Marina T., 38 ans, originaire du sud de l’Italie, vit en Suisse depuis 15 ans sans problème d’allergie. En été, elle prend le train avec son mari pour se rendre de Zurich à Catanzaro en Calabre, sa ville natale. Lors de ses derniers voyages en train, elle a régulièrement ressenti des picotements aux yeux lors du bref arrêt à Lugano, auxquels se sont ajoutés des éternuements et une rhinorrhée lors de l’arrêt prolongé à Chiasso. En poursuivant son voyage vers le sud, les symptômes de rhinoconjonctivite se sont intensifiés, à l’arrivée à Florence elle a dû tousser, à Rome elle a ressenti les premiers symptômes d’essoufflement avec une légère respiration sifflante. Une fois arrivée à Catanzaro, elle a dû être admise aux urgences avec un état asthmatique à chaque fois.
De retour d’Italie, la patiente se présente au service d’allergologie de l’hôpital universitaire de Zurich.
Évaluation allergologique : qu’est-ce qui se cache derrière ?
La patiente présente les symptômes typiques d’une allergie respiratoire avec démangeaisons des yeux et du nez, crises d’éternuement, rhinorrhée et asthme bronchique pouvant aller jusqu’à l’état asthmaticus. Le voyage en train avec les fenêtres ouvertes en plein été et la saisonnalité stricte laissent supposer la présence d’un allergène présent dans l’air extérieur dans le sud, mais moins celle d’un allergène d’intérieur ou d’un aliment consommé pendant le voyage en train.
Bilan allergologique
Les prick-tests avec des allergènes d’inhalation de routine (Alyostal, Laboratoires Stallergènes) ont tous été négatifs. Les prick-tests complémentaires réalisés ultérieurement avec des pollens méditerranéens se sont révélés négatifs pour les olives, les cyprès et l’ambroisie, et massivement positifs pour la pariétaire (++++).
Les IgE spécifiques (CAP, FEIA, Pharmacia Diagnostics, Uppsala, Suède, maintenant Thermo Fisher) étaient positives pour Parietaria judeica et Parietaria officinalis classe 3 (respectivement 16 et 10). 12 kU/l).
Un test de provocation à la méthacholine, effectué en hiver, s’est révélé négatif.
Diagnostic
Rhinoconjonctivite et asthme bronchique en cas d’allergie monovalente par inhalation au pollen de pariétaire.
Procédure
Pour le prochain voyage d’été en Italie, il a été recommandé à la patiente de commencer la veille et de poursuivre pendant toute la durée des vacances un traitement prophylactique avec un antihistaminique (Zyrtec®) per os et des inhalations de cromoglycate (Lomudal®), un protecteur des mastocytes. Un aérosol-doseur (bronchodilatateur) lui a également été prescrit. En hiver, une immunothérapie spécifique (SIT) a été mise en place avec la préparation semi-dépôt Alutard® (ALK) contenant 50% de Parietaria judeica et 50% de Parietaria officinalis.
Historique
La première année, l’ITS n’a permis d’atteindre que la dose de 20 000 SQ en présaison. Sous traitement prophylactique, le voyage et le séjour en Calabre se sont déroulés pour la première fois avec seulement une rhinoconjonctivite légère, mais sans toux ni asthme. Au cours des années suivantes, avec une dose d’entretien régulière de SIT à 100 000 SQ, la patiente est restée asymptomatique.
Commentaire
La pariétaire (Parietaria) est une espèce de plantes de la famille des urticacées. Le nom botanique du genre Parietaria vient du latin “paries”, qui signifie “mur”, car cette espèce pousse souvent dans les murs (fig. 1). Le nom allemand “Glaskraut” (herbe de verre) a été donné aux espèces du genre parce que l’on utilisait autrefois cette herbe pour nettoyer les verres aveugles et les bouteilles de vin (fiaschi). La vergerette est une plante rudérale qui pousse sur les sols riches en nutriments, mais aussi sur les décombres. Il existe deux types de vitrail, la Parietaria officinalis (vitrail dressé, “pellitory-of-the-wall”, fig. 2) et la Parietaria judaica (vitrail étalé, “spreading pellitory”, fig. 3). La période de floraison des Parietaria s’étend de mars à septembre/octobre, mais en principe, les plantes sont capables de fleurir toute l’année.
L’herbe de verre est répandue en Europe centrale et méridionale et est introduite plus au nord, jusqu’au sud de l’Angleterre (Fig. 4). En Allemagne, les principales populations se trouvent dans la vallée du Rhin et sur ses affluents. En Suisse, la vergerette étalée est plus fréquente sur le versant sud des Alpes, au Tessin et sur les rives du lac Léman, ainsi qu’au Tyrol du Sud. Dans le Tyrol du Sud, par exemple, la plante continue à se répandre et, en tant qu’espèce à fleurs de vent, elle y est désormais une plante allergène redoutée.
On ne sait rien de la prévalence de la pollinose pariétale symptomatique au Tessin. Dans une étude de 1990 portant sur 110 patients atteints de pollinose dans un cabinet d’allergo-dermatologie de Locarno, la fréquence de sensibilisation à Parietaria officinalis était de 17,3% et de 5,3% pour Parietaria judaica [1]. A titre de comparaison, la sensibilisation aux graminées a été évaluée à 66,7% et celle au bouleau à 42,7% des patients allergiques au pollen. Dans une autre étude plus importante portant sur 503 patients consécutifs (57% d’hommes, 43% de femmes) atteints de pollinose et ayant consulté le même cabinet médical à Locarno entre 1990 et 1993, la sensibilisation à P. officinalis était – comme dans l’étude précédente – de 17,9% et à P. judaica de 9,5% [2]. Une étude réalisée en 1987 par la station d’allergie de Zurich n’a révélé aucune sensibilisation au pollen de pariétaire.
Cependant, dans les pays méditerranéens, le pollen de pariétaire est l’un des déclencheurs de pollinose les plus courants. Leur diamètre est de 12 à 17 µm. Cependant, dans une préparation microscopique visant à déterminer le calendrier pollinique d’une région, le pollen de Parietaria ne peut pas être distingué de celui des orties, toutes deux des Urticaceae. Le pollen d’ortie est cependant un allergène faible et n’a guère d’importance en tant qu’agent pathogène de la pollinose en Suisse. Le taux élevé de sensibilisation parmi les personnes allergiques au pollen dans le bassin méditerranéen et le fait que les symptômes, en particulier l’asthme, persistent jusqu’en hiver et qu’une hyposensibilisation ne donne que des résultats assez modestes sont des arguments en faveur d’un potentiel de sensibilisation élevé du pollen de pariétaire.
A partir du mois de juin, plus de 500 grains de pollen/m3 peuvent être enregistrés dans l’air de la région méditerranéenne. Il existe une forte homologie entre les allergènes de Parietaria officinalis et de Parietaria judaica. Les orties, les mûriers et éventuellement les ormes, en raison de leurs liens de parenté, font partie de la même communauté antigénique. Des études génétiques indiquent une forte affinité de l’allergène principal pour le HLA-DR 5. Les feuilles et les tiges possèdent également un certain pouvoir allergisant. La pollinose pariétale est particulièrement importante pour les patients qui séjournent dans la région méditerranéenne pendant la période de floraison, car ils y sont beaucoup plus exposés.
Le principal allergène de Parietaria officinalis est le Par o I, PM 14’000 ; de Parietaria judaica le Par j 1 , PM 10-13’000. Tous deux appartiennent à la famille non spécifique des “lipid transfer protein”. Chez Parietaria judaica, les allergènes Par j 2, également une “lipid transfer protein”, Par j 3, une profiline, et une Par j “calcium-binding protein” ont également été caractérisés. Dans le test IgE-CAP (Thermo Fisher), des extraits de pollen entier sont déterminés comme w19 (P. officinalis) et W21 (P. judaica), ainsi que comme allergène majeur recombinant de P. judaica w211 (rPar j 2 ; LTP) [3–5].
Littérature :
- Torricelli R, Gilardi S, Wüthrich B : Contributo epidemiologico sulle sensibilizzazioni ai pollini in pazienti pollinotici nel Canton Ticino. Tribuna Medica Ticinese 1991 ; 56 : 227-228.
- Gilardi S, et al : Pollinose dans le canton du Tessin. Une étude prospective à Locarno 1990-1993. Schweiz Med Wochenschr 1994 ; 124 : 1841-1847.
- Cvitanović S : Allergie au pollen de Parietaria officinalis. Croat Med J 1999 ; 40 : 42-48.
- Colombo P, et al. : Les allergènes de la pariétaire. Int Arch Allergy Immunol 2003 ; 130 : 173-179.
- Asturias JA, et al : Par j 1 et Par j 2, les allergènes majeurs du pollen de Parietaria judaica, ont des épitopes d’immunoglobuline E similaires. Clin Exp Allergy 2003 ; 33 : 518-524.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2015 ; 25(4) : 29-31
DERMATOLOGIE PRAXIS 2018 édition spéciale (numéro anniversaire), Prof. Brunello Wüthrich