. Possiblement avec une exposition légèrement plus élevée aux radiations.
Clarifications supplémentaires par le spécialiste
En parlant d’exposition aux radiations, il est intéressant de noter que la FIFA a mis au point une méthode désormais validée par IRM du poignet ! Notre justification de la radiographie est le fait que la commission médicale de l’Association suisse de football (ASF) a émis des autorisations exceptionnelles dans le domaine de l’élite pour les joueurs à développement tardif. En cas d’écart de taille de 2 DS en dessous du 50e percentile et d’une différence d’un an entre l’âge civil et l’âge osseux, le jeune peut jouer dans la catégorie inférieure après acceptation d’une demande correspondante. Selon votre intérêt, vos connaissances et le temps dont vous disposez, vous pouvez encore vous renseigner sur la taille finale des parents biologiques et/ou sur des informations anamnestiques telles que la position du bassin à la naissance, la présence d’épisodes hypoglycémiques pendant la période néonatale, le comportement alimentaire de l’enfant et l’existence de maladies antérieures.
Il s’agit d’informations importantes pour engager des investigations complémentaires, mais celles-ci sont généralement laissées au spécialiste. En outre, il convient de s’enquérir de la croissance et de l’évolution de la puberté des parents et des frères et sœurs afin d’éclairer plus précisément le potentiel génétique. Le dosage de l’hormone de croissance et d’autres paramètres sanguins complexes doivent être laissés au spécialiste s’il s’agit vraiment d’examiner la (forte) suspicion d’un trouble de la croissance. Or, cette situation est rarement rencontrée chez les jeunes talentueux sur le plan sportif !
Pour le médecin du sport, le contrôle de la croissance de ses jeunes athlètes est également une tâche importante. Contrairement au pédiatre, la question de la performance liée à la croissance passe presque au premier plan pour lui. Il est donc important pour le médecin du sport d’être informé de ces connaissances mentionnées.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2017 ; 12(1) : 5-6