La dyspnée est l’une des affections les plus courantes chez les patients très âgés et dépendants. Des options pharmacologiques et non pharmacologiques sont disponibles pour soulager les personnes concernées. Cependant, il est souvent beaucoup plus important que les mesures thérapeutiques d’informer de manière complète les patients en phase terminale ainsi que leurs proches et de ne laisser aucune question sans réponse.
Les caractéristiques typiques des patients gériatriques, et plus particulièrement des résidents des maisons de retraite, sont la multimorbidité et les chaînes de maladies, la transformation des symptômes ou leur présentation atypique, la négation des maladies (modèle déficitaire), la tendance à la chronicité et les syndromes polyétiologiques. Le parcours final commun chez les patients très âgés et multimorbides est souvent le trouble de la croissance : cachexie, frailty et sarcopénie sont les sujets auxquels les médecins gériatres en soins palliatifs doivent régulièrement faire face.
Dans la prise en charge de ces patients très âgés, il y a un certain nombre d’aspects qui, pour Christoph Fuchs, spécialiste en gériatrie et médecin à domicile à l’hôpital de Zofingen, font partie d’un Advance Care Planning réussi, c’est-à-dire d’une prise en charge prévoyante [1]. Dans une maison de retraite dont il s’occupe, en mars 2020, les directives anticipées et le mandat pour cause d’inaptitude de 90 résidents sur 94 ont été demandés et documentés, y compris la clarification des souhaits d’hospitalisation et du souhait d’assistance respiratoire. “Les données étaient bien sûr déjà disponibles auparavant, mais nous les avons spécifiées à nouveau en ce qui concerne l’hospitalisation et le thème actuel du pronostic COVID-19”, explique le gériatre. Sa conclusion de l’enquête : Les discussions avec les patients et leurs proches sont très importantes pour toutes les parties concernées afin de clarifier au préalable des facteurs tels que les valeurs, la spiritualité et la volonté (présumée). Ensuite, les mesures médicalement raisonnables devraient être définies dans une documentation transparente (dossier médical électronique). Pour les personnes concernées, la disponibilité des thérapeutes responsables est également très importante en termes de confiance.
La dyspnée chez les personnes très âgées
Lors du traitement de la dyspnée, il faut d’abord exclure les diagnostics différentiels possibles : La pneumonie par aspiration dans les maladies neurodégénératives (p. ex. démence, accident vasculaire cérébral, maladie de Parkinson) est un sujet qui concerne tous les gériatres et tous les médecins généralistes ayant une clientèle d’âge avancé. Les processus malins et les maladies bactériennes ou virales aiguës, telles que les infections à VIH, peuvent également être traités. COVID-10 doivent être distingués.
Les interventions non pharmacologiques les plus probantes en cas de dyspnée sont l’utilisation d’un déambulateur, la vibration de la paroi thoracique et la stimulation musculaire neuro-électrique, ainsi que les interventions de soins (conseils, relaxation, exercices respiratoires) (Fig. 1). Il existe plusieurs options de traitement médicamenteux, les opioïdes étant toujours considérés comme le traitement de choix. Les données à ce sujet sont certes relativement maigres, l’expert a déploré un manque fréquent de randomisation et de contrôle par placebo. Néanmoins, une forte significativité a été démontrée pour l’administration parentérale et orale. De plus, on sait depuis longtemps qu’une dose adéquate d’opioïdes n’entraîne pas une baisse significative de la saturation en O2, mais aide le patient via l’économie de la fréquence respiratoire.
Les formes d’administration recommandées sont la voie orale, sous-cutanée et intraveineuse. Selon Christoph Fuchs, les opioïdes administrés par voie nasale et buccale ne sont pas très utiles pour les patients gériatriques en raison de la rapidité de l’afflux et des éventuels effets secondaires sérotoninergiques. Pour les jeunes patients en soins palliatifs, ces sprays ou dispositifs de fentanyl sont toutefois une option. La titration de la dose d’opioïdes en cas de détresse respiratoire est comparable à celle de l’analgésie : chez les patients naïfs d’opioïdes, on commence par la morphine 2,5-5 mg par voie orale, éventuellement toutes les 4 heures (sous forme de gouttes), ou bien on dispose de la forme retard (10-30 mg). Chez les patients non naïfs d’opioïdes, le traitement de base doit être augmenté de 25 à 50%, selon la gravité de la dyspnée.
Les benzodiazépines sont volontiers données par des collègues non spécialisés dans les situations aiguës, car la composante anxiété joue toujours un rôle. Les gériatres ne sont toutefois pas très enthousiastes à l’égard de ces substances en raison de leur effet sédatif et de l’éventuelle tendance du patient à tomber. Les benzodiazépines doivent donc être considérées comme des médicaments de deuxième ou troisième intention.
Expliquer la respiration par crécelle
Les râles crépitants sont un symptôme très fréquent dans l’insuffisance respiratoire terminale. En phase terminale, ce symptôme apparaît chez 30 à 50 % des patients, ce qui est particulièrement mal perçu par les proches, qui se demandent s’il s’agit d’un fardeau pour la personne concernée.
Comme mesure thérapeutique de base, l’expert a recommandé de réduire l’apport en liquide (s’il y en a un) et éventuellement de modifier le positionnement. Si les anticholinergiques doivent être utilisés comme moyen d’inhibition médicamenteuse des sécrétions, le confrère a conseillé de commencer rapidement le traitement. Le médicament de choix est la butylscopolamine, qui peut être administrée par voie s.c. et en bolus. Il ne présente pas d’effets secondaires sur le SNC, mais a une mauvaise absorption orale. L’alternative est le bromure de glycopyrronium, qui est nettement plus puissant (2 à 5 fois la puissance de la scopolamine). Là encore, aucun effet secondaire sur le SNC n’est à craindre, mais des effets secondaires cardiaques peuvent survenir. En termes d’efficacité, il n’y a pas de différence entre les deux substances en ce qui concerne la réduction des sécrétions.
Christoph Fuchs a souligné l’importance et les conséquences désagréables des râles terminaux pour les personnes concernées, mais aussi et surtout pour leurs proches. Il est donc important, selon lui, d’expliquer précisément à la famille pourquoi le patient “bouillonne” et de faire comprendre que les râles constituent une phase du processus de mort et que le patient entre dans un état comateux. “Si nous insufflons de l’oxygène à haute dose, nous prolongeons la phase d’entrée dans ce que l’on appelle le CO2-Nous prolongeons la souffrance et ne sommes donc pas de bons médecins. Mais il n’est parfois pas facile de le faire savoir”. De nombreux membres de la famille ne comprendraient pas qu’une insufflation d’oxygène puisse encore être utile chez un patient éveillé, mais qu’elle ne soit plus indiquée chez un patient comateux ou mourant.
Congrès : DGIM 2021 (en ligne)
Source :
- Session “Les soins palliatifs en gériatrie – le patient âgé entre la réhabilitation précoce et les soins palliatifs” dans le cadre du 127e congrès de l’Association européenne de gériatrie. Congrès de la Société allemande de médecine interne (DGIM), 20 avril 2021.
InFo DOULEUR & GERIATRIE 2021 ; 3(1) : 20-21 (publié le 2.7.21, ahead of print)