La rhinosinusite chronique avec polypose nasale (CRSwNP), en particulier, est souvent associée à une grande souffrance et des stratégies thérapeutiques personnalisées sont nécessaires. Grâce à une meilleure compréhension de la genèse immunologique et inflammatoire des polypes nasaux, il est désormais possible non seulement de les enlever chirurgicalement, mais aussi d’intervenir directement dans les processus inflammatoires sur la base d’une endotypisation. Dans ce contexte, les produits biologiques jouent un rôle de plus en plus important pour les cas graves de CRSwNP.
Lorsqu’une inflammation des sinus dure plus de 12 semaines sans que les symptômes ne disparaissent complètement, on parle de rhinosinusite chronique (CRS). Philippe Gevaert (MD, PhD), Département d’oto-rhino-laryngologie, Université de Gand (Belgique) [1,8]. L’orateur a indiqué que certains indicateurs phénotypiques permettaient de limiter la probabilité qu’il s’agisse d’un SRC avec ou sans polypes nasaux**. Alors que le CRS sans polypes nasaux (CRSsNP) est souvent associé à des maux de tête, une pression/douleur faciale, une obstruction nasale (“nez bouché”), un écoulement post-nasal (surproduction de mucus sur la muqueuse nasale) et parfois un trouble de l’odorat, les patients atteints de polypose nasale (CRSwNP) sont caractérisés par une obstruction nasale et une perte totale de l’odorat, tandis que les maux de tête et les douleurs faciales sont rares. Cependant, étant donné que le SRC peut être associé à d’autres pathologies pneumologiques, comme l’asthme, le phénotypage seul n’est pas suffisant pour élucider la physiopathologie et d’autres examens sont nécessaires. C’est là qu’intervient l’endotypage des échantillons de tissus, dont on sait aujourd’hui, grâce aux résultats d’études, qu’il permet d’obtenir des informations pertinentes pour le traitement [1].
** Les polypes nasaux (polyposis nasi) correspondent au tableau clinique typique d’une hyperplasie oedémateuse de la muqueuse, due à une inflammation chronique de la muqueuse sino-nasale.
La rhinosinusite chronique se caractérise par un épaississement de la muqueuse et du tissu conjonctif vasculaire dû à une transformation fibrotique de la paroi latérale du nez, ce qui peut entraîner un rétrécissement du passage de l’air vers l’épithélium sensoriel olfactif dans le toit du nez. On distingue la rhinosinusite chronique avec ou sans polypes nasaux (CRSwNP ou CRSsNP). Au niveau physiopathologique, on peut distinguer les réactions immunitaires de type 1, de type 2 et de type 3, avec parfois des chevauchements. La comorbidité la plus fréquente chez les patients atteints de CRSwNP est l’asthme bronchique. La mesure des taux sériques d’IgE est utile pour choisir le traitement biologique approprié. |
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Sur la piste des biomarqueurs inflammatoires
Dans un premier temps, on est arrivé à la conclusion que les marqueurs inflammatoires de type 1 dominent dans le CRSsNP, alors que dans le CRSwNP, c’est l’inflammation entretenue par les cellules Th2 et les granulocytes éosinophiles qui prédomine (inflammation de type 2) [1]. Les résultats des études suivantes ont montré que l’endotypage ne se limite pas à cela, mais qu’il peut être encore plus différencié. Tomassen et al. ont décrit différents endotypes dans une publication de 2016 basée sur l’analyse des biomarqueurs inflammatoires dans les tissus du SRC, l’endotypage étant réalisé sans distinction préalable entre CRSsNP et CRSwNP par clustering des paramètres inflammatoires [2]. Des concentrations élevées d’IL-5, d’IgE, d’albumine et d’ECP (protéine cationique éosinophile) ont été détectées dans six clusters. Les clusters positifs d’IL-5 étaient majoritairement associés à un CRSwNP et souvent à de l’asthme, tandis que les clusters négatifs d’IL-5 étaient majoritairement associés à un CRSsNP et peu d’asthme.
Preuves issues de grandes études internationales
Une analyse des données collectées dans le cadre d’études cliniques menées dans différents centres internationaux (Berlin, Benelux, Australie, Chine, Japon) a fourni des informations supplémentaires intéressantes qui pourraient être utiles pour le développement de traitements efficaces [3]. Il était particulièrement intéressant de constater que plus la prévalence était élevée dans les villes, plus les polypes associés aux schémas de réaction de type 2 étaient fréquents, et ce indépendamment de la situation géographique. En outre, il s’est avéré qu’en Europe, le SRC est souvent une maladie de type 2 et qu’il est trop réducteur de classer les CRSsNP dans la catégorie des inflammations de type 2 et les CRSwNP dans celle des inflammations de type 1. Ceci est important dans la mesure où il est nécessaire de savoir quel type d’inflammation est présent lors d’un traitement avec des produits biologiques.
Dans une étude menée à l’université de Gand, 47 patients atteints de CRSwNP ont été suivis sur une période de 12 ans à partir de l’année 2000. Il s’est avéré que 21% d’entre eux pouvaient être guéris par la chirurgie. Bien que 80% des patients aient vu leur maladie réapparaître, cela n’a pas été problématique pour toutes les personnes concernées. 37% ont besoin d’une révision chirurgicale ; ces patients présentaient souvent une souffrance importante. Chez certains, les sinus étaient toujours en bon état six ans après l’opération, mais les polypes sont réapparus après une infection, ce qui indique que certains patients sont vulnérables à ce type de pathologie. Il peut y avoir des interventions de révision précoces et tardives, une opération de révision étant plus susceptible d’être nécessaire chez les personnes présentant une sensibilité particulière à l’aspirine, des allergies, un taux d’IgE élevé (100 kU/l$ d’IgE de plus que la normale dans les tissus). Ainsi, un taux d’IgE d’au moins 100 kU/l indique la nécessité d’une révision chirurgicale à une date ultérieure [4].
$ kU=Kilo-Units
Une approche pratique consisterait donc à effectuer un endotypage dans les cliniques. Mais cela n’est guère possible actuellement, car une mesure standard des concentrations d’IL5 et d’IgE n’est pas établie dans la pratique clinique quotidienne. Cependant, dans l’étude en question, les chercheurs de l’Université de Gand ont pu prédire ce que serait l’état 12 ans plus tard en analysant les sécrétions nasales (concentrations d’IL-5 et d’IgE, cette dernière étant plus significative) en 2000, ce qui montre que cette approche est plausible.
Ces dernières années, les produits biologiques ciblant les composants de la cascade inflammatoire de type 2 associée au SRC ont gagné en importance : les anticorps monoclonaux (Ak) contre l’interleukine (IL) 5, l’IL 4 et l’IL13. L’IL-5 est un médiateur clé de l’inflammation éosinophile dans de nombreuses maladies inflammatoires des voies respiratoires. Sur une période de 52 semaines, le mépolizumab a réussi à réduire le nombre de polypes nasaux chez les CRSwNP [5] ; les résultats du traitement de 40 semaines par le benralizumab ont été moins convaincants [6], à l’exception des sous-groupes souffrant d’asthme et d’éosinophilie élevée.
Le dupilumab (anti-IL4/13 Ak) s’est révélé efficace chez tous les patients qui l’ont reçu pendant 52 semaines, les études correspondantes portant sur des patients spécifiquement sélectionnés [7].
Mettre en œuvre des approches translationnelles dans la pratique clinique quotidienne
Le système de scoring JESREC est une méthode rigoureuse de mesure des caractéristiques de la maladie chez un patient donné, sur la base de laquelle des propositions de traitement peuvent être élaborées, avec des résultats différents en fonction de la gravité de la maladie. En Europe, il existe un système plus indirect, EUFOREA, qui permet de déterminer si un patient est atteint ou non d’une SRC avec une inflammation de type 2 ; si des polypes sont présents, il s’agit presque toujours d’un type 2.
Le professeur Gevaert a expliqué que l’examen des tissus nasaux est l’étalon-or pour la prise en charge du SRC. Alternativement, le prélèvement de sécrétions nasales peut être envisagé, bien que ces options ne soient pas actuellement disponibles commercialement sur le marché. Actuellement, l’approche suivante, basée sur des critères, constitue donc la base de la pratique clinique quotidienne : mesure des éosinophiles dans le sang ; asthme vs. absence d’asthme ; polypes vs. absence de polypes et, pour les cliniciens sans endoscope, perte d’odorat vs. absence de perte d’odorat.
Chez les patients traités par des médicaments biologiques, il y a des personnes qui combinent des réactions de type 1, 2 et 3 (Fig. 1) , tant chez les répondeurs que chez les non-répondeurs. Ces patients sont les plus difficiles à traiter : sans évaluation détaillée, l’approche adéquate peut rester un jeu de devinettes.
En ce qui concerne le suivi postopératoire, une cure de 8 semaines de doxycycline améliore la cicatrisation et régule à la fois l’inflammation des éosinophiles et des neutrophiles, en particulier chez les patients de type 2. La doxycycline est peu coûteuse et s’est avérée être une mesure thérapeutique de soutien efficace, en particulier pour cette population de patients atteints de SRC.
Littérature :
- Van Zele T, et al.: Differentiation of chronic sinus diseases by measurement of inflammatory mediators. Allergy 2006; 61(11): 1280–1289.
- Tomassen P, et al.: Inflammatory endotypes of chronic rhinosinusitis based on cluster analysis of biomarkers. J Allergy Clin Immunol 2016; 137(5): 1449–1456.e4.
- Wang X, et al.: Diversity of TH cytokine profiles in patients with chronic rhinosinusitis: A multicenter study in Europe, Asia, and Oceania. J Allergy Clin Immunol 2016; 138(5): 1344–1353.
- Calus L, et al.: Twelve-year follow-up study after endoscopic sinus surgery in patients with chronic rhinosinusitis with nasal polyposis. Clin Transl Allergy 2019; 9: 30.
- Han JK, et al.; SYNAPSE study investigators. Mepolizumab for chronic rhinosinusitis with nasal polyps (SYNAPSE): a randomised, double-blind, placebo-controlled, phase 3 trial. Lancet Respir Med 2021; 9(10): 1141–1153.
- Bachert C, et al.: Efficacy and safety of benralizumab in chronic rhinosinusitis with nasal polyps: A randomized, placebo-controlled trial. J Allergy Clin Immunol 2022; 149(4): 1309–1317.e12.
- Mullol J, et al.: Olfactory Outcomes With Dupilumab in Chronic Rhinosinusitis With Nasal Polyps. J Allergy Clin Immunol Pract 2022; 10(4): 1086–1095.e5.
- «Endotyping chronic rhinosinusitis for a better treatment approach», Prof. Dr. Philippe Gevaert (MD, PhD), EEACI Annual Meeting, 09.–11.06.2023.
- Cao PP, et al.: Pathophysiologic mechanisms of chronic rhinosinusitis and their roles in emerging disease endotypes. Ann Allergy Asthma Immunol 2019; 122(1): 33–40.
- Fokkens WJ, et al.: European Position Paper on Rhinosinusitis and Nasal Polyps 2020. Rhinology. 2020; 58(Suppl S29): 1–464, www.rhinologyjournal.com, (dernière consultation 11.09.2023).
HAUSARZT PRAXIS 2023; 18(9): 27–28