Les concepts thérapeutiques pour le traitement des chéloïdes doivent être définis individuellement. Une combinaison de plusieurs modalités thérapeutiques est recommandée. Les résultats visibles du traitement doivent apparaître au bout de trois à six mois, sinon le traitement doit être adapté. Les meilleurs résultats avec une thérapie conservatrice sont obtenus sur des cicatrices encore “actives”. En règle générale, les interventions chirurgicales doivent être effectuées au plus tôt un an après l’apparition des cicatrices, seulement après avoir épuisé les possibilités conservatrices et toujours en combinaison avec une radiothérapie douce.
Les blessures et les inflammations de la peau peuvent s’accompagner de la formation de cicatrices. En raison d’une cause qui n’a pas encore été définitivement élucidée, on observe dans certains cas une formation de cicatrices pathologiques et excessives.
On distingue ici la cicatrice hypertrophique (fig. 1) de la chéloïde (fig. 2). Alors que la cicatrice hypertrophique se limite à la zone de la lésion initiale, la chéloïde s’étend au-delà de la lésion initiale. D’autres critères de diagnostic sont résumés dans le tableau 1 .
Pathogenèse
L’étiologie n’est pas claire. Dans le cadre d’une phase inflammatoire prolongée, la multiplication des fibroblastes et l’augmentation concomitante de la synthèse des protéines de la matrice extracellulaire entraînent une formation excessive de tissu cicatriciel.
Contrairement aux cicatrices hypertrophiques, on sait que les chéloïdes ont une prédisposition génétique. Des modes de transmission autosomiques dominants et autosomiques récessifs ont été décrits. L’incidence des chéloïdes augmente avec la pigmentation de la peau (15 à 20 fois plus élevée chez les Asiatiques et les Africains noirs) et diminue avec l’âge.
Symptômes
Le préjudice esthétique est souvent au premier plan. Les patients se plaignent également souvent de sensibilité au toucher, de douleurs et de démangeaisons atroces. Une limitation fonctionnelle est notamment observée pour les cicatrices au niveau des articulations. En fonction de leur importance et de leur localisation, les cicatrices peuvent être très difficiles à supporter psychologiquement pour le patient.
Diagnostic
Il s’agit le plus souvent d’un diagnostic visuel. Si les résultats cliniques ne sont pas clairs (par exemple, une augmentation du dessin des vaisseaux, des limites floues et des ulcérations), le diagnostic différentiel devrait être un carcinome basocellulaire (Fig. 3), un carcinome épidermoïde ou un dermatofibrosarcome protubérantiel. Dans cette situation, une biopsie doit être effectuée, mais elle peut également déclencher la formation d’une chéloïde.
Prévention
La fermeture sans tension de la plaie en respectant les lignes de l’espace cutané permet de réduire le risque de formation excessive de cicatrices. Il convient d’éviter les états inflammatoires prolongés dus, par exemple, à des contaminants (par exemple, des corps étrangers) ou à des infections de plaies. L’utilisation de fils résorbables, sous- et intracutanés, favorise la formation de cicatrices hypertrophiques. Il convient d’en tenir compte, en particulier pour les opérations du visage. Dans tous les cas, le patient doit être informé de la nécessité d’une protection solaire adéquate postopératoire.
Thérapie
En principe, les cicatrices hypertrophiques et les chéloïdes sont de nature bénigne, bien que ces dernières puissent également être qualifiées de semi-malignes en raison de leur croissance destructrice dans la peau saine. La thérapie est principalement basée sur les besoins (par exemple, l’esthétique), ou les plaintes (par exemple, démangeaisons, douleurs, contractions) du patient. Les concepts thérapeutiques doivent être définis individuellement, en fonction de l’étendue, de la localisation, de l’âge et du type de cicatrice, ainsi que du type de peau du patient. Une thérapie combinée est utile dans la plupart des cas. Les résultats visibles du traitement doivent apparaître au bout de trois à six mois, sinon le traitement doit être adapté. Une documentation photographique est utile pour l’évaluation. De plus, plusieurs échelles sont aujourd’hui disponibles : Vancouver Scar Scale (VSS), Patient Scar Assessment Scale (POSAS) et Visual Analog Scale (VAS). Il s’agit notamment de quantifier la hauteur, la consistance, la pigmentation et les symptômes (démangeaisons/douleurs) de la cicatrice.
Pommades cicatrisantes : l’application de pommades cicatrisantes contenant de l’héparine et/ou de l’extrait d’oignon est une option thérapeutique bien tolérée. Il est postulé que la production de collagène et les processus inflammatoires sont tous deux inhibés par les ingrédients qu’il contient. Le traitement doit être commencé peu de temps après le tirage des fils et être poursuivi pendant plusieurs mois. La pommade doit être massée plusieurs fois par jour pendant quelques minutes, car le massage peut être aussi important que le principe actif proprement dit.
Les pansements en silicone et les pansements compressifs : L’utilisation de pansements en silicone à effet occlusif est possible, en particulier pour les lésions étendues ou après une excision chirurgicale. Ils doivent être portés 12 à 24 heures par jour pendant un à deux ans. Alternativement, un traitement par pression avec des bandages de compression (10-40 mmHg) peut être appliqué toute la journée pendant 6 à 24 mois. En cas de chéloïdes au niveau de l’hélix et du lobe de l’oreille, des clips ou des gabarits épithéliaux peuvent être utilisés (Fig. 4). Ils doivent être utilisés dès que la cicatrisation est terminée. Chez les enfants, la thérapie par compression semble être particulièrement efficace. Ces deux approches thérapeutiques requièrent une grande observance de la part du patient.
Injection intralésionnelle de glucocorticoïdes : pour les lésions de petite taille et hypertrophiques, l’injection intralésionnelle de glucocorticoïdes à des doses initialement croissantes (par exemple, acétonide de triamcinolone [TAC] 10-40 mg/ml, dilué au 1:2 à 1:4 avec du NaCl ou de la lidocaïne) toutes les quatre à six semaines est un traitement approprié. Cette méthode est particulièrement efficace après une cryothérapie (congélation complète des tissus) immédiatement antérieure (fig. 5 et 6A et B). Le glucocorticoïde peut être administré à l’aide d’une seringue Luerlock ou d’un injecteur à pression. Lors de l’administration, il faut savoir que des injections trop superficielles peuvent entraîner une hypopigmentation et la formation de télangiectasies, et que des injections trop profondes dans l’hypoderme peuvent entraîner des atrophies. L’éventualité de la formation d’ampoules à la suite de la glaciation doit être expliquée. Le taux de réponse, en particulier pour les chéloïdes, est de 50 à 100 %. Les meilleurs résultats sont obtenus sur des cicatrices encore “actives”, qui démangent, sont douloureuses et rouges. Si l’on soupçonne la formation d’une chéloïde postopératoire, il est possible d’injecter un glucocorticoïde à titre préventif dès le lendemain de l’opération (initialement 1×/semaine, puis 1×/mois). Il convient toutefois de renoncer à une cryothérapie préalable. L’application topique de glucocorticoïdes n’a aucun effet.
5-fluorouracile et bléomycine : en cas de chéloïdes résistantes au traitement, l’injection intralésionnelle de 5-fluorouracile (50 mg/ml toutes les une à deux semaines) peut être envisagée, éventuellement en combinaison avec des glucocorticoïdes. L’utilisation est off-label. Des prises de sang doivent être effectuées à intervalles réguliers pour exclure les anémies, les leucopénies, les thrombocytopénies et les infections. Un produit alternatif efficace est la bléomycine (1,5 UI/ml, 2 ml/cm2 de peau). Celui-ci est introduit dans la cicatrice à l’aide d’une aiguille après avoir été appliqué.
Imiquimod et interféron : dans la littérature actuelle, l’application topique d’imiquimod et l’application intralésionnelle d’interféron (en combinaison avec des glucocorticoïdes) sont de plus en plus discutées. L’effet de ces deux traitements repose sur une inhibition de la synthèse du collagène médiée par l’interféron. Peu d’études ont démontré l’efficacité de ces substances, mais leur utilisation n’est pas encore recommandée en raison de leur coût élevé.
Excision chirurgicale : si les options de traitement conservateur ne sont pas prometteuses, l’excision chirurgicale peut être envisagée au plus tôt un an après l’apparition de la cicatrice (éventuellement plus tôt en cas de limitations fonctionnelles et esthétiques). Celle-ci doit toujours être associée à un traitement ultérieur, en premier lieu des rayons X mous. Pour les cicatrices hypertrophiques, il est préférable d’attendre, car une régression spontanée est souvent observée. En particulier dans le cas des chéloïdes, le patient doit être informé du risque de récidive postopératoire, éventuellement même accompagné d’une cicatrice plus importante. Outre l’excision de la cicatrice, la décharge de traction de la zone affectée par des plasties en Z/W ou des lambeaux correspondants est une autre possibilité de chirurgie cicatricielle.
L’application du laser : Ces dernières années, l’application du laser s’est imposée comme une alternative à la chirurgie. On distingue les procédés ablatifs (laserCO2, Er:YAG) des procédés non ablatifs (laser à colorant pulsé pompé par lampe flash [FPDL]). Les lasers ablatifs sont particulièrement adaptés au nivellement des cicatrices hypertrophiques inactives. En cas de chéloïdes, la prudence est de mise, en particulier en monothérapie, en raison du risque accru de récidive. Le laser FPD cible les structures vasculaires du tissu cicatriciel, créant ainsi des nécroses. Cela entraîne principalement une réduction de l’érythème. Les traitements doivent être répétés toutes les six semaines environ jusqu’à l’obtention des résultats souhaités.
Rayons X mous : après une chirurgie ou une thérapie au laser, les rayons X mous sont un traitement adjuvant pour la prévention des récidives. La première séance doit avoir lieu, si possible, le jour même de l’opération. Les radiations ionisantes ont un effet antiprolifératif et anti-inflammatoire, et la cicatrisation n’est pas retardée si la dose de radiation est adéquate (dose totale de 9-12 Gy en 6-10 unités tous les un à trois jours).
Littérature complémentaire :
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