A partir de cinq ans, l’énurésie diurne est considérée comme de l’incontinence. Le traitement est de préférence multimodal. Dans certains cas, il convient d’orienter le patient vers une clinique pédiatrique spécialisée.
La vessie, en tant que système à basse pression, est responsable du stockage et de l’évacuation coordonnée de l’urine. Le contrôle volontaire de la vessie et la régulation de la miction nécessitent une interaction complexe entre les voies autonomes et somatiques reliées à de multiples centres dans le cerveau et la moelle épinière. Chez l’enfant, contrairement à l’adulte, certains processus sont soumis à la maturation et la question se pose de savoir à partir de quand une incontinence chez l’enfant est considérée comme pathologique et doit faire l’objet d’un examen plus approfondi. Les enfants atteignent l’incontinence urinaire diurne en moyenne à l’âge de 3,5 ans, les filles un peu plus tôt que les garçons. A six ans, presque tous les enfants sont continentaux. Il y a généralement un intervalle d’environ quatre mois entre l’obtention de la continence de jour et de nuit [1,2].
Définition de l’incontinence
Selon l’ICCS (International Children’s Continence Society), on parle d’incontinence diurne pour un enfant de plus de cinq ans. L’incontinence est une perte involontaire d’urine, intermittente ou continue, survenant plus d’une fois par mois ou trois fois en trois mois. On distingue l’incontinence diurne (le terme d’énurésie diurne ne devrait plus être utilisé) et l’incontinence nocturne, l’énurésie nocturne (Fig. 1) [3]. L’incontinence diurne a une incidence pouvant atteindre 6,3% [4]. Des troubles du comportement, y compris le syndrome d’hyperactivité avec déficit de l’attention, le comportement de défi et les troubles anxieux peuvent être constatés dans jusqu’à 30% des cas [3].
Genèse
L’interaction entre le détrusor et le sphincter est soumise à un processus de développement. L’origine de l’hyperactivité vésicale est controversée. Plusieurs études indiquent qu’il s’agit d’un trouble de l’inhibition corticale du détrusor et non d’une immaturité [5].
Clarification
Pour évaluer les troubles mictionnels, il est nécessaire de procéder à une anamnèse mictionnelle précise et d’interroger les patients sur les troubles de la miction et de la vidange (tableau 1). Un protocole de miction sur deux ou trois jours, avec notation des phases d’énurésie, fournit des informations supplémentaires utiles. L’anamnèse familiale concernant l’énurésie nocturne, les maladies musculaires et neurologiques ne doit pas être omise. Un état physique, y compris un état génital, ainsi qu’un état neurologique complètent l’examen clinique. Une échographie des reins et des voies urinaires pour exclure une pathologie doit être réalisée, ainsi qu’une urodébitmétrie avec dérivation EMG et détermination de l’urine résiduelle. L’urodébitmétrie est une excellente méthode de dépistage des dysfonctionnements des voies urinaires inférieures (Fig. 2). Une analyse d’urine avec statut urinaire, poids spécifique et, en cas de question spécifique, une culture d’urine doivent être demandées. Il est extrêmement important d’évoquer la constipation, car elle a une influence négative sur la situation vésicale. Les examens invasifs tels que le cystogramme mictionnel, la cystoscopie et l’examen urodynamique ne sont réalisés que sur indication spécifique.
Diagnostics
En cas d’incontinence, il faut penser à une cause organique (doubles reins chez les filles avec uretères débouchant dans le vestibule ectopique, valves urétrales postérieures chez les garçons, cordelette), ce qui nécessite un bilan plus poussé dans une clinique pédiatrique spécialisée. Les troubles fonctionnels de la miction avec incontinence diurne et/ou nocturne concernent le stockage, la vidange, voire les deux à la fois. Sur la base de l’anamnèse et des examens effectués, il est généralement possible de bien déterminer le trouble mictionnel et de le soumettre au traitement approprié. L’hyperactivité vésicale se traduit par une symptomatologie primaire d’incontinence diurne, voire nocturne, une augmentation de la fréquence des mictions et l’émission de petites portions d’urine. Les manœuvres de maintien telles que la compression des jambes et l’assise sur les talons sont utilisées plus fréquemment. Le report de miction entraîne des mictions peu fréquentes et l’évacuation de grandes portions d’urine. Au cours de l’évolution, une vessie peu active peut apparaître avec une miction par pression, la formation d’urine résiduelle et des infections urinaires récurrentes (Fig. 3).
La miction dysfonctionnelle se caractérise par un trouble de l’évacuation. Pendant la miction, le plancher pelvien ne se relâche pas ou ne se contracte pas, ce qui est mis en évidence par l’urodébitmétrie avec dérivation EMG. Il en résulte une “miction staccato” (Fig. 4) avec formation d’urine résiduelle et infections urinaires récurrentes. Le reflux vaginal chez les filles entraîne une incontinence diurne due à l’écoulement goutte à goutte de l’urine après la miction. En modifiant la position assise (par exemple, en utilisant les toilettes à califourchon), en appuyant les jambes sur un tabouret ou en nettoyant les parties génitales en exerçant une légère pression sur le périnée, il est possible de lutter contre le goutte-à-goutte. L’incontinence d’effort est extrêmement rare chez les enfants. Les enfants atteints de fibrose kystique doivent être soumis à une physiothérapie pelvienne protectrice. L'”incontinence par gigue” est une vidange complète de la vessie pendant un fou rire. Plus l’enfant est jeune, plus les symptômes sont prononcés. La genèse n’est pas totalement élucidée [6]. La kinésithérapie du plancher pelvien a fait ses preuves dans le traitement.
Le syndrome “daytime only urinary frequency” se manifeste par une urge sans incontinence. Les enfants se rendent jusqu’à 30 fois par jour aux toilettes, mais dorment toute la nuit. Les symptômes apparaissent soudainement sans cause apparente et disparaissent spontanément en six à douze mois. Aucune situation de stress n’est rencontrée. Les antimuscariniques ont peu d’effet [7].
En présence d’une constipation, il est recommandé de la traiter en premier lieu. Souvent, cela améliore l’incontinence pendant la journée. Les antimuscariniques doivent être utilisés avec prudence, car ils peuvent aggraver la constipation. Si l’incontinence se produit pendant la journée avec une coprésis de débordement, on parle de dysfonctionnement vésico-intestinal [3].
Thérapie
L’entraînement de la vessie consiste à aller aux toilettes à heures fixes toutes les deux ou trois heures, les jambes appuyées sur un tabouret, même si les enfants ne ressentent pas le besoin d’uriner. Au quotidien, l’utilisation des toilettes aux heures des repas s’est avérée efficace : Le matin/le “goûter”/le déjeuner/le “goûter”/le dîner et avant d’aller se coucher.
En Suisse, le seul antimuscarinique autorisé chez les enfants est l’oxybutynine (0,5 mg/kgKG répartis en deux ou trois doses par jour). En raison du passage des produits de dégradation dans le LCR, il faut s’attendre à des effets secondaires centraux (augmentation de l’agressivité et/ou troubles de la concentration). Il est conseillé d’utiliser le médicament de façon progressive et de faire une tentative d’arrêt tous les quatre mois. La neuromodulation transcutanée sur le dermatome S3 à l’aide d’un appareil TENS avec des fréquences spécialement déposées offre une bonne alternative au traitement antimuscarinique avec un taux de réussite pouvant atteindre 70% [8]. La kinésithérapie du plancher pelvien ou la thérapie par biofeedback en cas de miction dysfonctionnelle doit être effectuée par des kinésithérapeutes pédiatriques spécialement formés. Les enfants apprennent à détendre leur plancher pelvien pendant la miction. L’utilisation de différentes modalités de traitement améliore les chances de succès [9]. Le tableau 2 résume les valeurs normales ainsi que les troubles mictionnels les plus fréquents avec les symptômes et les options de traitement.
Incontinence nocturne, énurésie nocturne
On distingue l’énurésie nocturne primaire et l’énurésie nocturne secondaire. Si l’enfant a été continental la nuit pendant six mois ou plus et recommence à faire pipi, on parle d’énurésie nocturne secondaire. L’énurésie nocturne primaire est divisée en une forme monosymptomatique et une forme non monosymptomatique. On entend par énurésie nocturne monosymptomatique uniquement l’énurésie nocturne sans présence d’autres troubles mictionnels pendant la journée, sinon on parle d’énurésie nocturne non monosymptomatique. Environ 10% des enfants de 7 ans sont touchés, les adultes sont encore touchés à 1% [3,10].
Genèse
Plusieurs mécanismes jouent un rôle étiologique : une augmentation de la production d’urine la nuit (>130% de la capacité calculée de la vessie), une hyperactivité nocturne du détrusor et un développement retardé de la capacité de réveil. Environ 30% des cas d’énurésie nocturne sont sporadiques, tandis qu’environ 50% ont une transmission autosomique dominante [10].
Clarification
Comme pour l’incontinence diurne, il est recommandé d’effectuer un bilan complet de l’énurésie nocturne, y compris un protocole de miction et une analyse d’urine avec détermination du poids spécifique dans l’urine à jeun, qui doit être supérieur à 1015. Le diagnostic différentiel d’une énurésie nocturne doit exclure les maladies organiques telles que le diabète sucré, le diabète insipide ou les uropathies.
En cas d’apparition d’une énurésie nocturne secondaire, il faut penser à une situation de stress psychologique ou à l’apparition simultanée d’un trouble mictionnel qui influence négativement la situation pendant la nuit.
Thérapie
Sur le plan thérapeutique, la desmopressine et l’appareil de réveil sont disponibles.
La desmopressine montre une bonne efficacité en cas de polyurie nocturne. Toutefois, si la priorité est de réduire la capacité fonctionnelle de la vessie, il est recommandé d’utiliser l’appareil de réveil. Outre le conditionnement, il entraîne une augmentation de la capacité de la vessie pendant la journée [11].
Messages Take-Home
- L’énurésie diurne est considérée comme une incontinence à partir de l’âge de cinq ans.
- La constipation doit être traitée en premier lieu.
- Le traitement multimodal de l’incontinence améliore les chances de succès.
- Des troubles du comportement apparaissent dans jusqu’à 30% des cas, et des situations de stress psychologique sont à rechercher dans le cas d’une énurésie nocturne monosymptomatique secondaire.
- En cas d’incontinence continue et/ou d’infections urinaires récurrentes et/ou de formation massive d’urine résiduelle, il convient d’adresser le patient à une clinique pédiatrique spécialisée.
Littérature :
- Largo RH, Gianciaruso M, Prader A : Le développement du contrôle intestinal et vésical de la naissance à l’âge de 18 ans. Schweiz Med Wochenschr 1978 ; 108(5) : 155-160.
- Jansson UB, et al. : Modèle de vessie et acquisition du contrôle de la vessie de la naissance à l’âge de 6 ans – une étude longitudinale. J Urol 2005 ; 174 : 289-293.
- Austin PF, et al : La standardisation de la terminologie de la fonction du tractus urinaire inférieur chez les enfants et les adolescents : Rapport de mise à jour du Comité de standardisation de la Société internationale de continence infantile. J Urol 2014 ; 191(6) : 1863-1865.e13.
- Swithinbank LV, et al : L’histoire naturelle de l’incontinence urinaire diurne chez les enfants : une large cohorte britannique. Acta Paediatrica 2010 ; 99 : 1031-1036.
- Sillen U : Fonctionnement de la vessie chez les nouveau-nés en bonne santé et son développement pendant l’enfance. J Urol 2001 ; 166 : 2376-2381.
- Logan BL, Blais S : Giggle incontinence : Evolution du concept et du traitement. J Pédiatrique Urol 2017 Oct ; 13(5) : 430-435.
- Bergmann M, et al : Fréquence urinaire diurne exceptionnelle chez l’enfant – une série de cas et une revue systématique de la littérature. Pediatr Nephrol 2009 ; 24 : 789-795.
- Lordêlo P, et al : Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation in Children With Overactive Bladder : A Randomized Clinical Trial. J Urol 2010 ; 184 : 683-689.
- Thom M, et al : Management of lower urinary tract dysfunction : A stepwise approach. Journal of Pediatric Urology 2012 ; 8 : 20-24.
- von Gontard A, Heron J, Joinson C : Histoire familiale de l’énurésie nocturne et de l’incontinence urinaire : Résultats d’une vaste étude épidémiologique. J Urol 2011 ; 185 : 2303-2306.
- Hivistendahl GM, et al : The Effect of Alarm Treatment on the Functional Bladder Capacity in Children with Monosymptomatic Nocturnal Enuresis. J Urol 2004 ; 171 : 2611-2614.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2018 ; 13(5) : 11-14