Dans la pratique clinique quotidienne, l’eczéma ou le psoriasis sont souvent des diagnostics à vue. Dans les cas cliniquement ambigus, l’examen histologique peut fournir de précieux indices, mais il n’est pas rare que les cas cliniquement ambigus ne présentent pas non plus d’image claire à l’histologie. Dans ce cas, l’utilisation d’un classificateur moléculaire devrait permettre d’établir un diagnostic plus précis. Plusieurs projets de recherche sont actuellement en cours à ce sujet.
Le psoriasis palmoplantaire constitue un diagnostic différentiel important avec l’eczéma des mains, mais comme le tableau clinique est souvent similaire et que l’analyse dermatopathohistologique ne permet souvent pas non plus de distinguer les deux maladies, il est parfois difficile, même pour les cliniciens expérimentés, de déduire un diagnostic clinique et morphologique clair [1,2]. Bien que la sensibilité au contact soit plus souvent associée à l’eczéma chronique des mains qu’au psoriasis, il ne s’agit pas d’un critère de distinction certain [3]. Des caractéristiques cliniques telles que l’hyperkératose, l’acanthose ou la spongiose peuvent être présentes dans la peau lésionnelle des deux maladies [3]. Il existe également des formes mixtes (appelées eczéma in psoriatico) [3]. Un diagnostic correct le plus tôt possible est une base importante pour l’introduction d’un traitement (systémique) adéquat et a donc des implications pour l’évolution ultérieure [3]. Il y a quelques années, un classificateur moléculaire a été développé dans le but de pouvoir utiliser un outil de diagnostic précis pour distinguer le psoriasis de l’eczéma dans les cas qui ne peuvent pas être clairement différenciés cliniquement [1,4]. Le principe de la méthode consiste à déterminer l’expression des deux gènes NOS2 et CCL27 dans le matériel de biopsie de peau lésionnelle, à les mettre en relation et à calculer la probabilité de présence d’un eczéma ou d’un psoriasis [3]. Un classificateur entraîné à l’aide de ces gènes a atteint une précision moyenne d’environ 97% dans des cohortes de test [1,5].
Résultats des projets de recherche en cours
Il existe plusieurs rapports de cas montrant que le diagnostic moléculaire peut influencer positivement le déroulement du traitement et contribuer à l’amélioration ou à la guérison de la maladie [1,6]. Et depuis 2020, la section de dermatologie professionnelle de l’hôpital universitaire de Heidelberg a mis en place une cohorte de patients pour lesquels le diagnostic de “psoriasis palmoplantaire” ou d'”eczéma palmoplantaire” a été suspecté [1]. Les évaluations partielles réalisées à la fin de la première année du projet (n=135) montrent que le degré de gravité selon le Physician Global Assessment (PGA) a été considéré comme moyen chez 48,1% des participants à l’étude [1]. 28,1% et 3,7% respectivement présentaient une dermatose “sévère” ou “très sévère”, et 20,0% étaient considérés comme ayant une maladie cutanée “légère” [1]. Dans 31,2% des cas, le diagnostic exact est resté incertain après l’examen clinique par le dermatologue. Sur la base du classificateur moléculaire, ces médecins ont obtenu un diagnostic dans plus de 99% des cas [1]. L’une des conclusions des auteurs est que les premiers résultats intermédiaires indiquent que le classificateur moléculaire peut contribuer à améliorer la distinction diagnostique entre psoriasis et eczéma dans les cas peu clairs [1].
Dans le cadre d’un programme autrichien de prévention en dermatologie professionnelle, une série de cas de patients (n=27) a également été documentée, chez lesquels l’évaluation clinique et les résultats histologiques ne permettaient pas de distinguer clairement l’eczéma du psoriasis [3]. Le diagnostic clinique de suspicion était l’eczéma ou le psoriasis dans 10 cas chacun, et chez 7 patients, l’anamnèse et le tableau clinique n’ont pas permis de poser un diagnostic de suspicion clair. Un examen histologique ultérieur a certes fourni de précieuses indications diagnostiques, mais son résultat n’a pas non plus été clair dans plusieurs cas. Dans les cas où l’histologie et le classificateur donnaient des résultats divergents, un histopathologiste a procédé à une nouvelle lecture (tableau 1) [3].
Littérature :
- Bentz P, Eyerich K, Weisshaar E : Psoriasis ou eczéma ? Résultats sur un an du projet de recherche FB323 de la DGUV avec utilisation du classificateur moléculaire pour les dermatoses professionnelles. JDDG 2022 ; https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/ddg.14850_g,(dernière consultation 05.12.2023)
- Kolesnik M, et al : Eczema in psoriatico : an important differential diagnosis between chronic allergic contact dermatitis and psoriasis in palmoplantar localization. Acta Derm Venereol 2018 ; 98(1) : 50-58.
- Wilfinger D, et al. : Distinction entre l’eczéma chronique des mains et le psoriasis grâce à un nouveau classificateur moléculaire dans un groupe de patients autrichiens en dermatologie professionnelle. Dermatologie professionnelle et environnementale, Volume 71, 1/2023 : 1-8.
- Garzorz-Stark N, Eyerich K : Diagnostic moléculaire de l’eczéma des mains. Dermatologue 2019 ; 70 : 760-765.
- Garzorz-Stark N, et al : A novel molecular disease classifier for psoriasis and eczema. Exp Dermatol 2016 ; 25(10) : 767-767
- Weisshaar E, Garzorz-Stark N, Eyerich K : Eczéma ou psoriasis ? Un défi particulier en dermatologie professionnelle. Dermatologie professionnelle et environnementale 2018 ; 66 : 113-119.
PRATIQUE DERMATOLOGIQUE 2023 : 33(6) : 40