A quoi faut-il faire attention dans la période qui suit le “lock down” ? Comment minimiser le risque d’une deuxième vague ? Ces questions et d’autres ont été abordées lors d’une vidéoconférence WebUp.
D’un point de vue infectieux, l’assouplissement des mesures est un exercice d’équilibriste. Le nombre de cas est certes en baisse, mais d’un autre côté, il existe un certain risque de deuxième vague. Philip Tarr, spécialiste en infectiologie à l’hôpital cantonal de Bâle-Campagne, il est peu réaliste de penser qu’une grande partie de la population suisse est immunisée.
Les règles d’hygiène restent utiles
Il estime qu’une stratégie d’immunité de groupe coûte trop cher en vies humaines et risque de surcharger le système de santé. D’autre part, on sait aussi que les mesures de protection sont efficaces et qu’elles permettent de minimiser les risques de contagion. “Le SRAS-CoV-2 est plus contagieux que la grippe, mais pas autant que la varicelle ou la rougeole”, explique l’infectiologue. Il faut une certaine durée d’exposition, c’est pourquoi l’OFSP avait défini un délai critique de 15 minutes. Un aspect insidieux du nouveau coronavirus est qu’il peut être transmis 1 à 2 jours avant l’apparition des symptômes. “Il y a une analyse solide qui dit que 44% des nouvelles infections proviennent de personnes dites présymptomatiques”, conclut le professeur Tarr. Le respect des mesures d’hygiène reste donc conseillé à cet égard. L’infectiologue considère que le port du masque fait partie intégrante de toutes les stratégies d’ouverture et de normalisation. Une question difficile est de savoir s’il est approprié de tester des personnes asymptomatiques. Tester le plus grand nombre de personnes possible fait partie d’une stratégie d’ouverture réussie, mais la faisabilité de tests à grande échelle est plutôt difficile. En ce qui concerne les tests d’anticorps, il souligne l’importance de n’utiliser que des tests sérologiques validés empiriquement.
Continuer à ne tester que les personnes symptomatiques
Outre le port de masques, l’hygiène des mains et les règles de distance, les tests font également partie des mesures de protection. Jusqu’à récemment, la demande de tests dépassait la disponibilité en Suisse. Cependant, la capacité de test a augmenté dans le pays et il semble logique d’effectuer davantage de tests. Mais le mot d’ordre reste de ne tester que les personnes symptomatiques, même dans un contexte clinique où l’on demande parfois de tester tous les patients préopératoires. Selon l’OFSP, il n’est pas nécessaire de disposer d’une PCR négative pour la désolvabilisation après la maladie COVID-19, mais il suffit que les symptômes disparaissent dans les 48 heures et que 10 jours au moins se soient écoulés depuis le début des symptômes.
Évaluer individuellement le risque des patients immunodéprimés
Par exemple, si une personne est soumise à des traitements immunosuppresseurs dans le cadre du traitement d’un cancer, le risque lié au COVID-19 est accru. Les implications concrètes doivent toutefois être évaluées au cas par cas. Si aucune chimiothérapie n’a été administrée au cours des 5-6 derniers mois, il n’y a probablement plus de risque accru, car le corps s’est rétabli, explique le professeur Tarr. Il est important d’évaluer cela dans le cadre d’une évaluation clinique globale et de prendre en compte l’état d’esprit du patient. En ce qui concerne le cas d’une mère d’enfants scolarisés dont la dernière chimiothérapie remonte à plus de six mois, il conseillerait donc d’y renvoyer les enfants dès l’ouverture des écoles. Le cas échéant, une dispense de cours de gymnastique peut être envisagée. Le respect des règles d’hygiène est en tout cas une mesure de protection particulièrement importante dans cette situation.
Pour les patients traités par stéroïdes, il convient également d’examiner la situation au cas par cas. Les stéroïdes inhalés sont importants pour le contrôle des symptômes de l’asthme, l’existence d’un risque accru dépend de la dose. Pour un asthmatique prenant une dose quotidienne de 2,5 mg de Spiricort (prednisone), il estime que le risque n’est pas augmenté. Avec un dosage plus élevé, l’immunosuppression disparaît environ 2 à 3 semaines après l’arrêt du traitement. Il n’y aurait pas de risque accru chez les patients dermatologiques traités par voie topique/locale avec des préparations contenant des stéroïdes.
Test d’anticorps au SRAS-Cov2 La Swiss School of Public Health lance une étude pour savoir combien de personnes sont immunisées en Suisse. (red) Le projet de recherche soutenu par l’OFSP est basé sur le concept du professeur Milo Puhan, directeur de l’Institut d’épidémiologie de l’Université de Zurich. Les personnes ayant contracté le COVID-19 sont-elles immunisées contre une nouvelle infection ? Et si oui, combien de temps dure l’immunité ? Pour ce faire, environ 25 000 personnes issues de la population et de groupes professionnels spécifiques se feront tester et examiner de manière échelonnée dans le temps jusqu’en octobre 2020. Les résultats peuvent être pris en compte pour la suite de la gestion de l’épidémie de coronavirus. Pour plus d’informations sur le projet, consultez le site : |
Quand y aura-t-il un vaccin ?
Des efforts sont en cours dans des dizaines de laboratoires à travers le monde. Cependant, aucun vaccin ARN/ADN n’est encore disponible sur le marché. La stratégie des particules virales est une technologie prometteuse qui a été utilisée avec succès pour d’autres maladies virales. Le professeur Tarr estime qu’il n’est pas réaliste de penser qu’un vaccin sera disponible dans six mois, mais qu’il sera probablement disponible dans 12 à 18 mois. Il est toutefois difficile de faire une estimation fiable à l’heure actuelle (état de l’information : 22.4.2020). Pour conclure la session de questions-réponses interactive, le professeur Tarr aborde une dimension psychologique : L’expérience montre que les personnes qui retournent au travail après avoir passé quelques semaines à la maison sont plus incertaines que celles qui ont continué à travailler sur place. Il s’agit, selon lui, d’une expérience acquise sur son lieu d’affectation à l’hôpital. Prendre des mesures pour travailler avec moins de peur et de risque vs. supporter certaines incertitudes et craintes peut être un exercice d’équilibre difficile.
Source : Forum pour la formation médicale continue (FOMF), WebUp Expertentreff, Infectiologie – Talk sur le thème COVID-19, Livestream 22. avril 2020, Prof. Dr med. Philip Tarr, spécialiste en infectiologie à l’hôpital cantonal de Bâle-Campagne
HAUSARZT PRAXIS 2020 ; 15(5) : 6 (publié le 8.5.20, ahead of print)