Chez les personnes de plus de 65 ans, l’insuffisance cardiaque est le motif d’hospitalisation le plus fréquent. Il est essentiel de clarifier la cause de la maladie pour pouvoir orienter les patients vers un traitement ciblé. Les patients atteints d’amylose ATTR cardiaque constituent un sous-groupe important d’HFpEF pour lequel il existe une option thérapeutique spécifique dont il a été démontré qu’elle améliorait le pronostic.
Si la présence d’une insuffisance cardiaque (IC) est suspectée, le paramètre NT-proBNP doit être relevé et/ou une échocardiographie transthoracique doit être effectuée. Cette dernière est la technique d’imagerie centrale dans le diagnostic de l’HF. Chez les patients présentant des symptômes typiques et des taux élevés de NTproBNP (≥125 pg/ml), la présence d’une insuffisance cardiaque est probable [1]. L’échocardiographie peut déjà fournir les premières indications sur les causes possibles de l’insuffisance cardiaque (par ex. troubles de la mobilité des parois, vices valvulaires, processus infiltratifs, cardiomyopathies, dysfonction diastolique) [1]. Parmi les méthodes plus poussées permettant de déterminer la cause de l’HF, on trouve l’IRM cardiaque (cardiomyopathie ischémique, amylose, myocardite) ou la scintigraphie (maladie coronarienne, amylose ATTRwt) [2].
La classification classique de l’insuffisance cardiaque est basée sur les résultats de la fraction d’éjection du ventricule gauche en HFrEF (HF avec fraction d’éjection réduite, <40%) ; HFmrEF (HF avec fraction d’éjection modérément réduite, 40-49%) et HFpEF (HF avec fraction d’éjection préservée, ≥50%).
Critères de diagnostic du HFpEF selon la ligne directrice actuelle de l’ESC
Selon les lignes directrices de l’ESC sur la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, mises à jour en 2021, les trois critères essentiels de l’HFpEF sont [3] :
- Symptômes et signes d’insuffisance cardiaque
- FEVG ≥50%
- des preuves objectives d’anomalies cardiaques structurelles et/ou fonctionnelles compatibles avec une dysfonction diastolique du ventricule gauche et une pression de remplissage du VG élevée, y compris une augmentation des peptides natriurétiques.
Les patients atteints de HFpEF sont en moyenne plus âgés et plus souvent de sexe féminin que les personnes atteintes de HFrEF et de HFmrEF. En outre, l’HFpEF est souvent associée à une fibrillation auriculaire, à une maladie rénale chronique (MRC) et à d’autres maladies non cardiovasculaires [4]. La clarification de l’étiologie sous-jacente est très importante dans le cas de l’HFpEF afin de pouvoir initier un traitement pharmacologique ciblé (Fig. 1).
Identifier et traiter les patients atteints d’ATTR-CM
Une étude prospective portant sur 120 sujets a montré que 13% des patients âgés de plus de 60 ans hospitalisés pour une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (HFpEF) souffraient d’une amylose ATTR (wtATTR-KM) comme maladie sous-jacente [5]. L’amylose cardiaque à transthyrétine (ATTR-CM) se caractérise par un dépôt de transthyrétine mal repliée. On distingue la variante sporadique de type sauvage (wtATTR) de la forme mutée héréditaire (mATTR). L’ATTR-CM peut être dépistée par imagerie (IRM cardiaque ou scintigraphie) ainsi que par immunofixation avec détermination des chaînes légères libres ; pour le diagnostic définitif, une biopsie et/ou une analyse génétique doivent être réalisées [6]. Alors que l’administration de traitements médicamenteux classiques de l’insuffisance cardiaque, tels que les inhibiteurs de l’ECA, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 1 et les bêtabloquants, a montré un net avantage en termes de survie chez les patients atteints d’HFrEF, ce n’était pas le cas chez les personnes atteintes d’HFpEF [7–9]. En raison des risques d’effets secondaires, il convient d’être prudent lors de l’utilisation de bêtabloquants, d’inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone et de diurétiques chez les patients atteints d’ATTR-CM [6].
Formes d’amylose avec manifestations cardiaques Dans les amyloïdoses, les protéines se déposent sous forme d’agrégats fibrillaires insolubles suite à un changement de conformation. Les formes systémiques d’amylose qui affectent le cœur sont notamment les amyloïdoses à chaînes légères (AL) et les amyloïdoses ATTR. Dans ce dernier cas, il y a dépôt de transthyrétine mal repliée. On distingue la forme sauvage (wtATTR) de la forme mutée (mATTR). Outre les biomarqueurs cardiaques spécifiques, il existe aujourd’hui des techniques d’imagerie modernes non invasives, telles que l’IRM cardiaque ou les techniques scintigraphiques, qui peuvent être utilisées en complément de l’échocardiographie conventionnelle pour diagnostiquer l’amylose cardiaque et évaluer sa gravité. |
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Avec le tafamidis (Vindaquel®), les patients atteints d’ATTR disposent d’une option thérapeutique spécifique pour le traitement de l’insuffisance cardiaque. Des études ont montré que ce stabilisateur tétramère pouvait ralentir la progression de la cardiomyopathie et réduire le risque d’hospitalisation [10,11]. Le tafamidis se lie sélectivement à la transthyrétine avec une grande affinité, ralentit la dissociation des tétramères TTR en monomères TTR et réduit ainsi une nouvelle agrégation des fibrilles amyloïdes [10]. Dans l’étude ATTR-ACT, le bras Tafamidis a réduit la mortalité totale et les réhospitalisations d’origine cardiovasculaire chez les patients atteints de wtATTR et de mATTR [10].
Littérature :
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- Messner M, Zaruba MM : Nouveaux développements dans la pharmacothérapie de l’insuffisance cardiaque. Austrian Journal of Cardiology 2021 ; 28 (3-4) : 104-110.
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- Guide de poche de l’ESC : Insuffisance cardiaque aiguë et chronique, Société allemande de cardiologie (DGK) 2021, https://leitlinien.dgk.org, (dernière consultation 27.06.2023)
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- Ponikowski P, et al : 2016 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure : The Task Force for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure of the European Society of Cardiology (ESC)Developed with the special contribution of the Heart Failure Association (HFA) of the ESC. Eur Heart J 2016 ; 37(27) : 2129-2200.
- Iwano H, Little WC. Insuffisance cardiaque : qu’en est-il de la fraction d’éjection ? J Cardiol 2013 ; 62(1) : 1-3.
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PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2023 ; 18(7) : 24-25