La perception de la stigmatisation liée au cancer réduit considérablement la qualité de vie. C’est ce que des chercheurs allemands ont montré pour la première fois dans une étude à grande échelle.
Si l’on examine les données disponibles, on constate qu’il existe peu d’études sur le sujet. Les études existantes se sont généralement limitées à de petits échantillons, fortement sélectionnés, ce qui rend les conclusions générales difficiles. De plus, la méthodologie manquait de rigueur et de qualité [1].
Grande enquête dirigée par des Allemands
L’équipe de l’étude, dirigée par PD Dr. phil. Jochen Ernst, de l’Université de Leipzig, a donc délibérément élargi le cadre, en incluant non seulement les patients atteints de cancer du poumon (comme dans de nombreuses études précédentes), mais aussi ceux atteints soit de cancer du sein, du côlon, du poumon ou de la prostate de deux registres allemands de cancer (Dresde et Leipzig). Les 858 personnes interrogées ont répondu à la version allemande du Social Impact Scale (SIS-D) et au questionnaire EORTC Quality of Life.
Le SIS-D est un instrument validé. Il comprend quatre dimensions avec différents items, chacun étant relevé sur une échelle de Likert à quatre niveaux [2] :
- Rejet social (6 items) comme “J’ai l’impression que les autres m’évitent à cause de ma maladie”.
- Insécurité financière (3 items) comme “J’ai vécu des crises financières à cause de la maladie, ce qui a affecté mes relations avec les autres”.
- Sentiment de honte internalisé (6 items) comme “J’ai le sentiment d’être au moins partiellement responsable de ma maladie” (particulièrement pertinent pour les cancers associés au tabac)
- Isolement social (9 items) comme “Je me sens plus souvent seul maintenant qu’avant ma maladie”.
A l’origine, l’outil d’auto-évaluation a été développé pour comparer les schémas de stigmatisation des personnes atteintes du VIH/sida et des patients atteints de cancer. Le questionnaire reflète à la fois la réaction perçue du monde extérieur à la maladie et son impact réel sur l’intérieur, c’est-à-dire sur les propres sentiments du patient.
La version allemande de l’EORTC-QLQ-C30 est également majoritairement à quatre niveaux. Elle évalue, à l’aide de plusieurs items multi- et unidimensionnels, la fonctionnalité physique, liée au rôle, sociale, émotionnelle et cognitive du répondant, ainsi que les symptômes (par exemple la douleur, la fatigue, l’appétit) et d’autres effets de la maladie tels que le fardeau financier, etc. Pour leur analyse, les auteurs se sont concentrés sur la fonctionnalité quotidienne, c’est-à-dire sur les cinq premières échelles mentionnées (par exemple, la fonctionnalité physique : “Avez-vous du mal à faire une longue promenade ?)
L’isolement, en particulier, augmente
En moyenne, les participants étaient âgés de 60,7 ans, environ la moitié étaient des hommes, diagnostiqués depuis un peu plus de deux ans et pour la plupart sous traitement. Les scores de stigmatisation les plus élevés ont été trouvés dans le domaine de l’isolement social (les plus bas pour le rejet social et la honte intériorisée). Les hommes atteints d’un cancer de la prostate semblent être ceux qui ont le moins le sentiment d’être stigmatisés par leur maladie. Il a été exclu que les différences puissent dépendre du sexe plutôt que du type de cancer. Le sexe n’a joué un rôle significatif qu’en ce qui concerne l’insécurité financière (plus souvent chez les hommes).
La réaction perçue de l’extérieur face au diagnostic de cancer est très importante pour les personnes concernées. Les cinq dimensions de la qualité de vie des patientes atteintes d’un cancer du sein étaient significativement déterminées par la stigmatisation. Les facteurs de confusion possibles tels que l’âge, le sexe, la dépression et le moment du diagnostic ont été contrôlés. Pour d’autres cancers, le lien est un peu moins marqué, mais toujours évident. Les personnes atteintes d’un cancer du poumon, par exemple, se sentaient le plus affectées dans leur fonctionnalité émotionnelle par la stigmatisation.
Que peut-on faire pour y remédier ?
La relation inverse entre la perception de la stigmatisation liée au cancer et les différentes dimensions de la qualité de vie à travers les différents types de cancer est remarquable – même si l’ampleur absolue de la stigmatisation perçue peut heureusement être relativement faible. Il est important de noter que les concepts et les actions stigmatisantes de tiers (c’est-à-dire de personnes en bonne santé) n’ont pas été relevés directement, mais les processus négatifs chez le patient lui-même, c’est-à-dire le reflet indirect de ces actions. Plus l'”empreinte” du cancer était perçue, plus il était difficile pour les personnes concernées de s’orienter dans la vie quotidienne.
Comme il s’agit d’une perception du monde extérieur – qui ne correspond d’ailleurs pas nécessairement à la réalité -, les stratégies de soulagement possibles commencent par le patient. Qu’elle soit imaginaire ou réelle, la stigmatisation a des conséquences tangibles dans le monde émotionnel des personnes concernées. Des effets psychosomatiques à long terme risquent d’entrer en concurrence avec les effets secondaires et les symptômes réels de la maladie et du traitement du cancer et de persister au-delà de la période de traitement. L’image de soi liée au sexe et la vie sexuelle – en particulier dans le cas du cancer du sein et de la prostate – sont également affectées de manière sensible et entraînent une grande détresse.
Comment briser le cercle de l’auto-accusation, du tabou, de la honte et du sentiment d’infériorité, de la séparation et de l’isolement ? Quelles stratégies de communication peuvent aider à informer l’entourage de l’état de la situation et à générer de la compréhension et du soutien, respectivement. de l’entreprise ? Quelles sont les limites légales, où trouver des offres de soutien et d’information en tant que patient ?
Questions à résoudre en cas de diagnostic de cancer. Il convient de noter que, malgré les nouvelles données, le problème est encore sous-estimé : après tout, plus de 50% des personnes interrogées étaient des retraités et étaient donc moins régulièrement impliqués dans des interactions professionnelles (c’est-à-dire sociales) susceptibles de générer des sentiments de stigmatisation.
En bref
- Les patients atteints de cancer se sentent stigmatisés par leur maladie.
- La qualité de vie s’en ressent.
Source : Ernst J, et al. : BMC Cancer 2017 ; 17 : 741.
Littérature :
- Chambers SK, et al : BMC Cancer 2012 ; 12 : 184.
- Eichhorn S, Mehnert A, Stephan M : Psychother Psychosom Med Psychol 2015 ; 65(5) : 183-190.
InFo ONKOLOGIE & HÉMATOLOGIE 2018 ; 6(1) : 4