La tonométrie artérielle périphérique est une technique moderne de diagnostic médical du sommeil en ambulatoire. Les évaluations pour l’analyse de l’architecture du sommeil peuvent être entièrement automatisées et réalisées manuellement. Le faible niveau d’exposition des patients permet d’effectuer des mesures multiples afin de réduire la variabilité de nuit à nuit.
Les troubles respiratoires liés au sommeil sont fréquents. Une étude suisse portant sur 2121 participants à Lausanne a montré que 49,7% des hommes et 23,4% des femmes avaient un indice d’apnée-hypopnée (IAH) >15/h, ce qui correspond au moins à une apnée obstructive du sommeil (AOS) légère [1]. Souvent non diagnostiqués, les troubles respiratoires du sommeil ont des conséquences potentiellement dangereuses, notamment un risque accru d’infarctus du myocarde, d’attaque cérébrale et d’hypertension artérielle [2]. Le “Home Sleep Apnea Testing” (HSAT) est au premier plan du diagnostic des troubles respiratoires obstructifs du sommeil. La tonométrie artérielle périphérique fait partie de ces procédures HSAT (tableau 1).
La valeur du pouls en médecine a été reconnue et décrite il y a des siècles [3]. Les analyseurs modernes de tonométrie artérielle périphérique (PAT) ont été mis sur le marché pour la première fois en 1999 et sont utilisés pour mesurer la fonction endothéliale périphérique en tant que paramètre pronostique du risque cardiovasculaire. [4,5] (Fig. 1). Ce n’est que plus tard que sa valeur pour le diagnostic médical du sommeil a été reconnue. Les premiers appareils à cet effet ont été achetés en 2009 en Suisse. Initialement, ils étaient surtout utilisés par les médecins ORL, puis de plus en plus par les pneumologues et les cardiologues.
Principes de base de la tonométrie artérielle périphérique
La tonométrie artérielle périphérique est une mesure précise du volume pulsatile des artères périphériques, qui dépend de l’activité du système nerveux sympathique dans les vaisseaux périphériques. De nombreux vaisseaux innervés par des fibres nerveuses alpha-sympathiques sont particulièrement présents au niveau des acres, comme le bout des doigts et le lobe de l’oreille. Ceux-ci sont importants pour la thermorégulation, mais sont également très sensibles à d’autres stimuli tels que le stress. La PAT permet de détecter de petites variations de volume des vaisseaux et de tirer ainsi des conclusions sur l’activité du système nerveux sympathique.
Le SAOS se caractérise par des obstructions des voies respiratoires supérieures qui entraînent des apnées et des hypopnées répétitives. Ces derniers fragmentent à leur tour le sommeil et sont à l’origine des symptômes typiques du SAOS, tels que la somnolence diurne, le sommeil fractionné, l’humeur dépressive et les troubles de la concentration [2,6]. Les apnées et les hypopnées se produisent selon des cycles caractéristiques. Celles-ci commencent pendant le sommeil par la relaxation des muscles qui maintiennent ouvertes les voies aériennes supérieures à l’état de veille. A partir d’un certain point, le flux d’air est limité (hypopnée) ou même complètement interrompu (apnée). Il en résulte une désaturation en O2 et uneaugmentation du CO2 dans le sang, ce qui déclenche une activation du système nerveux sympathique. Cela entraîne une réaction de réveil avec une tonification accrue des muscles des voies respiratoires et l’apnée ou l’hypopnée se termine par ce que l’on appelle un éveil. Ce processus d’activation du système nerveux sympathique s’accompagne d’une vasoconstriction qui se traduit par une réduction de l’amplitude du signal PAT et une augmentation de la fréquence cardiaque. Il en résulte ce que l’on appelle un modèle réciproque. La diminution de l’oxygène dans le sang périphérique, caractéristique des hypopnées, peut également être mesurée dans l’enregistrement PAT. La figure 2 montre une séquence de tels événements avec un schéma réciproque de diminution de l’amplitude de la PAT et d’augmentation du pouls suivi d’une désaturation en oxygène.
Lors du diagnostic du SAOS avec la technologie PAT, la saturation en oxygène, la fréquence cardiaque et le signal PAT sont directement mesurés. Il est possible d’en déduire les arousals ainsi que les apnées et les hypopnées. Il s’agit donc d’une mesure de substitution. La technologie PAT en médecine du sommeil consiste à dériver 7 canaux : Signal PAT, oxymétrie, fréquence cardiaque, actimétrie (position du corps), ronflement (microphone) et mouvement thoracique (via le mouvement de l’actimètre).
La PAT fournit des informations supplémentaires au-delà des événements respiratoires. Les caractéristiques PAT typiques des stades du sommeil permettent de déduire l’architecture du sommeil. En sommeil paradoxal, la variabilité de la fréquence cardiaque est plus élevée qu’en sommeil non paradoxal, où la fréquence cardiaque est régulée dans des limites plus étroites. En raison d’une activité plus importante du système nerveux sympathique, l’amplitude de la PAT diminue en outre pendant le sommeil paradoxal et présente une grande variabilité [7]. De plus, les informations de l’actimètre (mouvement) et du microphone (ronflement) sont utilisées pour l’analyse, de sorte que la technologie PAT permet de distinguer le sommeil paradoxal, le sommeil profond, le sommeil léger et l’état d’éveil (fig. 3 et 4). Cela permet d’analyser l’architecture du sommeil à l’aide d’un hypnogramme simplifié. Les apnées et les hypopnées peuvent donc être indiquées par temps de sommeil et pas seulement par temps de mesure. La PAT peut ainsi devenir un “laboratoire du sommeil à domicile light”.
La technologie PAT est fondamentalement différente des méthodes HSAT traditionnelles, telles que la polygraphie respiratoire, qui mesure directement les mouvements respiratoires à l’aide d’une ceinture abdominale et thoracique.
Évaluation et interprétation
La tonométrie artérielle périphérique nocturne peut être évaluée de manière entièrement automatisée. Ce scoring basé sur un algorithme a été validé dans plusieurs études par corrélation avec la polysomnographie [8,9]. Cependant, cette évaluation a été critiquée dans la mesure où elle n’a pas pu être vérifiée manuellement jusqu’à présent. En outre, il a été démontré que l’algorithme avait tendance à “surscorer”, en particulier dans les cas de SAOS modérés avec un IAH de 15-30/h [8]. L’AASM a reconnu la tonométrie artérielle périphérique comme méthode HSAT en 2017, mais exige qu’un scoring manuel des enregistrements soit possible [10]. Cela a été pris en compte dans la nouvelle version du logiciel (zzzPAT®Itamar Medical Ltd., Israël) a été mis en œuvre. Il est ainsi possible de visualiser les signaux, de les interpréter et de valider l’évaluation automatique par un scoring manuel. Le logiciel PAT est très similaire aux programmes de scoring des polygraphies respiratoires. Il permet de vérifier visuellement l’évaluation générée automatiquement et de la scorer manuellement, de manière analogue à la polygraphie respiratoire.
Les troubles respiratoires obstructifs du sommeil se manifestent dans la PAT nocturne sous la forme d’un schéma réciproque avec une augmentation de la fréquence cardiaque et une diminution de l’amplitude de la PAT, déclenchées par la réaction de réveil avec augmentation du tonus sympathique à la fin d’une apnée ou d’une hypopnée. Typiquement, ces arrêts respiratoires obstructifs entraînent un schéma en dents de scie avec une diminution et une remontée de la saturation en oxygène (Fig. 2).
La toute dernière technologie PAT (Watch PAT central plus et Watch PAT 300, Itamar Medical® Ltd, Israël) permet de distinguer les troubles respiratoires périphériques et centraux liés au sommeil. Le mouvement respiratoire est mesuré à l’aide d’un actimètre placé sur le thorax.
La figure 4 montre un extrait d’un rapport d’étude du sommeil tel qu’il peut être généré de manière entièrement automatisée ou édité manuellement avec le PAT. Dans la partie supérieure, les principaux ratios statistiques de la nuit couverte sont énumérés. La partie inférieure donne un aperçu graphique de la nuit. Sur la ligne supérieure, on peut voir les événements respiratoires détectés par PAT, qui s’accompagnent de ronflements importants sur la deuxième ligne et de désaturations en oxygène sur la troisième ligne. Dans ce cas, on constate une nette dépendance à la position, les événements respiratoires obstructifs se produisant presque exclusivement en position dorsale et étant accompagnés de ronflements impressionnants. Un hypnogramme simplifié est donné en bas du rapport, dans lequel on peut voir l’augmentation typique du sommeil paradoxal dans la deuxième partie de la nuit, ce qui correspond au processus physiologique.
Place de la tonométrie artérielle périphérique dans le diagnostic médical du sommeil
La PAT est très peu contraignante pour les patients, car cette méthode ne nécessite pas de câble sur le visage ni de ceinture thoracique ou abdominale. Ainsi, le sommeil normal est à peine perturbé par la mesure. En particulier, le patient peut se déplacer librement et n’a pas tendance à se coucher sur le dos en raison de l’appareil de mesure. C’est l’un des inconvénients de la polysomnographie en laboratoire du sommeil, où le “câblage” entraîne un temps de décubitus dorsal nettement plus élevé, une position du corps dans laquelle le SAOS est souvent particulièrement prononcé. La polysomnographie en laboratoire du sommeil surestime donc souvent la sévérité du SAOS, ce qui est dû à cette position de décubitus dorsal plus fréquente en raison des mesures [11,12].
L’HSAT est recommandé par la Société Suisse d’ORL ainsi que par celle de pneumologie, en accord avec les directives de la Société Américaine de Médecine du Sommeil, lorsqu’il existe une forte probabilité de SAOS. Les signes d’une forte probabilité de SAOS sont des ronflements bruyants et irréguliers, des pauses respiratoires observées, des suffocations nocturnes et des symptômes typiques du SAOS tels qu’une augmentation de la somnolence diurne et des maux de tête matinaux [10]. Le tableau 1 présente une vue d’ensemble des méthodes HSAT ainsi que leurs avantages et inconvénients. L’avantage de la polygraphie respiratoire est la mesure directe de la respiration, ce qui nécessite toutefois le port d’une ceinture thoracique et abdominale ainsi que de lunettes nasales. Il est possible de différencier les apnées des hypopnées. L’inconvénient est que l’IAH n’est pas calculé sur le temps de sommeil, mais sur le temps de mesure. L’un des principaux avantages de la technologie PAT est qu’elle n’entraîne qu’une gêne minime pour les patients, car elle ne nécessite pas de lunettes nasales ni de ceinture thoracique ou abdominale. Il est possible d’établir un hypnogramme simplifié et d’indiquer l’IAH par rapport au temps de sommeil. Cependant, il n’est pas possible de différencier les apnées des hypopnées, ce qui n’est pas forcément nécessaire dans la pratique clinique quotidienne.
Parmi les limites des méthodes HSAT, qui s’appliquent également à la technologie PAT, il convient de mentionner le fait qu’elles ne sont pas suffisantes pour l’évaluation des troubles neurologiques du sommeil. En cas de troubles neurologiques du sommeil, tels que le “Periodic Limb Movement”, les parasomnies ou la narcolepsie, une polysomnographie dans un laboratoire du sommeil reste nécessaire.
Résumé
La technologie PAT est une évolution précieuse dans le domaine du diagnostic ambulatoire en médecine du sommeil. Pour la première fois, il est également possible d’évaluer l’architecture du sommeil en “setting à domicile” à l’aide d’un hypnogramme simplifié. La valeur de l’IAH n’est plus exprimée par rapport au temps de mesure, mais par rapport au temps de sommeil. La dernière version (Watch PAT 300®) permet également de diagnostiquer les troubles de la régulation respiratoire centrale et une édition et une validation manuelles de la mesure sont possibles. La technologie PAT prend ainsi une place importante dans le diagnostic ambulatoire de la médecine du sommeil, y compris pour les médecins généralistes.
Messages Take-Home
- La tonométrie artérielle périphérique est une technique moderne de diagnostic médical du sommeil en ambulatoire.
- Elle permet d’analyser l’architecture du sommeil.
- Indication de l’indice d’apnée-hypopnée par rapport au temps de sommeil et non par rapport au temps de mesure comme dans les mesures traditionnelles à domicile.
- Peu contraignant pour les patients et donc mesures multiples pour réduire la variabilité de nuit à nuit bien acceptées par les patients.
- Des évaluations entièrement automatisées et manuelles sont possibles.
Littérature :
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