Lors du congrès annuel des sociétés allemande, autrichienne et suisse d’hématologie et d’oncologie médicale (DGHO) à Bâle, différentes mesures de soutien ont été passées au crible lors d’un symposium. Une activité physique accrue pendant la chimiothérapie améliore non seulement la qualité de vie, mais peut même influencer favorablement l’évolution de la maladie. En revanche, les transfusions sanguines sont de plus en plus souvent gérées selon la devise “Moins, c’est plus”.
L’activité physique et le sport sont bénéfiques pour la santé de nombreuses manières. Mais est-ce également le cas pour les patients atteints de cancer ? Dans le passé, on conseillait aux personnes atteintes de cancer de se reposer et de se ressourcer plutôt que de faire de l’exercice physique. Or, des études récentes montrent que le sport pendant le traitement du cancer non seulement renforce le bien-être psychique et physique, mais peut aussi avoir un effet positif sur l’évolution du traitement. Le Dr Florian Strasser, de l’Hôpital cantonal de Saint-Gall, a présenté quelques études et a formulé les conséquences pour la pratique quotidienne.
L’entraînement physique : un nouveau “médicament” dans le traitement adjuvant ?
Dans l’étude canadienne START, quelque 250 patientes atteintes d’un cancer du sein ont été randomisées en trois groupes : Le groupe 1 s’est soumis à un entraînement aérobie pendant la chimiothérapie, le groupe 2 à un entraînement musculaire et le groupe 3 était le groupe de contrôle sans activité sportive supplémentaire. Lors du suivi à huit ans, 82,7% des patientes des groupes d’entraînement n’avaient pas de maladie, contre 75,6% dans le groupe 3 [1]. L’entraînement a montré un effet plus important, entre autres, chez les femmes en surpoids, chez les femmes atteintes de tumeurs de stade II et III et chez les patientes qui avaient suivi plus de 85% de la chimiothérapie prévue. Cette étude est la première à utiliser des données randomisées montrant un effet potentiellement positif de l’exercice physique sur l’évolution du cancer du sein.
Une étude néerlandaise a montré qu’un entraînement modéré à intensif pendant la chimiothérapie avait un effet bénéfique sur différents paramètres : forme cardiorespiratoire, fatigue, charge des symptômes (nausées, douleurs) et retour au travail [2]. Dans le groupe qui a suivi un entraînement, davantage de patientes ont terminé la totalité de la chimiothérapie prévue que dans le groupe sans entraînement. On pense que ce taux plus élevé d'”abandon du traitement” a conduit à un meilleur résultat dans le groupe de formation.
Promouvoir une activité normale, proposer activement un entraînement sportif
Cependant, il est plutôt difficile de recruter des patients pour des études d’entraînement : 25-50% refusent de participer [3]. Ce sont plutôt les patients ayant un bon niveau d’éducation et un emploi qui souhaitent suivre un programme sportif pendant leur traitement contre le cancer. Les patients qui ne veulent pas participer ont tendance à avoir une moins bonne qualité de vie, moins de soutien social et plus de préjugés à l’égard de l’exercice physique. Il convient donc de mettre en place des structures permettant de lever ces obstacles et d’expliquer aux patients les avantages de l’activité physique.
Que signifient maintenant les résultats de cette étude pour le conseil aux patients dans la pratique ? L’orateur a formulé trois Take-home-messages :
- Proposer aux patients un programme d’activité physique de manière proactive : Il faut leur faire comprendre qu’ils n’ont pas besoin de battre des records, mais que toute activité physique, même de faible intensité, est préférable à l’absence d’activité physique.
- Encourager l’activité “normale”, par exemple dans les tâches ménagères ou les loisirs. Les patients ont souvent besoin d’être rassurés sur le fait qu’ils peuvent être actifs malgré la chimiothérapie et que l’exercice ne leur fera pas de mal, mais les aidera à combattre les symptômes.
- Proposer un choix d’activités différentes, par exemple des programmes d’entraînement à domicile ou des activités seulement après le traitement du cancer.
Déclencheurs de transfusion en oncologie
Ces dernières années, des discussions soutenues ont eu lieu en oncologie sur les déclencheurs de transfusion pour les plaquettes, mais il existe peu de données sur le moment à partir duquel les transfusions de concentrés érythrocytaires (CE) sont appropriées. Le sujet est très pertinent pour plusieurs raisons, a souligné le PD Dr Ulrich Schuler, Universitätsklinikum Carl Gustav Carus, Dresde (D), notamment parce que les transfusions augmentent le taux d’infection, probablement à la suite d’une immunomodulation (tab. 1).
Plusieurs études récentes indiquent que le taux d’infection est plus élevé chez les patients ayant subi plusieurs transfusions que chez les patients non transfusés. Dans les études où les patients ont été transfusés avec un trigger plus bas, les infections ont été proportionnellement moins nombreuses. Il n’est toutefois pas clair si ces résultats peuvent être appliqués aux patients d’hématologie-oncologie, qui sont de toute façon dans une situation de haut risque infectieux.
Traditionnellement, la limite de transfusion était fixée à 10 g/dl, mais des études randomisées et contrôlées ont montré des avantages pour une stratégie plus restrictive. Les directives “Choosing wisely” recommandent de transfuser la plus petite quantité possible de CE, et ce uniquement pour traiter les symptômes de l’anémie ou pour ramener un patient stable et non cardiaque à un niveau d’hémoglobine sûr (7-8 g/dl). En Suisse, la pratique transfusionnelle n’est pas homogène ; le taux d’Hb à partir duquel un patient reçoit une transfusion dépend fortement des circonstances. Par exemple, à l’hôpital d’Uster, les patients du service de médecine interne ont reçu une transfusion de CE à partir d’une Hb moyenne de 7,3 g/dl, et les patients du service de soins intensifs à partir de 7,83 g/dl [4].
Moins, c’est presque toujours plus
Différentes directives recommandent un seuil de déclenchement de la transfusion de 7 g/dl ou moins pour les situations aiguës ; dans les directives de l’Association médicale allemande, le seuil de déclenchement dépend par exemple de la capacité du patient à compenser une anémie et des facteurs de risque(tab. 2) [5]. En cas d’anémie chronique, la situation est plus complexe, des déclencheurs très différents sont cités en fonction de la maladie de base. L’étude FOCUS a montré que la survie à long terme était aussi bonne pour le déclencheur 8 g/dl que pour le déclencheur 10 g/dl [6]. Il n’est toutefois pas possible de se prononcer sur un déclencheur de 7-8 g/dl chez les patients cardiovasculaires.
Malheureusement, les patients oncologiques ne font presque jamais l’objet de telles études. Une étude de cohorte suisse portant sur des patients atteints de leucémie traités par chimiothérapie ou par transplantation de cellules souches a montré que la transfusion d’un seul CE au lieu de deux permettait d’économiser 25% des transfusions [7]. Cette approche nécessite toutefois un suivi intensif et une surveillance quotidienne des patients.
Deux facteurs importants n’ont pas été suffisamment étudiés jusqu’à présent : Comment les faibles taux d’Hb chez les personnes très âgées affectent-ils les capacités cognitives ? Et quelle est l’importance de la qualité de vie des patients ? Par exemple, il est tout à fait souhaitable que les patients oncologiques fassent plus d’exercice et de sport, mais cela n’est pas vraiment encouragé par des taux d’Hb bas.
Source : Réunion annuelle des sociétés allemande, autrichienne et suisse d’hématologie et d’oncologie médicale, du 9 au 13 octobre 2015, Bâle.
Littérature :
- Courneya KS, et al : Effects of exercise during adjuvant chemotherapy on breast cancer outcomes. Med Sci Sports Exerc 2014 ; 46(9) : 1744-1751.
- Van Waart H, et al : Effet de l’activité physique de faible intensité et de l’exercice physique d’intensité modérée à élevée pendant la chimiothérapie adjuvante sur la condition physique, la fatigue et les taux d’achèvement de la chimiothérapie : Résultats de l’essai clinique randomisé PACES. J Clin Oncol 2015 Jun ; 33(17) : 1918-1927.
- Van Waart H, et al. : Pourquoi les patients choisissent-ils (ou non) de participer à un essai d’exercice pendant la chimiothérapie adjuvante du cancer du sein ? Psychooncology 2015 Aug. doi : 10.1002/pon.3936. [Epub ahead of print].
- Surial B, et al : Adhérence aux directives transfusionnelles : sommes-nous préparés à l’initiative “Smarter Medicine” ou “Choosing Wisely” ? Swiss Med Wkly 2015 Jan ; 145:w14084.
- www.bundesaerztekammer.de/fileadmin/user_upload/downloads/QLL_Haemotherapie_2014.pdf
- Carson JL, et al : Liberal versus restrictive blood transfusion strategy : 3-year survival and cause of death results from the FOCUS randomised controlled trial. Lancet 2015 ; 385(9974) : 1183-1189.
- Berger MD, et al : Réduction significative des besoins en transfusion de globules rouges en passant d’une politique de transfusion en double unité à une politique en simple unité chez les patients recevant une chimiothérapie intensive ou une transplantation de cellules souches. Haematologica 2012 ; 97 : 116-122.
InFo ONKOLOGIE & HÄMATOLOGIE 2016 ; 4(1) : 51-53