Le risque de réaction allergique après une piqûre d’insecte varie de 0,3 à 8,9%. Toutes les réactions aux piqûres ne sont pas équivalentes à une allergie. L’évaluation correcte d’une réaction facilite la décision d’un diagnostic plus poussé et d’un éventuel traitement spécifique.
Les piqûres d’insectes sont, avec les médicaments et les aliments, l’une des causes les plus fréquentes de réactions allergiques graves. L’incidence des événements fatals dans le monde est estimée entre 0,03 et 0,48 par million d’habitants. En Suisse, environ une à quatre personnes meurent chaque année en raison d’une réaction allergique grave après une piqûre d’insecte. En Europe, les insectes appartenant aux deux familles des Apidae (abeilles mellifères/Apis melifera, bourdons/Bombus terrestris/B. agrotum) et Vespidae (guêpe à tête courte/Vespula germanica/V. vulgaris, guêpe à tête longue/Dolichovespula media, D. saxonica, frelons/Vespa crabro, guêpes des champs/Polistetdominulus/P. gallicus) sont importantes pour les événements allergiques [1]. Les guêpes à tête courte montrent une préférence pour la nourriture humaine, c’est pourquoi les piqûres sont souvent associées à la nourriture et/ou à des événements sociaux comme les pique-niques et les barbecues, généralement au milieu/à la fin de l’été. Les piqûres de frelons et de guêpes à longue tête ne se produisent pratiquement qu’à proximité du nid. En règle générale, le dard de l’abeille, équipé de barbillons, reste planté dans la peau. Ce que l’on sait moins, c’est que les guêpes peuvent aussi perdre leur dard de temps en temps.
Si une réaction allergique générale se produit après une piqûre d’insecte, une évaluation allergologique en vue d’une immunothérapie spécifique aux veines (ITSV) doit être initiée au cours de l’évolution de la maladie (idéalement environ trois à six semaines après un événement aigu). La VIT a été établie dans le monde entier comme la seule méthode causale et hautement efficace (efficacité pour une allergie au venin de guêpe >95% et pour une allergie au venin d’abeille 80-85%).
Manifestations cliniques
Chez de nombreuses personnes, les piqûres d’insectes provoquent un gonflement local douloureux. Cette réaction locale à la piqûre, bien qu’importante (gonflement de la peau de >10 cm, durée >24h), n’est généralement pas d’origine allergique. Selon les études, les personnes ayant eu des réactions locales graves aux piqûres d’insectes ne présentent pas de risque accru de réaction allergique générale future. Les réactions toxiques systémiques causées par l’action cytotoxique de toxines telles que la mélittine, les phospholipases et les kinines après de multiples piqûres d’insectes ne sont pas non plus de nature allergique. Si une sensibilisation aux composants du venin se produit après une piqûre, une réaction allergique pourrait se développer en conséquence de cette sensibilisation lors de nouvelles piqûres. Les différentes manifestations cliniques des réactions aux piqûres ont été résumées dans le tableau 1.
Réactions allergiques aux piqûres d’insectes
Selon les derniers rapports de la littérature, jusqu’à 50% de la population peut présenter une sensibilisation asymptomatique au venin d’abeille ou de guêpe [2]. La prévalence d’une réaction allergique systémique après une piqûre d’hyménoptère est estimée entre 0,3 et 8,9%. Le risque de réaction allergique est particulièrement élevé lorsque deux piqûres se produisent en peu de temps. Après une réaction générale légère, le risque d’une nouvelle réaction systémique chez l’adulte est d’environ 30%, et même de 50 à 70% après une réaction sévère [3]. Une tryptase sérique de base élevée s’est avérée être un facteur de risque important pour une réaction générale après une piqûre d’insecte [4]. D’autres facteurs tels que les maladies sous-jacentes (maladies cardiovasculaires graves, BPCO GOLD III-IV, asthme sévère), un âge avancé (>70 ans) et un traitement par bêtabloquants ou inhibiteurs de l’ECA peuvent également augmenter le risque. On ne connaît pas de risque accru de réaction allergique aux piqûres d’insectes chez les personnes atopiques (par exemple, les personnes allergiques au pollen ou aux acariens de poussière).
Traitement d’une réaction allergique
Le principe de traitement de chaque réaction allergique est uniforme, quel que soit l’agent déclencheur. Selon les recommandations de la World Allergy Organisation (WAO) et les directives nationales, l’administration d’adrénaline par voie intramusculaire est le traitement de choix de l’anaphylaxie [5]. Il n’y a pas de contre-indication absolue à l’utilisation d’adrénaline en cas de réaction allergique grave. Chez l’adulte, la dose initiale est de 0,3-0,5 mg (règle générale : 0,1 mg pour 10 kg de poids corporel). D’autres mesures de traitement en cas d’anaphylaxie sont présentées dans le tableau 2. Les réactions légères telles que l’urticaire isolée et/ou l’angio-œdème léger peuvent être traitées par un antihistaminique, un effet thérapeutique étant attendu au plus tôt après une demi-heure après l’administration orale.
Chaque patient doit avoir sur lui des médicaments d’urgence après une réaction systémique à une piqûre d’insecte. La trousse d’urgence se compose d’antihistaminiques (p. ex. deux comprimés de lévocéterizine, de ceterizine ou de fexofénadine) associés à une préparation de corticostéroïdes (p. ex. deux comprimés de prednisone à 50 mg) et à un auto-injecteur d’adrénaline (Epipen, Jext). Chez les jeunes enfants, il faut prescrire des gouttes d’antihistaminiques (par exemple, des gouttes de lévocéterizine 0,25-0,5 mg/kg/jour), des comprimés de cortisone hydrosolubles (par exemple, Betnesol 0,2-0,5 mg/kg) et Epipen Junior (chez les enfants >7,5 kg et <25 kg) [6].
Diagnostic de l’allergie aux venins d’insectes
Une évaluation allergologique est recommandée chez tout patient ayant présenté une réaction systémique après une piqûre d’abeille/de guêpe, notamment pour déterminer si une immunothérapie spécifique aux veines (ITSV) est indiquée [7]. L’évaluation de la situation par un spécialiste repose sur une anamnèse détaillée, des tests intradermiques avec des concentrations croissantes de venin d’abeille et de guêpe, ainsi que des diagnostics d’allergie moléculaire basés sur les composants du venin (Fig. 1).
Les allergènes majeurs recombinants Ves v5 et Ves v1 sont disponibles pour le diagnostic sérologique d’une allergie au venin de guêpe (la sensibilité du test est de 97% lorsque les deux allergènes sont combinés). Pour l’allergie au venin d’abeille, Api m1, m10, m2, m5 et m3 sont disponibles, ce qui donne un taux de détection de 93% pour la détermination des cinq composants du venin d’abeille [8].
Si les tests sont négatifs malgré une anamnèse suggestive, il est recommandé de répéter le test quelques semaines plus tard. En complément, une analyse in vitro, le “test d’activation des basophiles” (BAT), peut être réalisée. Si aucune sensibilisation n’est à nouveau détectée lors du second test, il n’est généralement pas indiqué de procéder à un VIT. Nous déconseillons les tests de provocation diagnostique avec des insectes vivants.
Immunothérapie spécifique des veines (VIT)
La VIT au venin d’abeille et de guêpe est considérée comme le seul traitement causal et très efficace de l’allergie aux venins d’insectes [9]. Chez tous les patients qui, après une piqûre d’abeille ou de guêpe, ont présenté une réaction générale grave impliquant les voies respiratoires et/ou le système circulatoire (degré de gravité III et IV selon H.L. Mueller, Tab. 3) et qui présentent une sensibilisation au venin d’abeille ou de guêpe dans le cadre de l’enquête allergologique, une VIT avec le venin d’insecte correspondant est indiquée. Les autres indications de la VIT (même en cas de réactions légères de grade I et II) sont : l’exposition élevée aux piqûres et les professions à risque spécifiques (apiculteurs, agriculteurs, jardiniers, chauffeurs, couvreurs) ainsi que la mastocytose avérée. Dans le cadre d’un bilan allergologique, d’autres facteurs tels que des maladies cardiaques et/ou pulmonaires concomitantes, des médicaments ainsi qu’une réduction de la qualité de vie due à l’anxiété ou à des attaques de panique doivent être pris en compte lors de la pose de l’indication.
Le VIT se compose de deux phases : Introduction et Traitement d’entretien. L’initiation de la VIT doit être effectuée par des allergologues. La plupart du temps, celle-ci se fait par ultra-rush (hospitalisation de plusieurs heures avec des injections sous-cutanées répétées jusqu’à ce que la dose d’entretien soit atteinte). La dose d’entretien est généralement de 100 mcg du venin correspondant, tant pour les enfants que pour les adultes, et correspond à une ou deux piqûres d’abeille et plusieurs piqûres de guêpe. Chez les apiculteurs, on vise a priori une dose d’entretien de 200 mcg.
Pendant le traitement de continuation, qui peut être pris en charge par le médecin généraliste, la dose d’entretien est administrée par voie sous-cutanée toutes les quatre semaines. A partir de la deuxième année de traitement, l’intervalle entre les injections peut être porté à six semaines si l’évolution est normale. La durée totale de la VIT est généralement de cinq ans, mais un traitement plus long, voire à vie, est recommandé chez les patients présentant des réactions mettant leur vie en danger, une mastocytose systémique ou une tryptase sérique basale nettement élevée, ainsi que chez les patients présentant des comorbidités cardiovasculaires et/ou pulmonaires importantes [10].
Messages Take-Home
- Le risque de réaction allergique après une piqûre d’insecte varie de 0,3 à 8,9%. Les apiculteurs ont un risque d’allergie plus élevé que la population générale, de 14 à 43%. En Suisse, jusqu’à quatre personnes meurent chaque année après avoir été piquées par un insecte.
- Toutes les réactions aux piqûres ne sont pas équivalentes à une allergie. L’évaluation correcte d’une réaction facilite la décision d’un diagnostic plus poussé et d’un éventuel traitement spécifique.
- Tous les patients présentant une réaction générale après une piqûre d’insecte doivent faire l’objet d’une évaluation allergologique en vue d’une immunothérapie spécifique (seul traitement causal efficace).
- En cas d’urgence, l’adrénaline administrée par voie intramusculaire est le traitement de choix (intial 0,3-0,5 mg). Les réactions légères peuvent être traitées avec un antihistaminique. Les corticostéroïdes ne sont pas des médicaments d’urgence de première intention en cas d’anaphylaxie.
- Tous les patients présentant une réaction allergique générale après une piqûre d’insecte doivent avoir sur eux un kit d’urgence (auto-injecteur d’adrénaline 0,3 mg et comprimés d’urgence, par exemple 2× 10 mg de Ceterizin et 2× 50 mg de prednisone). La manipulation de l’auto-injecteur doit être vérifiée régulièrement.
Littérature :
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- Ruëff F, et al : Efficacité clinique de l’immunothérapie par les venins d’hyménoptères : une étude observationnelle prospective multicentrique du groupe d’intérêt de l’Académie européenne d’allergologie et d’immunologie clinique sur l’hypersensibilité aux venins d’insectes. PLoS One 2013 ; 8 : e63233.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2018 ; 13(10) : 18-23
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2019 ; 29(4) : 18-21