Alors que les phases précoces sont souvent asymptomatiques, diverses complications peuvent survenir dans le cadre d’une cirrhose décompensée. L’encéphalopathie hépatique est l’une d’entre elles.
Selon le professeur Peter Galle, de la médecine universitaire de Mayence, la détermination des paramètres hépatiques devrait être intégrée dans les bilans médicaux des groupes à risque. “Les résultats anormaux doivent faire l’objet d’un examen plus approfondi par échographie”, ajoute-t-il [1]. Un dépistage de l’augmentation de l’alanine aminotransférase (ALT) en combinaison avec un outil non invasif de détection de la fibrose pourrait être approprié pour augmenter la proportion de diagnostics précoces de maladies du foie traitables, selon le professeur Galle, membre de la direction du projet SEAL. (encadré).
La cirrhose décompensée comporte des risques de complications
La cirrhose du foie est une atteinte grave du parenchyme hépatique qui peut être induite par différents facteurs (par ex. nécrose, inflammation, fibrogénèse) [3]. Les caractéristiques histologiques sont la perte de parenchyme, la formation de nodules et la perturbation de l’architecture vasculaire [3]. Il s’agit du stade final d’un processus hépatique chronique qui évolue progressivement pendant des années, voire des décennies. Les maladies sous-jacentes les plus fréquentes sont les stéatoses hépatiques alcooliques et non alcooliques (AFLD/NAFLD) et les hépatites virales (hépatites B et C). Les cirrhoses du foie sont également fréquentes en présence de certaines maladies de stockage (hémochromatose, déficit en α1-antitrypsine, maladie de Wilson) et de maladies auto-immunes. L’incidence annuelle des décès liés à la cirrhose dans le monde est de >1 million [4]. En ce qui concerne la prévalence, une tendance à l’augmentation se dessine, ce qui est lié à l’augmentation de la NAFLD [5]. Autrefois considérée comme le stade ultime des maladies chroniques du foie, la NAFLD est aujourd’hui considérée comme réversible dans certains cas [6,7]. Les manifestations cliniques n’apparaissent souvent qu’au stade de la décompensation, la phase compensée étant souvent asymptomatique. La cirrhose du foie étant une maladie multisystémique, la morbidité et la mortalité sont associées aux complications liées à l’hypertension portale (par ex. varices, ascite, splénomégalie, encéphalopathie hépatique, dysfonctionnement immunitaire). Les infections et les hémorragies gastro-intestinales sont les causes les plus fréquentes d’hospitalisation, de décompensation, d’insuffisance hépatique et de défaillance d’autres organes (insuffisance hépatique “acute-on-chronic”, ACLF) [8]. Cette situation est associée à une mortalité élevée. Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est une autre complication qui entraîne une mortalité élevée. Il est donc important de diagnostiquer les maladies du foie à un stade précoce et de les traiter au mieux, de détecter la cirrhose et les éventuelles complications et de les traiter de manière symptomatique.
Encéphalopathie hépatique : indicateur de la progression de la cirrhose du foie
Une grande partie des personnes atteintes d’une maladie chronique du foie développent une encéphalopathie hépatique minimale. Il peut en résulter une encéphalopathie hépatique manifeste, un état qui est également associé à un taux de mortalité élevé. Une analyse de Cordoba et al. [9] sur la base des données de 1348 patients atteints de cirrhose hospitalisés pour décompensation est parvenue aux conclusions suivantes :
Un antécédent d’encéphalopathie hépatique est un facteur de risque de récidive de cette complication. Le pronostic de l’encéphalopathie hépatique avec ACLF est très mauvais par rapport à celui de l’encéphalopathie hépatique sans ACLF. L’encéphalopathie hépatique sans ACLF est fréquente, entre autres, chez les patients âgés atteints de cirrhose, les alcooliques abstinents, l’absence d’insuffisance hépatique sévère. L’encéphalopathie hépatique avec ACLF est fréquente chez les jeunes patients atteints de cirrhose, les alcooliques consommateurs actifs, en cas d’insuffisance hépatique sévère. Les facteurs de risque indépendants de mortalité étaient l’âge, la bilirubine, l’INR, la créatinine, le sodium et la sévérité de l’encéphalopathie hépatique. L’encéphalopathie hépatique minimale est un indicateur précoce de la progression de la cirrhose du foie, a expliqué le PD Dr Tobias Müller, Charité Universitätsmedizin Berlin [10,11]. D’un point de vue pathogénique, une absorption accrue d’ammoniaque entraîne un dysfonctionnement et un gonflement des astrocytes du cerveau par dégradation des protéines endogènes et/ou intestinales. L’encéphalopathie hépatique aggrave le pronostic des personnes atteintes. Les “West Haven Criteria” peuvent être utilisés pour classifier cette complication neuropsychiatrique (tableau 1) [10]. En cas de gravité 3 et 4, des soins intensifs sont indiqués. Le traitement d’un épisode aigu d’encéphalopathie hépatique, tout comme la prophylaxie secondaire, repose en premier lieu sur le lactulose (fig. 1). En cas d’intolérance ou d’inefficacité des disaccharides non absorbables, on peut passer à la rifaximine seule ou en association avec le lactulose.
Littérature :
- Galle PR : Prise en charge des maladies du foie – état de l’art. Peter R. Galle, Universitätsmedizin Mainz (D), Industriesymposium, DGIM 6 mai 2019.
- Nagel M, et al : Programme de dépistage du foie SEAL : dépistage de la population générale pour une détection précoce structurée de la fibrose et de la cirrhose du foie. Z Gastroenterol 2019 ; 57(09) : e246.
- Tsochatzis EA, Bosch J, Burroughs AK : Cirrhose hépatique. Lancet Lond Engl 2014 ; 383 : 1749-1761.
- Mokdad AA, et al : Liver cirrhosis mortality in 187 countries between 1980 and 2010 : a systematic analysis. BMC Med 2014 ; 12 : 145.
- Goosens M : Maladie du foie gras non alcoolique : halte à la banalisation ! Swiss Med Forum 2018 ; 18(1-2) : 10-12.
- Marcellin P, et al : Régression de la cirrhose pendant le traitement par fumarate de ténofovir disoproxil pour l’hépatite B chronique : une étude de suivi de 5 ans en open-label. Lancet Lond Engl 2013 ; 381 : 468-475.
- Lee YA, Wallace MC, Friedman SL : Pathobiology of liver fibrosis : a translational success story. Bien 2015 ; 64 : 830-841.
- Gustot T, Moreau R : Acute-on-Chronic Liver Failure vs. Traditional Acute Decompensation of Cirrhosis. J Hépatol 2018. doi:10.1016/j.jhep.2018.08.024.
- Cordoba J, et al : Caractéristiques, facteurs de risque et mortalité des patients cirrhotiques hospitalisés pour encéphalopathie hépatique avec et sans insuffisance hépatique aiguë chronique (ACLF). J Hepatol 2014 ; 60(2) : 275-281.
- Müller T : Prise en charge des maladies du foie – état de l’art. Présentation de transparents PD Dr. med. Tobias Müller, Charité Universitätsmedizin Berlin (D). Symposium industriel, DGIM 6 mai 2019.
- Ampuero J : L’encéphalopathie hépatique minimale identifie les patients à risque de progression plus rapide de la cirrhose. Journal of Gastroenterology and Hepatology 2018 ; 33(3) : 718-725.
- Conn H.O. Encéphalopathie hépatique. In : Schiff L, Schiff ER, Eds. Maladies du foie. 7e éd. Philadelphie : Lippicott 1993, pp. 1036-1060.
- Gerbes AL, et al. : Mise à jour du guide S2k de la Société allemande de gastroentérologie, maladies digestives et métaboliques (DGVS) “Complications de la cirrhose du foie”. AWMF-No : 021-017 Version novembre 2018, www.awmf.org
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2019 ; 14(12) : 30-31