En cas de première manifestation, un traitement médicamenteux antipsychotique doit être administré pendant au moins douze mois, puis, après une éventuelle première récidive, de manière continue pendant deux à cinq ans. Après plusieurs récidives, un traitement antipsychotique à vie doit être envisagé, en tenant compte de la motivation des personnes concernées et de leur situation psychosociale. L’article suivant discute en particulier des avantages et des inconvénients de la médication à libération prolongée et souligne l’importance d’une information complète à ce sujet de la part du praticien. En outre, la polypharmacie est examinée d’un œil critique.
Une ligne directrice sur le traitement de la schizophrénie valable pour la Suisse est en cours d’élaboration. Le guide S3 Schizophrénie de la société allemande de psychiatrie DGPPN (Deutsche Gesellschaft für Psychiatrie, Psychotherapie und Nervenheilkunde [1]), qui bénéficie d’un large soutien et qui est en cours d’actualisation, prévoit un traitement spécifique à chaque phase de la schizophrénie. Outre la réduction des symptômes, la prévention des récidives est considérée comme l’objectif essentiel du traitement antipsychotique à long terme ou d’entretien. D’une part, pas moins de 20% des patients ayant connu un premier épisode psychotique ne présentent plus de symptômes psychotiques par la suite, et d’autre part, il n’existe pas de prédicteurs fiables permettant d’estimer quels sont les premiers malades qui feront partie de ces 20%. C’est pourquoi, selon les lignes directrices, “pour la plupart des personnes atteintes de schizophrénie confirmée”, l’administration de médicaments antipsychotiques est indiquée au-delà de la phase aiguë. La ligne directrice précise également que les antipsychotiques doivent être utilisés pour le traitement à long terme (niveau de recommandation A).
En cas de manifestations multiples, une administration orale continue est préférable à une stratégie de traitement intermittent. Après la rémission des symptômes, la dose d’antipsychotique peut être réduite progressivement sur de longues périodes dans le cadre d’un traitement à long terme et ajustée à une dose d’entretien plus faible. En ce qui concerne les dosages, nous renonçons à les détailler dans la suite de ce document pour des raisons de place. Nous vous renvoyons ici aux prescriptions de prise respectives ainsi qu’aux lignes directrices S3 de la DGPPN [1].
Décider de la thérapie : “Prise de décision partagée
La prise de décision partagée, pour laquelle le terme anglais “shared decision making” est souvent utilisé, peut être considérée comme un impératif éthique [2]. Le guide britannique NICE recommande que le choix du médicament soit fait conjointement par le patient et le praticien [3]. Même si la prise de décision commune n’est généralement pas standardisée, il devrait y avoir au moins un échange d’informations dans le cadre d’une discussion libre, ce qui permet ensuite de parvenir à une décision commune fondée. Il faut savoir que les patients et les psychiatres ont une perception très différente du poids réel de la décision, que ce soit du côté du patient ou du côté du praticien [4] : Même si le psychiatre peut avoir l’impression que la décision a été prise en commun, dans de nombreux cas, le patient aura l’impression d’avoir été poussé à prendre la décision.
Observance du traitement
Des études sur l’observance des traitements antipsychotiques ont montré qu’une part importante des médicaments prescrits n’est pas prise. Dans une étude de synthèse, le taux moyen d’observance des antipsychotiques chez les patients atteints de schizophrénie a été évalué à 58%. Il est donc nettement inférieur au taux moyen de 76% pour les maladies somatiques chroniques [5]. Compte tenu du risque élevé de récidive (80% dans les cinq ans), cela semble particulièrement problématique [6]. Parallèlement, il est prouvé qu’un traitement neuroleptique à long terme permet de réduire considérablement le risque de rechute [7]. Une méta-analyse [8] portant sur 65 études et un total de 6493 patients a montré qu’au bout d’un an, il y avait eu significativement moins de rechutes (27%) sous traitement médicamenteux que sous placebo (64%). En ce qui concerne le terme “compliance”, également utilisé ici, il convient de noter que le terme “adhésion” est de plus en plus privilégié. L’OMS définit l'”adhésion” comme la mesure dans laquelle le comportement d’une personne – prise d’un médicament, suivi d’un régime, changements de style de vie – est conforme aux recommandations préalablement convenues d’un prestataire de soins de santé, en soulignant que le consentement du patient aux recommandations est la principale différence de l'”adhésion” par rapport à la simple “observance”. Certains auteurs parlent également de “concordance” pour souligner l’importance de la prise de décision commune concernant les mesures thérapeutiques [9].
Médicaments à libération prolongée
La prise irrégulière d’une médication antipsychotique orale augmente le risque de rechute, une courte pause de un à dix jours dans la prise de médicaments entraînant déjà un doublement du taux de réhospitalisation [10]. La médication à long terme recommandée peut être particulièrement bien assurée par une médication à libération prolongée en ce qui concerne la sécurité de la prise. L’administration à libération prolongée permet d’éviter efficacement l’apparition de pauses dans la médication, le principe actif est libéré de manière fiable sur une plus longue période. En Suisse, en particulier, l’administration de médicaments à libération prolongée continue de jouer un rôle plutôt mineur. Cependant, il existe désormais des préparations parentérales à libération prolongée avec des intervalles d’injection compris entre une et quatre semaines.
La meilleure biodisponibilité des médicaments à libération prolongée (pas d’effet de premier passage) permet de réduire les doses par rapport aux médicaments oraux. De même, des taux plasmatiques plus constants ont généralement entraîné moins d’effets secondaires que ceux observés avec le même principe actif administré par voie orale [11], mais les données à ce sujet ne sont pas homogènes [12, 13]. L’inconvénient possible d’une médication à libération prolongée est la moindre contrôlabilité (les changements de dose ne se font sentir qu’avec un retard considérable, des surdosages dus à l’accumulation peuvent survenir). De même, des douleurs et des réactions cutanées peuvent parfois survenir au point d’injection.
Leucht et al. concluent dans une méta-analyse [14] de dix études menées entre 1975 et 2010 que le traitement par neuroleptiques de dépôt présente un taux de rechute plus faible que le traitement par voie orale.
Dépôts atypiques versus dépôts typiques
Les préparations à libération prolongée d’antipsychotiques atypiques présentent l’avantage, par rapport aux neuroleptiques à libération prolongée typiques, d’un taux plus faible d’effets secondaires extrapyramidaux et probablement aussi d’un risque plus faible de survenue de dyskinésies tardives. Pour le dépôt d’olanza, il convient d’attirer l’attention sur le risque de syndrome post-injection, qui nécessite le respect de mesures de surveillance après l’injection.
Indications de la médication de dépôt et conseils
Le guide de traitement S3 de la schizophrénie considère que l’indication d’un traitement de dépôt est donnée lorsqu’une médication orale régulière ne peut pas être assurée et qu’elle est en même temps nécessaire, par exemple en raison d’un grave danger pour soi-même ou pour autrui. Elle est également indiquée si le patient préfère ce type de médicament. En revanche, de nombreux patients ne sont pas informés par leur médecin de la possibilité de prendre un médicament à libération prolongée [15, 16]. Une enquête auprès des patients a révélé que le pourcentage de patients déclarant une acceptation générale d’un traitement à libération prolongée était nettement plus élevé que le pourcentage de patients ayant accepté un traitement à libération prolongée [17]. On peut donc en conclure que le taux d’utilisation de médicaments en dépôt devrait augmenter, ne serait-ce que par une information appropriée à ce sujet.
Les études actuelles ne permettent pas de déterminer si la prise de médicaments à libération prolongée est généralement plus avantageuse que la prise de médicaments par voie orale en raison d’une meilleure adhérence. Une étude de cohorte récente montre ainsi que, par rapport à la rispéridone orale, non seulement le dépôt de rispéridone, mais aussi la clozapine orale et l’olanzapine orale sont associés à un taux de réhospitalisation significativement plus faible [18].
Polypharmacie/thérapies combinées
Bien que les preuves favorisent les monothérapies, de nombreuses associations de médicaments sont souvent utilisées chez les patients atteints de troubles mentaux chroniques.
Cela est particulièrement vrai pour les patients gravement et longuement malades. Dans un document de consensus, le Collège européen de neuropsychopharmacologie (ECNP) recommande ce qui suit en ce qui concerne les combinaisons d’antipsychotiques :
- Les associations ne doivent être administrées que lorsqu’une monothérapie n’est que partiellement efficace sur le symptôme principal.
- Les associations ne doivent être administrées que si la monothérapie a été efficace pour certains symptômes associés, mais pas pour d’autres, et qu’une médication supplémentaire est donc jugée nécessaire.
- Une combinaison particulière pourrait être indiquée de novo pour certaines indications.
- L’association pourrait améliorer la tolérance si deux préparations peuvent être données en dessous du seuil d’effets secondaires individuel respectif [19].
En particulier dans le cadre d’un traitement à long terme, la polypharmacie semble néanmoins être la règle plutôt que l’exception, bien qu’il n’existe en principe aucune preuve solide d’un régime de traitement polypharmaceutique. Si, dans les conditions susmentionnées, une polypharmacie semble néanmoins indiquée dans un cas particulier, elle doit être effectuée en tenant compte des interactions et des inductions enzymatiques possibles. Pour les éviter, il existe des aides électroniques ainsi que les tableaux éprouvés du Compendium de pharmacothérapie psychiatrique [20].
Effets secondaires et examens de contrôle
Le patient et ses proches doivent être informés des effets secondaires et de leurs symptômes. Cette information doit être bien documentée. Il s’agit notamment des troubles moteurs extrapyramidaux (EPS), des dyskinésies précoces et tardives, du syndrome neuroleptique malin et des modifications cardiaques et métaboliques telles que la prise de poids induite par les antipsychotiques, le diabète et les troubles du métabolisme lipidique. Cette information doit bien entendu être bien documentée. Il convient également d’essayer d’identifier d’emblée les patients à risque de développer un diabète de type II et une diminution de la tolérance au glucose : Les facteurs de risque sont des antécédents familiaux positifs de diabète sucré, un âge avancé, une obésité abdominale, certaines origines ethniques, une activité physique réduite, certaines habitudes alimentaires et des troubles lipidiques préexistants [1]. La ligne directrice S3 recommande des examens de contrôle réguliers (tableau 1).
PD Dr. med. Wolfram Kawohl
Littérature :
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