Comme le montrent les grands registres du cancer de la peau et les études basées sur la population, il existe une tendance continue à l’augmentation des nouveaux cas de tumeurs mélanocytaires et non mélanocytaires en Europe et dans le monde. On prévoit notamment une forte augmentation de l’incidence des carcinomes épidermoïdes (cSCC) et des carcinomes basocellulaires (cBCC). Dans le cas des carcinomes épidermoïdes, la plupart des métastases surviennent dans les deux à trois ans suivant le diagnostic de la tumeur primaire, ce qui fait de cette phase une fenêtre d’opportunité importante pour la prévention secondaire.
Des données de registre valides constituent une base importante pour des analyses épidémiologiques fiables [1]. Parmi les plus grands registres du cancer de la peau basés sur la population, on trouve le Global Cancer Observatory, le European Cancer Information System (ECIS) et l’International Agency for Research. Selon le Global Cancer Observatory (IARC), il y a environ 300 000 nouveaux cas de mélanome dans le monde, dont environ la moitié en Europe [2]. En Suisse, les tumeurs mélanocytaires sont le cinquième type de cancer le plus fréquent, environ 2800 personnes en sont atteintes chaque année, et près d’un quart des malades ont moins de 50 ans au moment du premier diagnostic [3]. Ana-Maria Forsea, de l’Hôpital universitaire Elias et de l’Université de médecine et de pharmacie Carol Davila, Bucarest (Roumanie). Les données du registre ECIS sur le mélanome montrent qu’en Europe centrale, le taux de survie à 5 ans est considérablement plus élevé que dans les pays d’Europe de l’Est, ce qui indique des disparités de soins, a déclaré l’orateur [1,4].
La tendance à l’augmentation de l’incidence du cancer de la peau se poursuit
En Suisse comme dans l’ensemble de l’Europe, on observe une tendance à l’augmentation de l’incidence des mélanomes, bien que les chances de survie soient relativement bonnes par rapport à d’autres types de tumeurs. Ainsi, le taux de survie à 5 ans en Suisse est de plus de 80% selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) [5]. Cependant, comme le montrent les analyses stratifiées sur l’âge d’une grande étude basée sur la population sur une période de 30 ans, les tendances de la mortalité varient notamment en fonction de l’âge et d’autres facteurs [6].
L’incidence des tumeurs non mélanocytaires (NMSC) a également augmenté au cours des dernières années. L’exposition aux rayons UV et l’âge avancé sont connus pour être parmi les principaux facteurs de risque. Le cancer blanc de la peau représente plus de 90% de tous les cancers de la peau, dont environ 20-30% sont des carcinomes épidermoïdes (cSCC) et 70-80% des carcinomes basocellulaires (cBCC) [1]. Comme le NMSC n’est pas enregistré dans la plupart des grands registres du cancer de la peau, les données épidémiologiques le concernant se basent sur d’autres sources de données telles que des études ou des registres locaux plus petits. Selon les experts, il faut s’attendre à une augmentation significative du nombre de nouveaux cas en Europe dans les années à venir. On estime par exemple que l’incidence du NMSC en Allemagne va doubler d’ici 2030 [7]. Les taux de mortalité sont faibles, mais le cancer blanc de la peau s’accompagne d’une morbidité significative.
Risque de métastases : surveillance et éducation des patients
Le risque général de métastases est estimé à environ 4% pour les carcinomes épidermoïdes (cSCC) [1]. Les données varient toutefois en fonction de la population et de la conception de l’étude. L’analyse des données collectées entre 2013 et 2015 dans le cadre d’une vaste étude de population en Angleterre (n=76 977, tranche d’âge 72-86 ans) a révélé que 92,9% des métastases survenaient dans les trois ans suivant le diagnostic de la tumeur primaire. Il s’est avéré que l’âge, le sexe masculin, l’immunosuppression et la localisation de la tumeur primaire au niveau des oreilles et des lèvres étaient associés à un risque accru de métastases (encadré) [9].
Les analyses d’une étude épidémiologique portant sur un échantillon plus restreint (n=1122), dans laquelle des données ont été collectées entre 2005 et 2014, estiment l’incidence des métastases entre 1,2 et 2%–2,7%, plus de 80% des métastases survenant dans les deux ans suivant le diagnostic de la tumeur primaire [10]. Selon les auteurs, l’éducation des patients est un aspect important pour le suivi pendant cette période critique. Ainsi, les personnes concernées devraient être formées à contrôler régulièrement les signes de récidive ou d’éventuelles métastases et, le cas échéant, à effectuer un examen dermatologique.
Source : EADV Annual Meeting 2020
Littérature :
- Forsea AM : Aperçu de l’épidémiologie du cancer de la peau, Prof. Dr med. Ana-Maria Forsea, EADV Annual Meeting, 31.10.2020.
- Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), www.iarc.who.int
- Ligue suisse contre le cancer, www.krebsliga.ch/ueber-krebs/krebsarten/hautkrebs-melanom-schwarzer-hautkrebs/
- Système européen d’information sur le cancer (ECIS), https://ecis.jrc.ec.europa.eu
- Office fédéral de la santé publique (OFSP), www.bag.admin.ch/bag/de/home/zahlen-und-statistiken/zahlen-fakten-nichtuebertragbare-krankheiten/krebserkrankungen-schweiz.html
- Yang DD, et al. : Trends in malignant melanoma mortality in 31 countries from 1985 to 2015. BJD 2020 ; 183(6) : 1056-1064
- Leiter U, et al : Incidence, mortalité, et tendances du cancer de la peau non mélanome en Allemagne J Invest Dermatol 2017 ; 137(9) : 1860-1867.
- Laughter MR, et al : The Burden of Skin and Subcutaneous Diseases in the United States From 1990 to 2017. JAMA Dermatol 2020 ; 1 ; 156(8) : 874-881.
- Venables ZC, et al : Incidence nationale du carcinome épidermoïde métastatique en Angleterre. JAMA Dermatol 2019 ; 155(3) : 298-306.
- Nelson TG, Ashton, RE : Faible incidence de métastases et de récidive de carcinome épidermoïde cutané dans une population britannique : devons-nous ajuster notre réflexion sur cet événement rare mais potentiellement fatal ? J Surg Oncol 2017 ; 116(6) : 783-788.
DERMATOLOGIE PRAXIS 2021 ; 31(1) : 46 (publié le 23.2.21, ahead of print)