Le burnout a été conceptualisé par des psychologues du travail et comprend, dans une approche syndromique, trois dimensions : l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation/le cynisme et la diminution de l’évaluation subjective des performances, qui s’accompagne d’une perte de confiance en ses propres capacités professionnelles. La cause supposée est un déséquilibre chronique entre les exigences du travail et les ressources personnelles, ce qui peut conduire à un épuisement physique et mental. En raison de symptômes similaires et/ou se chevauchant entre le burnout et la dépression, mais aussi les troubles du sommeil et de l’anxiété, le diagnostic différentiel peut être difficile à établir dans un premier temps. Une thérapie du burnout devrait alors s’orienter individuellement sur les causes généralement multifactorielles et tenir compte du degré de gravité des symptômes.
Le terme “burnout” a été inventé pour la première fois en 1974 par le psychanalyste new-yorkais H.J. Freudenberg [1]. Il a décrit un processus qu’il a observé chez les bénévoles des organisations d’intervention de crise. Dans ce contexte, des états d’épuisement psychique et physique sont apparus après des périodes prolongées de charge professionnelle accrue, accompagnés d’irritabilité et de cynisme envers leurs clients et d’un sentiment d'”épuisement”.
Conceptualisation du burnout
La conceptualisation du burnout est due aux psychologues du travail Christina Maslach et Susan Jackson [2] et comprend les trois dimensions suivantes dans le cadre d’une approche syndromique :
- Épuisement émotionnel associé à l’expérience d’un manque de force émotionnelle et physique.
- Dépersonnalisation/cynisme dans le sens d’une réaction émoussée et en partie insensible aux clients.
- Diminution de l’évaluation subjective des performances, qui s’accompagne d’un sentiment lancinant d’échec professionnel et d’une perte de confiance en ses propres capacités.
Maslach et ses collaborateurs ont développé un outil d’évaluation du burnout aujourd’hui largement utilisé, le “Maslach Burnout Inventory” (MBI).
Phases du burnout
Le burnout est compris et décrit [3] comme un processus qui se développe dans des conditions de stress chronique au travail et au cours de phases caractéristiques.
Phase 1 : Engagement accru dans les objectifs de travail, heures supplémentaires avec renoncement au repos et survalorisation de la profession dans le cadre du concept de vie.
Phase 2 : Après l’augmentation initiale de la motivation, une phase d’épuisement, d’attitude négative vis-à-vis du travail (sentiment d’être exploité ; manque de reconnaissance et réticence à travailler) et de repli sur soi qui peut s’étendre à la vie sociale.
Phase 3 : en outre, réactions émotionnelles avec irritabilité, impatience, amertume, blâme et abandon d’objectifs de vie auparavant importants.
Phase 4 : L’organisation du travail, la capacité de réflexion ainsi que la motivation et la flexibilité sont limitées et réduisent réellement la performance au travail.
Phase 5 : Si l’exposition au stress se poursuit sans que des mesures correctives soient prises, des troubles psychosomatiques (tensions, douleurs, troubles du sommeil, problèmes cardiovasculaires, etc. La capacité à se détendre et à réclamer du repos pendant les loisirs diminue. L’abus de substances pour se soulager et tenter d’améliorer ses performances peut se produire.
Phase 6 : Apparition d’une dépression clinique pouvant aller jusqu’au suicide.
Le concept syndromique de psychologie du travail du burnout ne constitue pas un diagnostic médical et n’est donc pas pris en compte dans les systèmes nosologiques de la CIM-10 ou du DSM-IV.
Étiologie du burnout
Le burnout est un déséquilibre chronique entre les exigences du travail et les ressources personnelles. Les facteurs sociaux et psychologiques organisationnels ainsi que le niveau de stress au travail jouent un rôle important.
Du côté de l’individu concerné, des traits de personnalité tels que des exigences trop élevées, le perfectionnisme, un besoin d’aide exagéré ou des attentes de carrière excessives, ainsi que, le cas échéant, des valeurs de névrosisme élevées, une tendance à se sentir coupable et une faible estime de soi jouent un rôle [4]. De plus, les travailleurs qui n’ont pas de liens sociaux solides ont un risque accru de souffrir d’épuisement professionnel. Les facteurs de risque sur le lieu de travail sont un faible soutien de la part des collègues de travail ainsi qu’une faible possibilité d’organiser son propre travail (“low job control”) en même temps que des exigences élevées (“high demand”) [4].
En outre, des stratégies d’adaptation favorables et défavorables ont été identifiées. Les stratégies d’adaptation défavorables visent plutôt un soulagement à court terme, mais maintiennent, voire renforcent, la situation de stress à long terme (abus de substances, retrait social, comportement d’évitement, fuite, apitoiement sur soi, résignation). Les stratégies d’adaptation protectrices sont l’élimination proactive des sources de stress, les auto-instructions positives, la capacité à minimiser, l’autorégulation et l’humour.
Effets physiques du burnout
L’exposition chronique au stress peut avoir un impact sur la condition physique des personnes concernées. Le stress jouant un rôle important dans la physiopathologie du burnout, quelques études ont été menées sur la régulation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA), mais les résultats sont encore incohérents [5]. Il a ainsi été démontré que le simple fait d’anticiper le stress avant une journée de travail modifie la réponse au cortisol tôt le matin. Il est supposé [5] que le stress chronique entraîne d’abord une hyperactivité de l’axe HPA, qui se transforme ensuite en hypofonctionnement après épuisement de la capacité de réserve adaptative, ce qui est en corrélation avec le burnout.
Sommeil en cas de burnout
Les troubles du sommeil sont un symptôme courant du burnout. Ils apparaissent également indépendamment d’une dépression comorbide et entretiennent le cercle vicieux de l’épuisement et du repos insuffisant. Les troubles du sommeil constituent un facteur de risque supplémentaire pour le développement d’une dépression et entraînent également une modification de la régulation de l’axe HPA.
Burnout et dépression
Le diagnostic différentiel entre le burnout et la dépression, mais aussi les troubles du sommeil et de l’anxiété, peut être difficile à établir dans un premier temps en raison de la similitude et/ou du chevauchement des symptômes. En outre, selon une étude transversale finlandaise, plus le burnout est grave, plus la probabilité de dépression augmente jusqu’à 50% [6]. Une méta-analyse portant sur 12 études a montré que la dépression et l’épuisement émotionnel se chevauchent. En fin de compte, la dépression et le burnout sont toutefois considérés comme deux phénomènes distincts ayant des caractéristiques communes [7] et reposant sur des concepts différents (tableau 1). Le burnout est considéré comme étant lié de manière causale à un stress (professionnel) chronique et ne répond à aucun critère de diagnostic médical existant. Les maladies dépressives sont des maladies mentales médicalement définies qui ne peuvent pas être réduites à l’activité professionnelle [4]. La probabilité de symptômes dépressifs augmente avec la gravité du burnout et peut aboutir à une dépression complète.
Thérapie
Le traitement de l’épuisement professionnel est indiqué lorsqu’il existe une souffrance subjective importante et/ou un impact significatif sur des domaines importants de la vie. Une thérapie du burnout devrait alors s’orienter individuellement vers les causes généralement multifactorielles et tenir compte des besoins spécifiques du patient ainsi que de la gravité des symptômes [7]. Une thérapie par la parole devrait toujours être proposée et des espaces de détente devraient être créés par des exercices de relaxation, des thérapies créatives ou des thérapies sportives [8]. L’établissement d’un équilibre entre l’effort et la récompense est l’objectif premier des procédures psychothérapeutiques. En cas de symptômes graves, une psychopharmacothérapie est également indiquée.
Les interventions liées à l’organisation sont également importantes, même si elles sont parfois difficiles : L’optimisation des processus de travail, le coaching, le feed-back positif de la part des supérieurs et des collaborateurs et l’adaptation de la répartition du travail, par exemple en cas de travail posté. Un entraînement cognitivo-comportemental et une formation professionnelle auprès de professionnels qualifiés sont utiles [9].
Dans les formes modérées à sévères de burnout avec tendance suicidaire, le patient doit être adressé à un psychiatre. En cas d’évolution difficile du traitement, une consultation auprès d’un spécialiste peut également s’imposer.
Traitement tenant compte de la gravité
Les troubles du sommeil sont déjà présents dans le burnout d’intensité légère – avant même une composante dépressive ou anxieuse importante. Leur résolution constitue souvent la première étape du traitement. Outre l’optimisation de l’hygiène du sommeil, cela implique une adaptation du mode de vie avec une activité physique modérée (marche, natation, vélo, relaxation musculaire progressive) et une alimentation saine. Si nécessaire, des produits phytothérapeutiques (par exemple, des préparations à base de valériane et de houblon) ou, en cas de troubles du sommeil prononcés, des hypnotiques de type agonistes des récepteurs des benzodiazépines peuvent être utilisés à court terme. Si les troubles nécessitent un traitement médicamenteux prolongé, il convient de recourir à des antidépresseurs favorisant et normalisant le sommeil.
En cas d’épuisement professionnel accompagné d’une symptomatologie dépressive ou anxieuse significative, l’utilisation d’antidépresseurs devrait être associée à une intervention psychothérapeutique [4]. La thérapie peut être basée sur les recommandations de traitement de la dépression ou des troubles anxieux. (Tab. 2: antidépresseurs) [10, 11]. Il est apparu qu’un réseau social favorable composé d’amis et de membres de la famille avait certes un effet positif sur la santé, mais que son ampleur était limitée. La mesure la plus efficace pour prévenir le burnout et éviter les rechutes est le soutien social sur le lieu de travail lui-même, le soutien des collègues de travail et la compréhension de la part des supérieurs [12], raison pour laquelle des interventions ciblées, éventuellement accompagnées d’entretiens avec l’employeur, et un coaching peuvent s’avérer utiles.
Dr. méd. Johannes Beck
Prof. Dr. med. Edith Holsboer-Trachsler