Une mise à jour sur les thérapies actuellement disponibles pour le psoriasis en plaques. L’introduction des produits biologiques a changé la manière de traiter les patients atteints de psoriasis modéré à sévère, avec des conséquences importantes sur la qualité de vie à long terme.
Le psoriasis est une maladie inflammatoire chronique de la peau qui touche environ 2% de la population caucasienne [1]. Compte tenu de la fréquence de cette dermatose, il est important que les médecins généralistes soient également informés régulièrement des nouvelles possibilités de traitement. Le psoriasis peut réduire considérablement la qualité de vie des patients, en particulier dans les formes sévères, lorsque les mains, y compris les ongles, la plante des pieds ou les articulations sont touchées (arthrite psoriasique). Le diagnostic du psoriasis est généralement clinique. Elle se base sur les efflorescences typiques et leur répartition particulière. Cet article fait le point sur les traitements actuellement disponibles pour le psoriasis en plaques (Fig. 1, 2).
L’introduction des produits biologiques a changé la manière de traiter les patients atteints de psoriasis modéré à sévère, avec des conséquences importantes sur la qualité de vie à long terme. Les facteurs de risque du psoriasis sont examinés ci-dessous et les traitements locaux, photothérapeutiques et enfin systémiques sont présentés (tab. 1).
Facteurs de risque
Bien qu’il n’y ait aucun doute sur l’origine polygénique du psoriasis, l’environnement et le mode de vie jouent également un rôle important. Avant de commencer une thérapie, il est important de mettre en lumière tous ces aspects. Parmi les principaux facteurs déclenchants, on trouve les infections virales et bactériennes, qui peuvent à la fois induire une première manifestation du psoriasis et aggraver un psoriasis préexistant. Le psoriasis guttata consécutif à une angine causée par des streptocoques ss-hémolytiques en est un exemple. Dans ce cas, le traitement du psoriasis comprend également un traitement antibiotique.
Il serait erroné de définir le psoriasis simplement comme une maladie de la peau et des articulations. Il s’agit d’une maladie inflammatoire systémique qui affecte l’ensemble de l’organisme. Les événements cardiovasculaires, le diabète sucré et l’obésité sont des comorbidités connues du psoriasis. La perte de poids chez les patients obèses a souvent un effet positif sur le psoriasis. La littérature récente montre également un risque accru de cancer blanc de la peau, de lymphome et de cancer du poumon [2]. En outre, les personnes atteintes de psoriasis souffrent plus souvent de dépression et de consommation de substances nocives (alcool et nicotine). Le climat a également une influence sur les lésions cutanées, avec une amélioration en été grâce à l’exposition accrue à la lumière du soleil et à l’humidité, et une aggravation pendant les saisons froides et sèches. Il ne faut pas oublier les médicaments qui peuvent avoir un impact négatif sur le psoriasis, comme le lithium, les bêtabloquants, les antipaludéens et l’interféron [3].
Considérations générales sur la thérapie
Pour déterminer le traitement optimal, il est nécessaire de prendre en compte les facteurs suivants :
- Type de psoriasis (psoriasis en plaques, arthrite psoriasique, psoriasis pustuleux)
- Caractéristiques du patient (âge, grossesse)
- Comorbidités (obésité, hépatopathie, insuffisance cardiaque ou rénale)
- Gravité de la maladie
Pour définir la gravité de la maladie, on utilise le PASI (Psoriasis Area and Severity Index), le BSA (surface corporelle) et le DLQI (Dermatology Life Quality Index) [1,4]. En tenant compte de tous ces facteurs et avec certaines exceptions (psoriasis palmo-plantaire, atteinte des ongles, par exemple), on préférera un traitement local ou éventuellement une photothérapie en cas de psoriasis léger. En cas de psoriasis modéré à sévère, un traitement systémique est plutôt indiqué [1].
La thérapie topique
Les corticostéroïdes puissants (par exemple la mométasone et le propionate de clobétasol) constituent l’épine dorsale du traitement local du psoriasis. Ces préparations sont efficaces et doivent être appliquées sur les lésions une fois par jour, de préférence le soir [1]. Après une phase d’induction d’environ deux semaines, la fréquence d’utilisation est réduite à 1-3 fois par semaine. Le choix de la galénique du produit est très important : en cas de peau très sèche et squameuse ou dans la région génitale, on préférera une pommade. Une crème ou un gel est utilisé pour traiter les lésions aiguës et exsudatives, tandis qu’une lotion est plutôt préférable pour les zones pileuses. L’utilisation excessive de corticostéroïdes topiques peut entraîner, entre autres, une atrophie cutanée, des télangiectasies, une hypopigmentation ainsi qu’une dermatite périorale. L’application sur de grandes surfaces du corps peut également entraîner des effets secondaires systémiques (par exemple, le syndrome de Cushing iatrogène).
Les dérivés de la vitamine D (calcitriol et tacalcitol) sont également efficaces pour le traitement topique du psoriasis. Ils sont appliqués 1 à 2 fois par jour. Il peut y avoir une irritation locale, qui est elle-même atténuée par l’utilisation simultanée de corticostéroïdes. C’est pourquoi la combinaison des deux substances susmentionnées constitue une excellente option de traitement local et est également disponible sous forme de produit correspondant (calcipotriol et bétaméthasone). L’utilisation topique d’inhibiteurs de la calcineurine (pimécrolimus, tacrolimus) pour le psoriasis est “off-label” et, en conséquence, les coûts ne sont souvent pas pris en charge par l’assurance maladie. Ils n’ont pas d’effet antiprolifératif sur les kératinocytes et leur efficacité est inférieure à celle des corticostéroïdes topiques. L’utilisation de ces préparations doit être évaluée et réservée à des localisations particulières (par exemple le visage) [1].
Le psoriasis se caractérise par un dysfonctionnement de la barrière cutanée et une hyperprolifération des kératinocytes. Les émollients et les substances kératolytiques comme l’acide salicylique 3-10% ou l’urée 3-12% ont donc un effet positif [1] et facilitent la pénétration des corticostéroïdes. Évitez d’utiliser trop généreusement l’acide salicylique chez les enfants en raison de sa néphrotoxicité et de sa neurotoxicité potentielles, ainsi que de l’associer à la vitamine D, car celle-ci est inactivée par l’acide salicylique.
La photothérapie
La photothérapie est un excellent traitement du psoriasis et peut être associée à des traitements topiques ou systémiques (par ex. acitrétine, psoralène) dans les cas résistants. Le spectre UVB à bande étroite (UVB TL01) est le plus utilisé. Il existe également la PUVA (psoralène plus UVA), qui combine la photothérapie avec des substances photosensibilisantes. On distingue ici la photochimiothérapie topique (par exemple la thérapie par bain de PUVA) avec par exemple le photosensibilisateur 8-méthoxypsoralène et la photochimiothérapie systémique, dans laquelle le photosensibilisateur est pris par voie orale. Les principales limites de la photothérapie sont la charge logistique (généralement trois séances par semaine pendant au moins six semaines) et le potentiel cancérogène cutané, les UVB TL01 présentant un meilleur profil de sécurité que les cabines de lumière UVA.
La thérapie systémique
Environ 20% des patients atteints de psoriasis en plaques nécessitent un traitement systémique ou une photothérapie. méthotrexate (MTX), l’acitrétine, la ciclosporine, l’aprémilast et les produits biologiques [4]. Comme il s’agit principalement d’immunosuppresseurs, des examens cliniques et des analyses de laboratoire sont nécessaires au préalable. Pour la plupart de ces thérapies, il est nécessaire d’exclure une maladie infectieuse chronique latente (VIH, hépatite B, hépatite C, tuberculose) et de vérifier que le carnet de vaccination est complet. Un cancer qui n’est pas en rémission constitue également une contre-indication à l’utilisation de médicaments biologiques.
Nous n’aborderons pas ici les traitements systémiques conventionnels bien connus (méthotrexate, acitrétine et ciclosporine) au profit de la présentation de nouvelles molécules (apremilsate et produits biologiques). Afin de mieux évaluer les performances de ces nouveaux médicaments, le PASI75 est indiqué pour chaque produit. Il exprime le pourcentage de patients ayant bénéficié d’une réduction d’au moins 75% de leur PASI de base au cours du traitement. Un PASI75 de 43 à la semaine 12 signifie qu’après trois mois de traitement, 43% des patients traités ont vu leur psoriasis s’améliorer d’au moins 75% par rapport à leur valeur initiale.
L’aprémilast (Otezla®) est un dérivé de la thalidomide, autorisé en Suisse depuis plus de deux ans. L’aprémilast présente les avantages d’une gestion simple du traitement (pas d’analyses de laboratoire régulières obligatoires), d’un bon profil de sécurité et d’une administration par voie orale. Les études “ESTEEM 1” ont montré une réduction de 75% de la valeur PASI après 16 semaines, soit 33% (contre 5% chez les patients recevant le placebo) [5]. Les effets secondaires les plus fréquents sont les nausées et les diarrhées, qui surviennent respectivement chez 14% à 16% des patients traités. Le coût est d’environ 1225 CHF par mois, par exemple, contre environ 161 CHF par mois pour un traitement par MTX ayant un effet similaire.
Ces dernières années, les médicaments biologiques ont radicalement changé la qualité de vie des patients atteints de psoriasis modéré à sévère. En effet, les traitements immunosuppresseurs classiques se caractérisent par un effet toxique cumulatif sur les organes internes (le MTX sur le foie et la ciclosporine sur les reins). Ainsi, des interruptions de la thérapie systémique ont souvent été nécessaires (thérapie de rotation). Les produits biologiques ne présentent pas de risque toxique cumulatif et sont prescrits de manière continue avec une réduction des exacerbations gênantes de la dermatose. Ces médicaments ont des effets secondaires potentiellement graves et, selon les produits, ils peuvent favoriser ou provoquer des infections graves (tuberculose, hépatite), des maladies démyélinisantes et des insuffisances cardiaques graves [6].
Des conditions particulières doivent être remplies pour que ces médicaments soient remboursés par l’assurance maladie : Le patient doit avoir un psoriasis modéré à sévère (PASI>10, BSA>10 ou DLQI>10) et ne pas présenter de réponse à la photothérapie ou à un traitement systémique conventionnel. En Suisse, les inhibiteurs du TNF-α (étanercept, adalimumab et infliximab) et les anticorps monoclonaux ustekinumab et secukinumab sont disponibles :
- Etanercept (Enbrel®) : injection s.c. Injection, qui est généralement prescrite chez les adultes à la dose de 50 mg 1×/semaine. Le début de l’effet est plus lent par rapport aux autres inhibiteurs du TNF-α, mais l’étanercept peut déjà être utilisé chez les enfants à partir de six ans. Le PASI75 à 12 semaines est d’environ 34% [7].
- Adalimumab (Humira®) : anticorps monoclonal humain qui se lie au TNF-α. La posologie est de 40 mg s.c. toutes les deux semaines. Les effets thérapeutiques commencent plus tôt qu’avec l’étanercept, le PASI75 à 12 semaines est d’environ 53% [8].
- Infliximab (Remicade®) : anticorps monoclonal chimérique. Comparé aux produits biologiques mentionnés ci-dessus, l’infliximab agit le plus rapidement (effets observés après 1 à 2 semaines seulement). Le dosage dépend du poids corporel et convient donc aux personnes ayant un IMC>30, l’inconvénient étant la voie d’administration intraveineuse. Le PASI75 à 10 semaines est d’environ 75% [9].
- Ustekinumab (Stelara®) : injecté tous les 3 mois seulement en phase d’entretien, c’est un antagoniste des interleukines 12 et 23. L’étude ACCEPT a comparé l’ustékinumab 45 mg (semaines 0 et 4) à l’étanercept 50 mg/2× par semaine. A la semaine 12, le PASI75 était de 68% (contre 57% pour l’étanercept) [10].
- Secukinumab (Cosentyx®) : anticorps monoclonal dirigé contre l’interleukine 17A. Cette préparation montre des résultats prometteurs également par rapport à d’autres produits biologiques, avec un PASI75 de 80% à la 12e semaine . Les effets secondaires sont des infections des voies respiratoires supérieures et des infections à candida, staphylocoques et herpès. La dose recommandée est de 300 mg en injection sous-cutanée avec des doses de départ aux semaines 0, 1, 2 et 3, suivies de doses d’entretien mensuelles commençant à la semaine 4. Le coût mensuel de ce médicament en phase d’entretien est d’environ 3085 CHF.
- Ixekizumab (Taltz®) : le dernier médicament autorisé n’est disponible en Suisse que depuis quelques mois. Il s’agit, comme le sécukinumab, d’un agent biologique anti-IL-17. Les deux se caractérisent par la rapidité d’action et donc par un succès thérapeutique très rapide. Dans l’étude UNCOVER-2, l’ixekizumab (80 mg par voie sous-cutanée toutes les 2 semaines) a permis d’obtenir un PASI75 chez 50 % des patients dès 4 semaines. Après 12 semaines, 89,7% des patients sous ixekizumab ont obtenu un PASI75, contre 41,6% dans le groupe étanercept (50 mg 2× par semaine). Les effets secondaires sont similaires à ceux du sécukinumab [11].
En résumé, chez les patients atteints de psoriasis léger, on préfère un traitement topique éventuellement associé à une photothérapie, alors que dans les formes sévères, un traitement systémique est plutôt indiqué. Comme expliqué ci-dessus, les médicaments biologiques sont très efficaces pour le psoriasis. Leur effet thérapeutique est tellement supérieur à celui des traitements classiques que la littérature ne parle plus de PASI75 mais de PASI90 (c’est-à-dire une rémission presque complète des lésions psoriasiques) ! Cependant, ces préparations ont un large éventail d’effets secondaires possibles et leur coût est beaucoup plus élevé que celui des traitements traditionnels. Il convient donc d’examiner soigneusement au préalable quels médicaments sont utiles pour quels patients.
Messages Take-Home
- Le traitement du psoriasis dépend de la sévérité, du type clinique et des facteurs liés au patient (tels que l’âge, la grossesse/l’allaitement et les comorbidités).
- En cas de psoriasis léger, le traitement local est efficace et généralement suffisant.
- L’introduction des produits biologiques a changé la manière de traiter les patients atteints de psoriasis modéré à sévère.
Littérature :
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- Chiesa Fuxench ZC, et al : The Risk of Cancer in Patients With Psoriasis : A Population-Based Cohort Study in the Health Improvement Network. JAMA Dermatol 2016 ; 152(3) : 282-290.
- Takeshita J, et al : Psoriasis et maladies comorbides : Implications pour la prise en charge. Am Acad Dermatol. 2017 ; 76(3) : 393-403.
- Kolios AGA, et al : Swiss S1 Guidelines on the Systemic Treatment of Psoriasis Vulgaris. Dermatology 2016 ; 232(4) : 385-406.
- Papp K, et al : Apremilast, un inhibiteur oral de la phosphodiestérase 4 (PDE4), chez les patients atteints de psoriasis en plaques modéré à sévère : résultats d’un essai contrôlé randomisé de phase III (Efficacy and Safety Trial Evaluating the Effects of Apremilast in Psoriasis [ESTEEM] 1). J Am Acad Dermatol. 2015;73(1) : 37-49.
- Oussedik E, et al : Les complications graves et aiguës des médicaments biologiques dans le psoriasis. G Ital Dermatol Venereol. 2017 ; 12 doi : 10.23736/S0392-0488.17.05750-9. [Epub ahead of print]
- Nguyen TU, Koo : L’étanercept dans le traitement du psoriasis en plaques. Clin Cosmet Investig Dermatol. 2009 ; 2 : 77-84.
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- Leman JA, Burden AD : Traitement du psoriasis sévère par infliximab. Ther Clin Risk Manag. 2008 ; 4(6) : 1165-1176
- Young MS, et al:The ACCEPT study : ustekinumab versus etanercept in moderate-to-severe psoriasis patients. Expert Rev Clin Immunol 2011 ; 7(1) : 9-13.
- Leonardi CL, et al : Améliorations rapides de la qualité de vie liée à la santé et de la démangeaison avec un traitement par ixekizumab dans des essais randomisés de phase 3 : résultats d’UNCOVER-2 et UNCOVER-3. J Eur Acad Dermatol Venereol 2017 ; doi : 10.1111/jdv.14211 [Epub ahead of print].
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2017 ; 27(5) : 8-12