La médecine traditionnelle ne fait pas de différence entre les vitamines dites “naturelles” et les vitamines “synthétiques”. Dans les études sur les vitamines, l’origine des préparations vitaminiques utilisées n’est pratiquement jamais mentionnée. Cependant, certains fournisseurs font la distinction entre les vitamines synthétiques et naturelles et soulignent les quelques études qui traitent des différences entre les deux types de vitamines.
Non seulement les magasins spécialisés tels que les pharmacies et les drogueries proposent de nombreuses préparations vitaminées, mais les magasins diététiques, les centres de fitness et les grands distributeurs ont également des rayons remplis de produits correspondants. Les vitamines dites “naturelles” font l’objet d’une demande récurrente dans les magasins spécialisés. Et en effet, il existe des entreprises pharmaceutiques qui proposent des vitamines naturelles.
La question qui se pose est la suivante : existe-t-il des différences entre ces vitamines naturelles et les vitamines synthétiques en termes de
- la structure chimique ?
- l’absorption/la biodisponibilité ?
- l’efficacité ?
- effets indésirables ?
Cette question préoccupe peu la médecine conventionnelle et les études ne distinguent pratiquement jamais les préparations utilisées selon qu’il s’agit de vitamines naturelles ou synthétiques.
Définition
Il est logique de supposer que les vitamines naturelles sont obtenues par extraction à partir de plantes et que les vitamines synthétiques sont fabriquées “chimiquement”. Mais ce n’est pas la bonne définition, car, étonnamment, les vitamines naturelles ne doivent pas nécessairement être extraites de la nature.
Une vitamine peut être qualifiée de naturelle ou d’identique à la nature lorsqu’elle correspond chimiquement à la forme existant dans la nature et qu’elle est présente avec ses substances naturelles associées. Les partisans des vitamines naturelles soulignent que ce sont précisément ces substances naturelles annexes qui peuvent avoir une influence sur l’absorption et la biodisponibilité. En outre, les préparations contenant des vitamines naturelles ne doivent pas contenir de substances étrangères à l’organisme pouvant être absorbées, telles que des conservateurs, des colorants ou des édulcorants synthétiques.
D’après leur structure, les vitamines synthétiques et naturelles ne diffèrent pas, leur formule structurelle est donc identique. Il existe toutefois des différences au niveau de la stéréoisomérie.
Vitamine A
Le débat sur la vitamine A synthétique et naturelle se concentre sur le bêta-carotène, en tant que précurseur (également appelé provitamine A), et sur les différents rétinoïdes appelés vitamine A. La vitamine A synthétique est une vitamine naturelle, qui peut être synthétisée par l’organisme humain. Le bêta-carotène naturel (mieux connu sous le nom de caroténoïdes) est un mélange de cis-bêta-carotène, de tout-trans-bêta-carotène, d’alpha-carotène, etc. (Fig. 1). Ce spectre de caroténoïdes est très similaire à celui des fruits et légumes.
En revanche, la synthèse du bêta-carotène en laboratoire ne produit que du bêta-carotène tout-trans. Selon Challem [1] et Xue et al. [2], il existe des différences stéréoisomériques en termes d’efficacité et d’effets indésirables qui sont en défaveur de la variante synthétique. Selon le Challem, les mélanges naturels de caroténoïdes sont des antioxydants aux propriétés bénéfiques pour la santé. Le caroténoïde synthétique présente également des avantages, mais a également des effets négatifs, car le rétinol produit dans l’organisme à partir du bêta-carotène synthétique augmente le risque de maladies du foie et de modifications cellulaires précancéreuses en association avec une consommation élevée d’alcool.
Vitamine B
Les huit composés du complexe de vitamine B existent dans la nature exactement tels qu’ils sont synthétisés en laboratoire. Il n’y a donc pas non plus de différences stéréoisomériques. C’est la raison pour laquelle même les fournisseurs de vitamines naturelles ont recours à la synthèse en laboratoire pour la vitamine B. Seul l’acide folique, autrefois parfois appelé vitamine B9 ou B11, présente un avantage d’absorption pour la forme naturelle, car l’acide folique naturel est présent dans une matrice végétale qui augmente l’absorption et donc la biodisponibilité de l’acide folique.
Vitamine C
Il n’existe aucune différence chimique, même stéréoisomérique, entre l’acide ascorbique synthétisé en laboratoire et celui présent dans la nature. Mais alors que les préparations vitaminiques synthétiques sont composées à 100% d’acide ascorbique, l’acide ascorbique naturel, comme l’acide folique, est également intégré dans une matrice végétale (bioflavonoïdes, oligo-éléments). L’acide ascorbique reste ainsi plus longtemps dans le tractus gastro-intestinal, ce qui a un effet positif sur l’absorption et la biodisponibilité. Le même effet est obtenu avec une préparation synthétique d’acide ascorbique qui se présente sous une forme retard.
Vitamine D
En ce qui concerne la vitamine D, on distingue la vitamine D2 (ergocalciférol) et la vitamine D3 (cholécalciférol).
La vitamine D2 n’a pratiquement aucune importance et est presque uniquement utilisée par les végétaliens, car elle est extraite de lichens et de champignons.
La vitamine D3 est aujourd’hui extraite de la lanoline/graisse de laine en la traitant avec des rayons UV. D’ailleurs, le 7-déhydrocholestérol présent dans notre peau est également transformé en cholécalciférol par les UV. Les études comparatives montrent toutes une biodisponibilité nettement supérieure de la vitamine D3 par rapport à la vitamine D2.
Il est intéressant de noter que la vitamine D n’est jamais synthétisée en laboratoire à partir de substances de base. On ne peut donc pas distinguer ici une forme naturelle d’une forme synthétique.
Vitamine E
Les différences réelles se situent au niveau de la vitamine E. La différence entre l’alpha-tocophérol synthétique et l’alpha-tocophérol naturel, appelé vitamine E, est due à la chiralité. L’alpha-tocophérol que l’on trouve dans la nature est exclusivement dextrogyre et est donc appelé d-alpha-tocophérol. Une synthèse d’alpha-tocophérol en laboratoire produit un mélange de l- et d-alpha-tocophérol, c’est-à-dire un racémate. Le d-alpha-tocophérol, présent dans les huiles végétales, y côtoie le d-bêta, le d-gamma et le d-delta-tocophérol. Mais comme notre corps a besoin exclusivement du d-alpha-tocophérol, les autres formes sont éliminées lors de l’obtention des préparations naturelles de vitamine E.
Les différences entre l’alpha-tocophérol naturel et l’alpha-tocophérol synthétique sont notamment les suivantes :
- La biodisponibilité du d-alpha-tocophérol est nettement meilleure que celle du racémate [3].
- Enrichissement préférentiel des VLDL, LDL et HDL ainsi que des érythrocytes et du plasma sanguin avec la forme naturelle [4].
- Accumulation préférentielle de la vitamine E naturelle dans les tissus [5].
Ces différences documentent bien sûr un bénéfice pour la forme naturelle de la vitamine E.
Résumé
Pour les vitamines B et D, on ne connaît pas aujourd’hui de différences chimiquement significatives entre les formes présentes dans la nature et celles synthétisées en laboratoire. L’acide folique, qui fait partie du complexe de vitamine B, est naturellement présent dans une matrice végétale qui améliore son absorption par rapport à la forme synthétique. Il en est de même pour la vitamine C.
Dans le cas de la vitamine A ou de son précurseur, le bêta-carotène, il existe des différences stéréoisomériques entre la forme naturelle et la forme synthétique, qui font état d’avantages pour la forme naturelle en termes de pharmacocinétique, d’efficacité et d’effets indésirables. Dans le cas de la vitamine E, la forme naturelle est un composé dextrogyre, tandis que la synthèse conduit à un racémate. Des études documentent des avantages pour le d-tocophérol naturel.
Ces faits plaident plutôt en faveur des vitamines naturelles, surtout en ce qui concerne l’absorption et la biodisponibilité. Il est donc manifestement intéressant d’utiliser des vitamines naturelles lors d’un apport en vitamines.
Littérature :
- Challem JJ : Beta-Carotene and Other Carotenoids : Promises, Failures, and a New Vision. Orthomolec Med 1997 ; 12 : 11-19.
- Xue KX, et al : Études comparatives sur la génotoxicité et l’antigénotoxicité des stéréoisomères naturels et synthétiques du bêta-carotène. Mutation Research 1998 ; 418(2-3) : 73-78.
- Acuf RV, et al. : Bioavailability relative ou RRR- et all-rac-alphaTocopheriyl chez l’homme. Am J Clin Nutr 1994 ; 60 : 397-402.
- Traber MG, et al : RRR- et SRR-alpha-tocophérols sont sécrétés sans discriminationdans les chylomicrons humains, mais RRR-alpha-tocophérol est sécrété préférentiellement dans les lipoprotéines de très faible densité. J Lipid Res 1990 ; 31(4) : 675-685.
- Burton GW : Concentrations en alpha-tocophérol dans le plasma et les tissus humains en réponse à une supplémentation en vitamine E naturelle et synthétique deutérée. Am J Clin Nutr 1998 ; 67(4) : 669-684.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2014 ; 9(12) : 4-5