Les crises symptomatiques aiguës après un AVC ne nécessitent généralement pas de traitement à long terme et le délai actuellement recommandé dans les lignes directrices pour distinguer l’épilepsie après un AVC est de 7 jours. Pour évaluer plus précisément le risque de récurrence des crises d’épilepsie après un AVC, des outils validés, tels que le modèle SeLECT, ont été développés et sont disponibles sous forme numérique pour une utilisation au chevet du patient.
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En Europe, une personne sur 20 est victime d’une crise d’épilepsie au cours de sa vie. Les crises d’épilepsie sont donc l’une des maladies neurologiques les plus fréquentes. Les crises inaugurales sont particulièrement fréquentes chez les nourrissons et les enfants, tandis qu’il existe un plateau d’incidence chez les jeunes adultes. Toutefois, les crises d’épilepsie sont encore plus fréquentes après l’âge de 55 ans, avec une incidence en constante augmentation. La raison en est le vieillissement du cerveau et l’accumulation de diverses maladies cérébrales.
L’accident vasculaire cérébral (AVC) est la cause la plus fréquente d’épilepsie se manifestant pour la première fois à l’âge adulte en Europe. Chez les plus de 65 ans, la moitié des épilepsies sont attribuables à des maladies cérébrovasculaires. Les crises après un AVC sont non seulement fréquentes, mais aussi pertinentes. Elles sont associées à une mortalité accrue, à un handicap et à un risque de déficits cognitifs supplémentaires [1].
Approche pratique
Si un événement évocateur d’une crise d’épilepsie survient après un AVC, il convient en premier lieu de répondre à trois questions:
- S’agit-il d’une crise d’épilepsie?
- Existe-t-il une épilepsie?
- Quel est le traitement adéquat dans cette situation?
1. S’agit-il d’une crise d’épilepsie?
Les principaux diagnostics différentiels («mimics») des crises d’épilepsie dans ce groupe d’âge sont les accidents ischémiques transitoires (AIT), les épisodes neurologiques focaux transitoires (ENFT) dans le cadre d’une angiopathie amyloïde (également appelés «amyloid spells»), les syncopes et d’autres phénomènes autonomes. Les crises fonctionnelles ou dissociatives et les migraines sont plus rares dans ce groupe d’âge.
Les crises d’épilepsie sont généralement de courts épisodes d’une durée de 30 secondes à 2 minutes environ, souvent accompagnés de symptômes positifs tels que des auras visuelles, des paresthésies à type de fourmillements, des myoclonies ou d’autres phénomènes moteurs. En revanche, dans les AIT et les ENFT, ce sont les déficits neurologiques, tels que les parésies, les déficits du champ visuel ou les troubles du langage, qui sont au premier plan. Les troubles de la conscience sont typiques des crises d’épilepsie, alors qu’ils sont rares dans les diagnostics différentiels mentionnés. Une durée supérieure à 15 minutes n’est pas typique des crises d’épilepsie et évoque plutôt des AIT, des ENFT ou d’autres maladies neurologiques, comme par ex. une aura migraineuse.
Il convient toutefois de noter que les crises d’épilepsie chez les personnes âgées sont souvent oligosymptomatiques. Une manifestation typique est une crise focale non perçue de façon consciente, caractérisée par une immobilité et un regard figé. Une telle crise peut facilement passer inaperçue et nécessite une observation minutieuse ainsi qu’une sollicitation verbale ciblée de la personne touchée pendant la crise. Il est fréquent que des troubles post-ictaux tels que la confusion apparaissent par la suite.
La distinction diagnostique se base généralement sur une anamnèse approfondie et sur les observations de tiers, mais elle est souvent difficile à établir. La mise en évidence d’altérations typiques de l’épilepsie à l’électroencéphalogramme (EEG) interictal, l’enregistrement EEG-vidéo ictal et la délimitation des diagnostics différentiels au moyen de l’imagerie par résonance magnétique peuvent s’avérer utiles. La sensibilité d’un bref EEG interictal de routine pour la détection de potentiels typiques de l’épilepsie n’est que de 20–30% et ne suffit pas à exclure une épilepsie en cas de résultats négatifs. La sensibilité peut être augmentée jusqu’à 70% par un enregistrement précoce, des EEG répétés et la réalisation d’un EEG de longue durée pendant la nuit.
2. Existe-t-il une épilepsie?
Lorsqu’il est établi qu’il s’agit d’une crise d’épilepsie, il convient de déterminer s’il s’agit d’une crise provoquée ou non provoquée (Tab. 1). La devise est la suivante: «Toute personne atteinte d’épilepsie a des crises, mais toute personne ayant des crises n’est pas épileptique».
Les crises provoquées sont aujourd’hui appelées «crises symptomatiques aiguës» [2]. Celles-ci surviennent en étroite relation temporelle avec une maladie cérébrale ou un trouble métabolique, toxique ou inflammatoire. Les crises d’épilepsie qui surviennent dans les 7 premiers jours suivant un AVC sont considérées comme symptomatiques aiguës. La raison en est que ces crises sont déclenchées par des altérations toxiques et inflammatoires aiguës dans le cadre de l’AVC et ne sont pas l’expression d’une épilepsie sous-jacente. En conséquence, le risque de crises non provoquées ultérieures est plutôt faible. Toutefois, la limite de 7 jours n’est pas bien établie et des données récentes, non encore publiées, indiquent que les crises survenant au cours du premier mois après l’AVC sont également associées à un faible risque de crises non provoquées ultérieures et pourraient donc également être considérées comme symptomatiques aiguës (Tab. 2).
En revanche, les crises qui surviennent plus tard après un AVC sont considérées comme non provoquées, pour autant qu’elles n’aient pas été déclenchées par d’autres facteurs, comme par exemple une hyponatrémie. Si une crise non provoquée a vraisemblablement été causée par l’AVC sous-jacent, c’est-à-dire si elle présente une sémiologie compatible, il faut s’attendre à un risque élevé de récidive, supérieur à 60%, de nouvelles crises non provoquées au cours des 10 années suivantes. Ainsi, selon les lignes directrices actuelles, le diagnostic d’épilepsie structurelle peut déjà être posé après une première crise d’épilepsie non provoquée consécutive à un AVC [3].
3. Quel est le traitement adéquat dans cette situation?
La distinction entre les crises symptomatiques aiguës et l’épilepsie structurelle est cruciale, car les approches thérapeutiques sont très différentes. Une présentation détaillée du traitement de ces deux entités est proposée dans la suite de cet article.
En résumé, les lignes directrices ne recommandent aucun traitement ou seulement un traitement à court terme pour les crises symptomatiques aiguës, alors que l’épilepsie nécessite généralement un traitement à long terme (Fig. 1) [4]. Si un traitement est initié après une crise symptomatique aiguë, il doit être relativement agressif et faire appel à un médicament à action rapide. Cela s’explique par le fait que le risque de nouvelles crises est le plus élevé dans les premiers jours suivant un AVC et qu’il diminue ensuite rapidement. En revanche, le traitement de l’épilepsie chez les personnes âgées repose sur le principe start low, go slow, car avec l’âge, la clairance des médicaments antiépileptiques est réduite.
Risques après des crises symptomatiques aiguës
Environ 40 à 50% des premières crises d’épilepsie sont symptomatiques aiguës. Les maladies cérébrovasculaires comptent parmi les causes les plus fréquentes des crises symptomatiques aiguës, en particulier chez les personnes âgées. Les crises sont particulièrement fréquentes chez les patients traités en unité de soins intensifs à la suite d’un AVC, 20 à 30% d’entre eux étant victimes de crises. Cependant, bon nombre de ces crises sont non convulsives, ne présentent que des symptômes minimes ou sont complètement subcliniques.
Si une surveillance EEG continue est effectuée, davantage de crises peuvent être détectées. Dans une étude prospective menée chez des patients ayant subi des hémorragies intracérébrales, des crises subcliniques ont été détectées chez près de la moitié d’entre eux [5]. Il n’est pas clair si les crises subcliniques ont une signification similaire à celle des crises cliniques. Il existe toutefois des preuves que les crises subcliniques sont associées à un risque aussi élevé de développer ultérieurement une épilepsie que les crises cliniques, ainsi qu’à un mauvais devenir. Par conséquent, le traitement des crises subcliniques devrait probablement être similaire au traitement des crises cliniques.
Risque de développer une épilepsie: Les crises symptomatiques aiguës ne sont pas synonymes d’épilepsie, car elles sont déclenchées par une lésion cérébrale aiguë. Elles indiquent toutefois que la personne concernée pourrait avoir un seuil épileptogène bas et que l’AVC a activé un réseau potentiellement épileptique qui pourrait contribuer plus tard au développement d’une épilepsie. Les crises symptomatiques aiguës constituent donc le principal facteur de risque de développement d’une épilepsie après un AVC.
Chez les personnes ayant été victimes d’une crise symptomatique aiguë, le risque d’épilepsie ultérieure est d’environ 20–40%. Le risque le plus élevé, supérieur à 80%, est observé chez les patients qui ont eu un état de mal épileptique symptomatique aigu. Un risque accru, de l’ordre de 60–70%, existe probablement aussi chez les patients ayant eu une crise tonico-clonique symptomatique aiguë le jour de l’AVC.
Les autres facteurs de risque de développer une épilepsie après un AVC sont le type, la localisation, la sévérité et l’étiologie de l’infarctus. Il existe désormais des modèles pronostiques très bien validés qui permettent de prédire le risque avec une grande précision. Il est recommandé d’utiliser le modèle SeLECT (Tab. 3) [6,7] pour les infarctus cérébraux ischémiques et le modèle CAVE (Tab. 4) [8] pour les infarctus hémorragiques. Pour le modèle SeLECT, il existe une application pour smartphone appelée SeLECT Score, qui facilite le calcul au chevet du patient.
Influence sur le devenir: Les crises consécutives à un AVC sont associées à un plus mauvais devenir, y compris une mortalité plus élevée, un handicap plus important et un risque accru de troubles cognitifs, notamment de démence [20]. Ces effets sont nettement plus marqués en cas de crises symptomatiques aiguës par rapport aux crises non provoquées survenant plus tard. Le devenir est le plus mauvais après un état de mal épileptique symptomatique aigu, qui multiplie par dix le risque de mortalité. Cependant, dans la plupart des cas, la raison du décès lors d’un état de mal épileptique symptomatique aigu est l’arrêt du traitement ou une approche palliative.
Il est important de souligner que ces relations représentent une association et pas nécessairement un lien de causalité. En d’autres termes, les crises consécutives à un AVC sont un indicateur d’une lésion cérébrale particulièrement sévère due à l’infarctus. Il n’est pas certain qu’un traitement antiépileptique améliore le devenir. La plupart des études indiquent plutôt que le devenir ne s’en trouve pas amélioré.
Traitement des crises symptomatiques aiguës
Il existe peu de preuves robustes concernant le traitement des crises symptomatiques aiguës, mais beaucoup d’incertitudes et de malentendus. Les lignes directrices actuelles de la Société allemande de neurologie (DGN) recommandent en premier lieu de ne pas traiter les crises symptomatiques aiguës [4]. Cela est principalement justifié par le fait qu’il faut éviter un surtraitement fréquent. Si, après une évaluation individuelle, un traitement devait tout de même être initié, il ne devrait être administré qu’à court terme et pendant la phase aiguë, c’est-à-dire dans les 7 à 14 premiers jours suivant l’AVC. Il est en outre recommandé de recourir à des modèles pronostiques, tels que le SeLECT-Score ou le CAVE-Score, pour l’évaluation individuelle.
La réalité diverge toutefois considérablement des recommandations des lignes directrices. Des registres pronostiques allemands et américains ainsi que des enquêtes internationales montrent que 9 patients sur 10 souffrant de crises symptomatiques aiguës sont traités par antiépileptiques. Environ la moitié de ces patients reçoivent un traitement de plusieurs mois et jusqu’à un tiers sont traités à long terme avec des antiépileptiques. Ces données proviennent en grande partie de centres spécialisés, de sorte que les chiffres réels dans la population générale sont peut-être encore plus élevés. Il existe donc un écart important entre les recommandations des lignes directrices et la pratique clinique.
Il existe certains arguments qui pourraient plaider en faveur ou en défaveur du traitement des crises symptomatiques aiguës par antiépileptiques (Tab. 5). La crainte de nouvelles crises, qui pourraient entraîner des chutes ou des blessures ou qui pourraient accabler les patients, plaide en faveur d’un traitement. Ceci est particulièrement pertinent chez les patients présentant des sténoses vasculaires de haut grade, des vasospasmes ou une pression intracrânienne élevée et ceux ayant subi une intervention neurochirurgicale.

D’un autre côté, le traitement par antiépileptiques peut également avoir des effets indésirables. Par exemple, les effets indésirables psychiatriques pourraient diminuer la motivation à suivre une neuroréhabilitation et ainsi entraver la récupération après l’AVC. Les interactions avec d’autres médicaments, tels que les anticoagulants, les antihypertenseurs ou les hypocholestérolémiants, pourraient réduire l’efficacité du traitement et augmenter ainsi le risque de récidive d’événements cérébrovasculaires, en particulier avec les antiépileptiques inducteurs enzymatiques. On ignore actuellement s’il existe une interaction pertinente entre les anticoagulants oraux directs et les antiépileptiques, car les résultats des études sont contradictoires. Un traitement à long terme par antiépileptiques peut également augmenter la stigmatisation et les coûts pour les patients.
La question de savoir si un traitement anticonvulsivant des crises symptomatiques aiguës après un AVC pourrait avoir un effet neuroprotecteur ou antiépileptique est encore à l’étude. Il n’existe pour l’heure pas de preuves univoques.
De notre point de vue, il est recommandé de procéder à une évaluation individuelle. Nous suivons à cet égard le concept «The Good, The Bad, and The Ugly».
«The Good»: Les crises symptomatiques aiguës de bon pronostic et à faible risque sont celles qui ne s’accompagnent pas de troubles sévères de la conscience ou de phénomènes moteurs prononcés et qui surviennent chez des patients ayant un faible handicap après l’AVC et ne présentant pas de sténoses vasculaires de haut grade. Si ces crises ne surviennent qu’une seule fois ou rarement, nous estimons qu’il est possible de renoncer à un traitement anticonvulsivant.
«The Bad»: Si les crises symptomatiques aiguës sont associées à un risque de blessure ou à une détérioration neurologique, par ex. en cas de sténoses de haut grade, de vasospasmes ou de pression intracrânienne élevée, un traitement anticonvulsivant à court terme doit être envisagé. Dans ces cas, il est recommandé d’utiliser des antiépileptiques dont la dose peut être augmentée rapidement et qui ont un profil d’interaction et d’effets indésirables favorable. Le lévétiracétam est le plus souvent utilisé dans la pratique (dans >90% des cas) [21]. Le deuxième choix le plus fréquent est le lacosamide. L’acide valproïque est aussi utilisé assez fréquemment, mais il présente à notre avis un profil un peu plus problématique et devrait plutôt être considéré comme un traitement de deuxième choix.
Dans ces cas, nous recommandons que le traitement soit de courte durée, idéalement de 7 à 14 jours. Dans la pratique, certains centres poursuivent cependant ce traitement pendant 3 mois, suite à quoi l’arrêt du traitement est décidé lors d’une consultation ambulatoire, incluant un EEG.
«The Ugly»: En cas d’état de mal épileptique symptomatique aigu, il existe un risque élevé (>80%) d’épilepsie ultérieure, un devenir défavorable et une mortalité élevée [18]. Dans ces cas, un traitement anticonvulsivant est toujours nécessaire. En raison du risque élevé de développement ultérieur d’une épilepsie, un traitement anticonvulsivant à plus long terme peut également être envisagé. Des contrôles neurologiques réguliers devraient au minimum être planifiés.
Outre l’état de mal épileptique symptomatique aigu, il existe d’autres situations associées à un risque élevé (>60%) d’épilepsie post-AVC ultérieure. Il s’agit notamment des crises tonico-cloniques symptomatiques aiguës survenant le même jour que l’AVC ainsi que de certaines situations à haut risque, comme l’apparition d’altérations typiques de l’épilepsie à l’EEG précoce. Pour une stratification précise du risque, il convient d’utiliser des modèles pronostiques courants tels que SeLECT ou CAVE. Lorsque ces modèles prédisent un risque de plus de 60% d’épilepsie ultérieure, certains experts recommandent un traitement anticonvulsivant à long terme, comme si une épilepsie était déjà présente. Toutefois, aucune étude n’a encore été menée pour déterminer si cette stratégie est réellement efficace.
Prophylaxie de l’épilepsie post-accident vasculaire cérébral (anti-épileptogenèse)
L’épilepsie en tant que conséquence à long terme des événements cérébrovasculaires fait partie des causes les plus fréquentes d’épilepsie chez les personnes âgées [9]. Bien que le risque d’épilepsie post-AVC soit d’environ 12% dans les 10 ans suivant un AVC ischémique et qu’il augmente même jusqu’à 30% après une hémorragie cérébrale, ces chiffres ne justifient pas un traitement anticonvulsivant à titre prophylactique sans que des crises d’épilepsie ne se soient effectivement produites [10,11]. En l’absence de preuves correspondantes, un tel traitement prophylactique ne peut pas être recommandé, car les patients seront affectés par des effets indésirables et ne bénéficieront pas d’une protection judicieuse contre les crises. Cette problématique est également exacerbée par la polythérapie fréquente due à de nombreuses comorbidités dans ce groupe d’âge. Des études sont dès lors nécessaires pour évaluer la prophylaxie pharmacologique de la survenue d’une épilepsie post-AVC, études qui font précisément défaut à ce jour. Les expériences menées jusqu’à présent ont été rares et peu concluantes. Des collègues de Tel Aviv ont conçu, au cours de la première décennie de ce siècle, un concept compact et prometteur pour la prévention de l’épilepsie post-AVC [12]. Ils ont choisi comme groupe cible les patients avec hémorragies intracérébrales, c’est-à-dire ceux qui présentent le plus grand risque de développer une épilepsie, et comme substance pharmacologique le valproate, un anticonvulsivant très puissant. Il s’agit là d’une constellation parfaite au premier abord pour atteindre l’objectif. Les auteurs ont randomisé en double aveugle 72 patients souffrant d’hémorragies intracérébrales non anévrismales dans deux groupes. Une moitié (n=36) a reçu du valproate pendant 4 semaines et l’autre (n=36) un placebo. Le nombre de crises d’épilepsie au cours de la première année après l’hémorragie cérébrale a été comparé entre le traitement actif et le placebo, et aucune différence statistiquement significative n’a été constatée entre les deux bras (19,5% vs 22,2%; p=0,8).
Une autre étude, intitulée «Early Treatment with Levetiracetam After Stroke for the prevention of late seizures» (ETLAS), s’est penchée sur la question de l’anti-épileptogenèse après un AVC. Il s’agissait d’une étude multicentrique, randomisée, contrôlée contre placebo et en double aveugle, à laquelle ont participé des patients victimes d’un AVC présentant un syndrome cortical et un score de Rankin modifié ≥3 ou un score National Institutes of Health Stroke Scale (NIHSS) ≥6. Les participants ont été traités par 1500 mg/jour de lévétiracétam ou un placebo pendant 12 semaines après l’AVC et ont été suivis pendant 1 an [13]. Le traitement a été initié entre 48 heures et 7 jours après l’événement index et le critère d’évaluation primaire était la survenue d’une première crise d’épilepsie tardive, définie comme une crise d’épilepsie non provoquée survenant plus d’1 semaine après l’AVC. En raison de problèmes de recrutement, seuls 16 patients (lévétiracétam, n=9; placebo, n=7) ont été inclus dans l’étude entre août 2005 et décembre 2006, et un seul patient (bras placebo) a développé une épilepsie post-AVC. Le recrutement a été compliqué par le fait que la plupart des patients remplissaient des critères d’exclusion ou présentaient des comorbidités qui empêchaient leur participation à l’étude. En raison de ces difficultés, les auteurs ont conclu qu’il n’était pas possible de mener une étude sur l’anti-épileptogenèse pour prévenir l’épilepsie post-AVC.
Malgré les tentatives infructueuses de la dernière décennie, la prévention de l’épileptogenèse après un AVC reste un défi scientifique motivant pour de nouvelles études. Des modèles animaux expérimentaux ont suggéré un effet anti-épileptogène potentiel de l’acétate d’eslicarbazépine (ESL). Cet effet a été suggéré par une inhibition efficace des courants entrants des canaux hCaV3.2 de haute et de basse affinité [14,15]. Il a par exemple été démontré dans un modèle murin d’épilepsie chronique utilisant la pilocarpine qu’un traitement temporaire par ESL réduisait considérablement la fréquence et la durée des décharges épileptiformes au stade chronique, et il a en outre été montré que le traitement par ESL atténuait la perte neuronale et réduisait sensiblement l’altération de la coordination [14]. Dans ce contexte, le Prof. Koepp de Londres, en collaboration avec le Prof. Trinka de Salzbourg et d’autres co-auteurs, ont conçu une étude de phase II multicentrique, randomisée, en double aveugle et contrôlée contre placebo, afin de tester l’hypothèse d’un éventuel effet préventif de l’ESL sur le développement d’une épilepsie post-AVC et d’évaluer si un traitement par ESL d’1 mois pouvait prévenir les crises non provoquées après un AVC [16]. Des patients présentant un risque élevé de développer des crises non provoquées à la suite d’une hémorragie intracérébrale aiguë ou d’un AVC ischémique aigu ont été randomisés pour recevoir soit de l’ESL 800 mg/j, soit un placebo, avec une initiation du traitement dans les 120 heures suivant la survenue de l’AVC primaire. Le traitement a été poursuivi jusqu’au 30e jour, puis a été arrêté. Les patients ont bénéficié de tous les traitements nécessaires à la prise en charge de l’AVC, conformément aux lignes directrices de la pratique clinique et aux normes de soins, et ont été suivis pendant 18 mois. Le critère d’évaluation primaire était la survenue d’une première crise non provoquée dans les 6 mois suivant la randomisation («taux d’échec»). Les critères d’évaluation secondaires incluaient la survenue d’une première crise non provoquée dans les 12 mois suivant la randomisation et pendant toute la durée de l’étude, les résultats fonctionnels (indice de Barthel; NIHSS), la dépression post-AVC (Patient Health Questionnaire-9; PHQ-9) et la survie globale. Les évaluations de sécurité comprenaient l’évaluation des événements indésirables liés au traitement, les paramètres de laboratoire, les signes vitaux, l’électrocardiogramme, les pensées suicidaires et le comportement suicidaire (PHQ-9, question 9). Le protocole visait à randomiser environ 200 patients (1:1) recrutés sur 21 sites dans sept pays européens et en Israël. Malgré les défis, notamment pendant la pandémie de COVID-19, l’étude a progressé et a inclus un nombre remarquable de patients: 129 ont été examinés et 125 ont été randomisés. Le recrutement a été arrêté après 30 mois et les résultats sont attendus prochainement.
Traitement de l’épilepsie post-accident vasculaire cérébral
L’évolution clinique de l’épilepsie post-AVC est hétérogène. Hormis les formes qui répondent bien au traitement, il existe également des cas réfractaires. Par conséquent, un suivi neurologique spécialisé est judicieux pour cette maladie. L’expérience d’un médecin spécialiste est déjà nécessaire pour faire la distinction entre les crises d’épilepsie focales et les événements cérébrovasculaires dans le cadre du diagnostic différentiel. Il n’est pas rare que les patients, mais aussi les médecins d’autres spécialités, confondent les phénomènes ictaux nouvellement apparus avec des AIT, ce qui peut conduire à des décisions thérapeutiques erronées. Le suivi neurologique des patients ayant été victimes d’un AVC est donc recommandé, car il permet d’identifier et de traiter correctement les séquelles.
Une fois l’épilepsie post-AVC diagnostiquée, il est important de choisir le bon traitement pour contrôler efficacement les crises et éviter les effets indésirables. Comme il n’existe pas de lignes directrices spécifiques pour l’épilepsie post-AVC, le choix des médicaments se fait généralement sur la base des recommandations pour le traitement anticonvulsivant en cas d’épilepsie structurelle (focale). Ce faisant, il convient toutefois de tenir compte des comorbidités des patients victimes d’un AVC, car il n’est pas rare qu’ils souffrent de troubles affectifs et cognitifs (par ex. dépression post-AVC, démence vasculaire). Ainsi, l’administration de modulateurs de SV2A peut entraîner un risque accru d’effets indésirables affectifs. De manière générale, l’initiation des médicaments anticonvulsivants nécessite un contrôle neurologique spécialisé et, le cas échéant, une correction. Nos recherches ont montré que le contrôle et l’optimisation des antiépileptiques au cours de la première année après la survenue de l’épilepsie post-AVC entraînent une amélioration de 40% du contrôle des crises et une amélioration substantielle de la qualité de vie liée à la santé des patients [17].
Les données sur le traitement spécifique de l’épilepsie post-AVC sont essentielles pour aider rapidement et efficacement les patients en choisissant le bon médicament. En l’absence d’études randomisées en double aveugle sur le traitement de l’épilepsie post-AVC, plusieurs études observationnelles se sont penchées sur le sujet. À défaut de la prophylaxie, l’ESL se révèle être une substance prometteuse dans le traitement de l’épilepsie post-AVC diagnostiquée. Les données de l’étude Euro-Esli, par exemple, vont dans ce sens. Il s’agit d’une analyse des données regroupées de 14 études européennes portant sur un total de 2058 patients [18]. Dans l’analyse en sous-groupes actuelle, les informations sur l’étiologie étaient connues pour 1656 patients et 76 (4,6%) d’entre eux avaient une épilepsie post-AVC. Les critères d’évaluation étaient l’absence de crises et le taux de répondeurs (réduction ≥50% de la fréquence des crises). Lors de la dernière visite, le taux de répondeurs était significativement plus élevé chez les patients souffrant d’épilepsie post-AVC que chez ceux présentant d’autres étiologies d’épilepsie (72,9% vs 60,6%; p=0,04). Aucune différence significative n’a été observée aux autres temps d’évaluation (3, 6 ou 12 mois). Le taux d’absence de crises était plus élevé chez les patients atteints d’épilepsie post-AVC à la plupart des temps d’évaluation (par ex. 48,6% vs 31,7% lors de la dernière visite; p<0,01). L’incidence des événements indésirables était similaire chez les patients atteints d’épilepsie post-AVC et chez ceux atteints d’autres formes d’épilepsie (36,0% vs 35,8%; p=0,966). Les auteurs ont conclu que l’ESL pourrait être une option de traitement efficace et bien tolérée pour les patients atteints de crises focales dans le cadre de l’épilepsie post-AVC.
Notre groupe de travail s’est efforcé de concevoir une étude comparative portant exclusivement sur des monothérapies. Au total, 207 patients ont été inclus, ce qui représente un grand nombre de patients par rapport aux autres études disponibles [19]. Les médicaments comparés étaient le lévétiracétam (n=60), le lacosamide (n=43), la lamotrigine (n=40), l’ESL (n=38), le valproate (n=18), le topiramate (n=3), le zonisamide (n=2), la gabapentine (n=2) et la carbamazépine (n=1). Les résultats ont montré que les antiépileptiques avec un mécanisme d’action basé sur l’inhibition lente des canaux sodiques (ESL et lacosamide) présentaient le meilleur taux de rétention et de contrôle des crises par rapport aux antiépileptiques avec d’autres mécanismes d’action. En guise d’autocritique, il convient de noter que les antiépileptiques les plus récents, tels que le brivaracétam, le pérampanel et le cénobamate, n’ont pas été pris en compte dans cette étude, car le traitement avec ces substances n’était pas encore très répandu au moment de la collecte des données. En ce qui concerne le brivaracétam, l’analyse en sous-groupes de l’étude BRIVAFIRST portant sur 75 patients atteints d’épilepsie post-AVC est désormais disponible et montre un taux de répondeurs de 36 à 42,7% et un taux d’absence de crises de 24 à 34,7% [20]. Une comparaison avec d’autres antiépileptiques n’a pas été effectuée dans cette étude.
Il existe à présent des données sur le traitement de l’état de mal épileptique dans le cadre de l’épilepsie post-AVC, qui reproduisent les résultats de notre étude citée ci-dessus [19,21,22]. Il a été montré chez 138 patients atteints d’épilepsie post-AVC avec état de mal épileptique réfractaire que les antiépileptiques agissant par inhibition lente des canaux sodiques étaient les plus efficaces pour contrôler l’état de mal épileptique [22]. De façon concordante, notre étude sur l’utilisation de l’ESL pour interrompre l’état de mal épileptique a montré que ces inhibiteurs lents des canaux sodiques étaient les plus efficaces chez les patients atteints d’épilepsie post-AVC. L’administration d’ESL a permis de mettre fin à l’état de mal épileptique chez 65,2% des patients atteints d’épilepsie post-AVC par rapport à 29,8% de ceux atteints d’autres formes d’épilepsie structurelle (29,8%; p<0,01) [21].
Conclusion
L’épilepsie post-AVC est la forme d’épilepsie la plus fréquente chez les personnes âgées et peut poser des défis à la fois en termes de diagnostic différentiel et de traitement. Pour cette raison, il est essentiel de connaître la présentation clinique des crises d’épilepsie chez les personnes âgées et leurs imitateurs («mimics»). Les crises symptomatiques aiguës après un événement cérébrovasculaire sont associées à un faible risque de récidive et, contrairement aux crises qui sont la première manifestation d’une épilepsie, elles ne constituent généralement pas une indication pour un traitement antiépileptique à long terme. La limite temporelle de 7 jours fait office de valeur indicative, bien que des exceptions soient possibles dans des situations particulières et qu’une prédiction précise de la probabilité de récidive fasse l’objet de recherches actuelles. Suite à des initiatives internationales, le modèle SeLECT a été développé pour les infarctus cérébraux ischémiques, avec également une application smartphone pour une utilisation au chevet du patient, et le modèle CAVE pour les infarctus hémorragiques. Les décisions concernant la durée du traitement antiépileptique sont prises sur la base du risque de récidive calculé et les scénarios possibles («The Good», «The Bad» et «The Ugly») ont été décrits en détail dans cet article. Concernant la prévention de l’épileptogenèse après un AVC, il n’y a pas encore de résultats de recherche positifs, bien que différents groupes de travail poursuivent leurs recherches sur ce thème. Le plus grand espoir réside à l’heure actuelle dans les inhibiteurs lents des canaux sodiques, comme l’ESL ou le lacosamide. Ce mécanisme d’action présente indéniablement des avantages en termes d’effets antiépileptiques dans l’épilepsie post-AVC, comme le montrent les études ouvertes les plus récentes.
Références:
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Tiré à part d’InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 6/2024