La chimiothérapie orale est une option fondée sur des preuves dans le traitement médicamenteux du cancer du sein métastatique. Tant le profil d’effets secondaires favorable que l’autonomie du patient garantie par la forme d’administration orale ont un impact positif sur la qualité de vie. L’adhésion du patient influence significativement la possibilité de traitement par un cytostatique oral et a donc un impact sur la sécurité du traitement et le résultat. Un suivi étroit avec des consultations médicales régulières ainsi que la promotion de la responsabilité personnelle contribuent considérablement à l’amélioration de l’adhérence.
Jusqu’à présent, la chimiothérapie du carcinome mammaire métastatique est principalement administrée par voie intraveineuse. Toutefois, les formes orales de cytostatiques peuvent, si elles sont utilisées correctement, présenter des avantages significatifs pour les patients, les prestataires de soins et les fournisseurs de services. La préférence des patientes et leur capacité à suivre le traitement prescrit sont des facteurs importants, tout comme la biodisponibilité et la rentabilité.
Les cytostatiques oraux tels que le cyclophosphamide, le méthotrexate, la vinorelbine et la capécitabine sont utilisés depuis très longtemps dans le traitement du cancer du sein métastatique, la capécitabine et la vinorelbine étant les plus utilisées ces dernières années. La sélection représentative de données convaincantes sur la chimiothérapie orale pourrait contribuer à l’avenir à inciter les médecins oncologues à surmonter les réticences encore répandues à l’égard de cette forme de traitement. Le présent article a pour but de donner un aperçu des spécificités en matière d’indication, de sélection des patients et d’utilisation.
Inconvénients de la chimiothérapie intraveineuse
Avec 5518 nouveaux cas et 1376 décès par an en Suisse, le carcinome mammaire est le cancer le plus fréquent chez les femmes [1]. En situation métastatique, la survie globale moyenne est de 20 à 28 mois [2]. Dans le cas du cancer du sein métastatique, le traitement palliatif implique la restauration et le maintien de la qualité de vie ainsi que la réduction des symptômes liés à la tumeur. La prolongation de la vie obtenue grâce à un traitement optimisé ne devrait être qu’un objectif thérapeutique secondaire.
Malgré l’abondance de données d’études sur l’efficacité et la praticabilité des cytostatiques oraux, les prescriptions de cytostatiques intraveineux prédominent. Cela s’explique par les préoccupations des oncologues traitants concernant l’adhérence, la biodisponibilité et les avantages du traitement pour les patientes [3]. Dans ce contexte, l’utilisation d’une chimiothérapie intraveineuse entraîne un surcroît de travail considérable pour la patiente, le prestataire de soins et le fournisseur de services. Les patients passent une partie non négligeable de leur temps dans des établissements médicaux pour l’application de cytostatiques, ce qui a une influence sur leur qualité de vie. La prescription médicale de cytostatiques pour les applications i.v. implique une charge administrative qui dépend de l’établissement médical. En outre, des ressources supplémentaires du système de santé doivent être utilisées en recourant à des infirmières et à des postes d’application [4]. Les avantages de la chimiothérapie orale doivent donc être pris en compte dans le processus de décision lors de l’évaluation et du choix de la chimiothérapie. Les préparations vinorelbine orale et capécitabine sont examinées plus en détail ci-dessous en ce qui concerne leurs propriétés et leur mode d’utilisation.
Vinorelbine par voie orale
La vinorelbine orale (Navelbine Oral®) est une substance qui a fait ses preuves et qui occupe une place solide dans le traitement du cancer du sein métastatique. La vinorelbine fait partie des vinca-alcaloïdes et inhibe la mitose en inhibant la polymérisation de la tubuline. Il peut être utilisé en tant que substance unique, mais aussi en association avec la capécitabine ou le trastuzumab (Herceptin®). La vonorelbine a également un taux de réponse de 26% après un traitement préalable par anthracyclines et taxanes [5]. Les effets secondaires les plus fréquents de la vonorelbine orale sont les nausées, les vomissements et la myélotoxicité. Cela nécessite l’utilisation systématique d’un traitement antiémétique (par ex. antagonistes HT3) et un suivi régulier par hémogramme différentiel. Les nausées peuvent également être prévenues par la prise de comprimés après un petit repas.
Capécitabine
La capécitabine (Xeloda®) est un antimétabolite qui, en tant que promédicament, est transformé intracellulairement par la thymidine phosphorylase en sa substance active, le 5-fluorouacil (5-FU). En plus de la monothérapie, il est possible d’associer des taxanes, de la vinorelbine et, en cas de cancer du sein surexprimant HER2, du trastuzumab ou du lapatinib. Il est également possible de l’associer au bévacizumab (Avastin®), un inhibiteur de l’angiogenèse. Chez les patientes prétraitées par des taxanes ou des anthracyclines, une monothérapie par capécitabine permet d’obtenir des taux de réponse allant jusqu’à 30% [6]. Les effets secondaires les plus fréquents sont les troubles gastro-intestinaux tels que la diarrhée et le syndrome main-pied (érythrodysesthésie palmo-plantaire, PPE). L’avantage est que l’on ne peut guère s’attendre à une myélotoxicité, raison pour laquelle la capécitabine s’avère être un partenaire favorable dans un traitement combiné. Comme pour la vinorelbine, la capécitabine ne provoque pas d’alopécie.
Dosage et déroulement du traitement
La capécitabine est administrée à une dose de 2500 mg/m2 de surface corporelle, répartie en deux prises quotidiennes, les jours 1 à 14. Une semaine de pause thérapeutique est ensuite observée jusqu’au 21e jour. Le jour 22, le cycle suivant commence. Les patientes reçoivent une consultation toutes les trois semaines, au cours de laquelle l’état général et l’hémogramme sont évalués. Les comprimés sont disponibles en doses individuelles de 500 mg ou 150 mg. Dans un souci de simplification du traitement, il est préférable de prescrire des comprimés de 500 mg. La dose calculée doit être arrondie vers le bas. Le nombre de cycles dépend de la réponse au traitement et de la tolérance. Des journaux thérapeutiques spéciaux aident à structurer la prise quotidienne de comprimés et facilitent la communication entre le médecin et la patiente lors des consultations trihebdomadaires.
La vinorelbine orale est initialement administrée à la dose de 60 mg/m2 de surface corporelle, une fois par semaine. Si la tolérance est bonne, une escalade de dose à 80 mg/m2 peut être effectuée à partir de la quatrième semaine. Les comprimés sont disponibles aux dosages de 20 mg et 30 mg. Les consultations médicales, y compris les analyses de sang différentielles, doivent être effectuées à un rythme hebdomadaire. Comme pour la capécitabine, le nombre de cycles est déterminé par la réponse et la tolérance. Il existe également un passeport thérapeutique pour la vinorelbine. Le traitement métronomique (50 mg en valeur absolue les jours 1, 3 et 5 chaque semaine) est actuellement encore controversé et n’est pas encore autorisé sous cette forme en Suisse [7].
Gestion des effets secondaires
Pour la prophylaxie ou le traitement des nausées et des vomissements, il est recommandé d’administrer un antagoniste HT3 (p. ex. granisétron 2× 4 mg) les jours 2 et 3 après la prise de vinorelbine par voie orale. La PPE sous capécitabine doit être généreusement traitée, même aux stades précoces, avec une crème grasse contenant de l’urée. Les toxicités de haut niveau sous vinorelbine et capécitabine orales nécessitent généralement une pause thérapeutique jusqu’à la régression des symptômes. La reprise du traitement par la vinorelbine orale doit se faire avec au moins un mois de retard. 60 mg/m2 de surface corporelle. La dose doit être rapidement escaladée à nouveau. Pour la capécitabine, un schéma de reprise du traitement adapté à la toxicité est utilisé (tableau 1).
Sélection de patientes appropriées
L’utilisation correcte des cytostatiques oraux n’est pas seulement l’affaire des thérapeutes, mais dépend également des habitudes de prise des patientes. Une utilisation correcte est le facteur clé qui permet d’obtenir un bénéfice thérapeutique maximal pour la patiente. La prise de la dose prescrite au moment prescrit ainsi que la déclaration précise des effets secondaires observés ne peuvent être garanties que si les patientes sont d’accord avec le traitement prescrit et convaincues de son utilité. On parle également d’adhésion : celle-ci implique la volonté de la patiente de suivre au mieux les recommandations thérapeutiques convenues avec le médecin et un comportement concordant de la part de la patiente et du praticien. Il s’agit donc du principe du plus grand dénominateur commun, également appelé “shared decision making” dans le monde anglo-saxon. Ce processus permet de stabiliser la patiente. Celle-ci est perçue comme majeure – même avec ses ambivalences – elle prend un rôle actif au sein d’un processus (de traitement) et devient experte formée à sa maladie. Vos décisions sont acceptées.
La prédiction de l’adhésion est l’une des mesures préthérapeutiques les plus importantes pour décider d’une chimiothérapie orale ou non. Outre les patients adhérents (Adherer), il y a les Partial Adherer, les Overuser, les Eratic Users, les Partial Dropouts et les Dropouts. Seuls les adhérents prendront le médicament dans sa totalité et au bon moment, conformément à ce qui a été convenu, tandis que les overusers prendront des doses trop élevées dans l’espoir d’une augmentation de l’efficacité et prendront ainsi le risque d’effets secondaires dangereux. La prise de médicaments chez les utilisateurs d’Eratic est soumise à de fortes variations au cours du cycle de traitement, ce qui a un impact négatif sur le pronostic.
Divers tests sont disponibles pour l’évaluation pré-thérapeutique de l’adhésion. Une procédure simple consiste à formuler quatre questions (figure 1). Si la réponse à l’une de ces questions est affirmative, il y a de fortes chances pour que l’adhésion soit insuffisante [8].
Résumé
Depuis plusieurs années, la chimiothérapie orale fait partie intégrante de l’éventail des traitements médicamenteux du cancer du sein métastatique. Il existe suffisamment de preuves cliniques de son efficacité, tant en association avec d’autres agents qu’en monothérapie, y compris pour les lignes de traitement avancées. Les avantages de l’administration orale sont la réduction du temps passé dans les établissements médicaux et le caractère moins invasif du traitement. Les ponctions veineuses ou portales sont supprimées, ainsi que la douleur, l’extravasation et le risque d’infection qui y sont associés. Malgré une maladie grave, les patientes ont plus d’autonomie et donc plus de proximité avec le quotidien et la normalité. Le faible besoin en ressources humaines et en espace se traduit par des coûts de traitement réduits pour le système de santé.
Une condition importante est l’adhésion du patient, qui doit être vérifiée et maintenue par des évaluations pré-thérapeutiques, des consultations régulières, une communication empathique avec le patient et l’utilisation sans faille de journaux de traitement.
Littérature :
- www.bfs.admin.ch/bfs/portal/de/index/themen/14/02/05/key/02/05.html, incidence estimée sur la base des données des 12 registres des tumeurs SG/AR/AI, BS/BL, ZH/ZG, GE, VD, NE, VS, GR/GL, TI, JU, FR, LU/OW/NW/UR.
- Gerber B, Freund M, Reimer T : Cancer du sein récurrent : stratégies de traitement pour le maintien et la prolongation d’une bonne qualité de vie. Dtsch Arztebl Int 2010 ; 107(6) : 85-91.
- O’Neill VJ, Twelves CJ : Oral cancer treatment : developments in chemotherapy and beyond. Br J Cancer 2002 ; 87 : 933-937.
- Husseini F, et al : Capecitabine vs. Mayo Clinic et de Gramont 5-FU/LV regimes for stage III colon cancer : cost-effectiveness analysis in the French setting. Ann Oncol 2006 ; 17 (suppl 6) : 64 (par 133).
- Martin M, et al : Gemcitabine plus vinorelbine versus vinorelbine en monothérapie chez des patients atteints de cancer du sein métastatique précédemment traités par anthracyclines et taxanes : Résultats finaux de l’essai de phase III du Groupe espagnol de recherche sur le cancer du sein (GEICAM). Lancet Oncol 2007 ; 8 : 219-225.
- Fumoleau P, et al : Étude multicentrique de phase II évaluant la capécitabine en monothérapie chez des patients atteints de cancer du sein métastatique prétraité par anthracycline et taxane. Eur J Cancer 2004 ; 40 : 536-542.
- Briasoulis E, et al : Essai de sélection de dose de la vinorelbine orale en monothérapie métronomique chez les patients atteints de cancer métastatique : une étude de traduction clinique du groupe coopératif hellénique d’oncologie. BMC Cancer 2013 ; 13 : 263.
- Miaskowski C, et al : Adherence to oral endocrine therapy for breast cancer : a nursing perspective. Clin J Oncology Nursing 2008 : 12(2) : 213-221.
InFo ONKOLOGIE & HÄMATOLOGIE 2016 ; 4(1) : 19-21