Les médecins de la clinique d’oto-rhino-laryngologie de l’hôpital universitaire de Giessen et Marburg ont été confrontés à une rhinosinusite chronique particulièrement prononcée avec des polypes nasaux (CRScNP) chez un patient de 16 ans souffrant d’asthme bronchique comorbide et de NERD. La présentation a été faite pour une anosmie et une obstruction de la respiration nasale bilatérale dans le cadre d’une polypose nasale déplacée.
Par le passé, l’adolescent a déjà subi quatre opérations des sinus, la dernière à l’âge de 13 ans. Mais quelques mois seulement après l’intervention, une récidive locale marquée s’est produite malgré des traitements locaux et des traitements systémiques répétés à la cortisone. Après la prise d’aspirine, de novalgine et d’ibuprofène, une exacerbation de l’asthme s’est produite et l’examen clinique a révélé une polypose nasale bilatérale qui remplissait presque toute la cavité nasale.
Un test Sniffin’-Sticks a montré une anosmie fonctionnelle avec une valeur SDI de 11. L’asthme était bien contrôlé sous fluticasone/vilanterol (test de contrôle de l’asthme : 22 points sur 25 ). La dernière imagerie en coupe a été réalisée en juin 2017 avec l’image d’une pansinusite polypoïde. Une fibrose kystique a été exclue dès 2013 par un diagnostic génétique moléculaire.
Les médecins de l’hôpital universitaire de Giessen et Marburg ont commencé en mai 2020 un traitement par dupilumab (300mg en administration sous-cutanée bihebdomadaire) en combinaison avec un spray nasal de mométasone deux fois par jour (100 μg par narine). La déclaration de prise en charge par la caisse d’assurance maladie est initialement limitée à 6 mois. Chaque injection est suivie d’une présentation à la clinique pour un contrôle par vidéo-endoscopie endonasale.
Amélioration après seulement 2 semaines
La CRSwP et la NERD sont toutes deux souvent des inflammations de type 2 avec éosinophilie et augmentation des IgE sériques, entretenues par la sécrétion d’IL-4, d’IL-5 et d’IL-13 par les cellules auxiliaires de type 2 (Th2) et les cellules lymphocytaires du système immunitaire inné (ILC2) qui leur ont donné leur nom. Le dupilumab bloque les récepteurs IL-4 et IL-13 et inhibe ainsi de manière ciblée la réaction inflammatoire de type 2.
Deux semaines seulement après l’initiation, on a constaté une nette régression des polypes et une amélioration de la respiration nasale. Au cours de l’évolution, l’étendue de la polypose s’est avérée fluctuante, avec une nette diminution globale des polypes et une bonne respiration nasale subjectivement constante. Le sens de l’odorat n’a été subjectivement perçu par le patient comme amélioré que pendant une courte période. Cette sensation s’est également reflétée dans le test Sniffin’-Sticks : avec une valeur SDI de 20,5, il n’y avait plus qu’une hyposmie après 6 semaines, mais celle-ci s’est rapprochée à nouveau de la valeur initiale de 11 après 16 semaines avec une valeur SDI de 13 et s’est aggravée en une anosmie fonctionnelle. Néanmoins, la qualité de vie de l’adolescent de 16 ans (évaluée par le Sinunasal Outcome Test 22, SNOT-22) s’est améliorée, passant de 25 points en préthérapeutique à 10 points après 8 cures. L’asthme s’est subjectivement amélioré dès la première administration de dupilumab, avec une plus grande capacité physique. Le spray à la demande (salbutamol) n’a plus dû être pris.
Engagement justifié
Dans ce cas de CRScNP non contrôlable par les options thérapeutiques actuelles, avec une forte atteinte locale, un début inhabituellement précoce de la maladie, une forte tendance à la récidive et une NERD, l’utilisation off-label du dupilumab est justifiée malgré le jeune âge du patient, expliquent les médecins. Depuis 2019, le dupilumab est autorisé dans le traitement de la CRScNP en tant que traitement complémentaire aux sprays nasaux contenant de la cortisone, lorsque la chirurgie et/ou la cortisonothérapie systémique n’ont pas permis d’obtenir un contrôle suffisant. Cette autorisation est limitée aux adultes âgés de 18 ans ou plus. Pour le traitement de l’urticaire chronique et de l’asthme bronchique, il existe une autorisation de mise sur le marché du dupilumab à partir de 12 ans .
Après 16 semaines, une nette amélioration des symptômes a déjà été constatée avec un profil de risque faible. Cependant, ils précisent qu’il reste à voir si l’absence de symptômes à long terme est possible, étant donné que l’on observe déjà une fluctuation des polypes et des odeurs. La durée du traitement n’est pas prévisible à l’heure actuelle. Si l’on se base sur les études de phase III SINUS-24 et SINUS-52, on peut s’attendre à une nouvelle augmentation de la taille des polypes après l’arrêt du traitement. Au cours de l’évolution, une désactivation de l’ASA et une chirurgie pansinusienne de révision sont possibles en alternative ou en complément de l’administration de dupilumab. Il n’existe pas de données sur les éventuels effets synergiques des différentes modalités de traitement.
Source : Congrès allemand sur les allergies 2020, Wiesbaden (D)
Littérature :
- Nastev A, Stuck BA, Pfaar O : Utilisation off-label de dupilumab pour le CRScNP et le NERD à l’adolescence. Un rapport de cas. Congrès allemand sur les allergies 2020 ; P2.06.
InFo PNEUMOLOGIE & ALLERGOLOGIE 2020 ; 2(4) : 31 (publié le 30.11.20, ahead of print)
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2020 ; 15(12) : 48