Le domaine des maladies inflammatoires de la peau est en constante évolution. Des mises à jour sur les traitements standard actuels, les options thérapeutiques innovantes et l’intelligence artificielle ont été présentées lors de deux webinaires en direct accrédités en juin 2024, intitulés “Nouveaux horizons en dermatologie”. Vous trouverez ci-dessous un résumé des principaux concepts présentés.
Deux webinaires en direct intitulés “Nouveaux horizons en dermatologie” ont eu lieu le 13 juin 2024 (pour les auditeurs de Suisse romande) et le 27 juin 2024 (pour les auditeurs de Suisse alémanique). Les deux formations interdisciplinaires étaient axées sur différentes maladies inflammatoires de la peau. Les professeurs Nikhil Yawalkar (Inselspital, Berne) et Curdin Conrad (CHUV, Lausanne) se sont penchés sur le psoriasis (PsO), le professeur Dr. med. et. Dr. phil. nat. Christoph Schlapbach (Hôpital de l’Île, Berne) et le Dr Basile Darbellay (Orsières) avec la dermatite atopique (DA) et le Pr Falk Bechara (Ruhr-Universität, Bochum) avec l’hidradénite suppurée (HS). Enfin, les webinaires ont été complétés par une digression sur l’intelligence artificielle (IA) et son importance pour la dermatologie du futur par le Dr sc. med. Ludovic Amruthalingam (Haute école de Lucerne).
Au-delà de la peau : gestion globale du PsO
La PsO est une maladie hétérogène qui se présente sous différentes formes [1]. En outre, les intervenants des deux conférences ont souligné que la qualité de vie est fortement affectée par la PsO, même si elle est modérée à sévère, notamment parce que la charge de morbidité peut être aggravée par d’autres comorbidités [1]. La charge de morbidité peut s’accumuler tout au long de la vie – c’est ce que l’on appelle l’atteintecumulative du cours de la vie(ACLV) [2, 3]. Dans ce concept, le fardeau des comorbidités physiques et psychologiques s’additionne au fil du temps et provoque des handicaps à vie (figure 1) [2, 3]. Un traitement précoce et adéquat pourrait donc être d’une grande importance, ont estimé les deux intervenants. Plusieurs études indiquent également que les patients dont la maladie est de courte durée (≤2 ans) répondent mieux au traitement systémique que ceux dont la maladie est de longue durée (>2 ans) [4, 5]. Par exemple, des données récentes sur SKYRIZI® (risankizumab) montrent que les patients atteints d’une maladie de courte durée sont plus susceptibles d’atteindre un PASI de 100 (80,4 % après un an, 93,3 % après trois ans) que les patients atteints d’une maladie de longue durée (61,7 % après un an, 67,5 % après trois ans) [5]. Selon les conférenciers, cela montre qu’il faut traiter la maladie de manière optimale dans la bonne “fenêtre d’opportunité” et qu’il est ainsi possible d’atténuer ou même d’empêcher l’évolution de la maladie et/ou des comorbidités.

Le défi de la MA : objectifs thérapeutiques et options de traitement
La MA est également une maladie complexe. Au début de son exposé, le Dr Basile Darbellay a résumé les principales étapes de la pathogenèse de la MA : Pénétration de la peau saine, activation du système immunitaire inné, puis production de cytokines par les cellules Th2 [6]. Les cytokines telles que l’interleukine (IL)-4, IL-5, IL-13, IL-31 et IL-33 jouent un rôle central dans la pathogenèse [6]. Les options thérapeutiques pour la MA vont des traitements topiques aux traitements systémiques, et les inhibiteurs de Janus kinase (JAK) ont le potentiel d’inhiber un certain nombre de voies de signalisation essentielles pour la MA [6]. Les données d’une grande méta-analyse en réseau (NMA) portant sur 11 études et plus de 6000 patients montrent que le JAKi RINVOQ® (upadacitinib) à 15 mg/jour peut atteindre un niveau élevé d’éclaircissement de la peau et de soulagement des démangeaisons dans la MA modérée à sévère et qu’il est l’un des traitements systémiques les plus efficaces de la MA pendant 12 à 16 semaines [7]. Dans la suite du webinaire, le professeur Schlapbach a abordé les recommandations actuelles de l’AHEAD et a souligné l’importance de la prise de décision partagée et du concept de Minimal Disease Activity (MDA) [8]. Les données des études Measure Up 1 et 2 montrent que près de la moitié des patients traités par RINVOQ® atteignent une MDA après 16 semaines et peuvent la maintenir jusqu’à 52 semaines, contre 6% sous placebo [9].
Gestion de la HS : Quo vadis ?
Falk Bechara au début de son exposé : “L’HS fait actuellement l’objet d’un véritable engouement”. La maladie affecte massivement les aspects physiques, sociaux et économiques des patients [10-13]. L’HS est une maladie qui évolue par poussées, mais contrairement à la PsO, elle cumule non seulement les comorbidités et les limitations de la qualité de vie, mais aussi la transformation irréversible des abcès en lésions tissulaires, explique le professeur Bechara. Il est d’autant plus important, selon lui, de trouver la bonne “fenêtre d’opportunité” pour le traitement, c’est-à-dire de commencer un traitement dans la phase précoce de l’HS [14]. De plus, les lignes directrices allemandes actualisées font pour la première fois la distinction entre HS active et HS non active [15]. Ainsi, l’inflammation dans l’HS active est désormais mesurée par la méthode IHS, par rapport au Hurley-Grading dans l’HS non active [15]. Dans l’HS active, les inhibiteurs du TNF-α comme HUMIRA® (adalimumab) et les anti-IL-17 continuent de recevoir la recommandation la plus élevée [15]. De plus, de nombreux essais cliniques sont actuellement en cours sur les inhibiteurs JAK et les produits biologiques, dans le but d’améliorer encore la qualité de vie des patients [16].
La dermatologie du futur : le potentiel de l’IA
A la fin des deux formations, le Dr Ludovic Amruthalingam a complété le programme par un aperçu du potentiel de l’IA en dermatologie. Il a expliqué les bases et les méthodes de l’IA, du Machine Learning (ML) et du Deep Learning (DL), et a souligné les avantages de l’appellation “intelligence augmentée” plutôt que “intelligence artificielle“. Selon le Dr Amruthalingam, les modèles DL en particulier peuvent être utilisés tout au long du parcours du patient, de l’examen au diagnostic et au choix du traitement, en fournissant une assistance objective et précise. Par exemple, le comptage précis des lésions dans la PsO pustuleuse peut considérablement améliorer la granularité et l’objectivité de l’évaluation de la gravité. Alors que le comptage manuel est difficilement réalisable dans la pratique clinique quotidienne, les modèles DL peuvent effectuer cette tâche en quelques secondes seulement [17]. De plus, il existe déjà des approches pour utiliser des modèles de grand langage comme Meditron pour l’aide à la décision clinique et la communication avec les patients [18]. Enfin, le Dr Amruthalingam conclut : “L’IA ne remplacera pas les dermatologues, mais il est certain que tous les dermatologues utiliseront bientôt l’IA comme outil supplémentaire”.
Conclusion
Le domaine thérapeutique des maladies inflammatoires de la peau est en constante évolution. Souvent, ces maladies ont des répercussions importantes sur la vie des personnes concernées, qui peuvent aller bien au-delà de la peau. L’inflammation sous-jacente est cruciale – un traitement efficace et précoce peut donc avoir un impact positif pour réduire le fardeau des comorbidités et améliorer la qualité de vie.
Références
1. Griffiths, C.E.M., et al., Psoriasis. Lancet, 2021. 397(10281) : p. 1301-1315.
2. Linder, M.D., et al., Psoriasis – The Life Course Approach. Acta Derm Venereol, 2016. 96(217) : p. 102-8.
3 Warren, R.B., C.E. Kleyn, et W.P. Gulliver, Cumulative life course impairment in psoriasis : patient perception of disease-related impairment throughout the life course. Br J Dermatol, 2011. 164 Suppl 1 : p. 1-14.
4. Schakel, K., et al., L ‘intervention précoce contre la maladie avec le guselkumab dans le psoriasis entraîne un taux plus élevé de guérison complète stable (‘super réponse clinique’) : Week 28 results from the ongoing phase IIIb randomized, double-blind, parallel-group, GUIDE study. J Eur Acad Dermatol Venereol, 2023. 37(10) : p. 2016-2027.
5 Gargiulo, L., et al, A risankizumab super responder profile identified by long-term real-life observation-IL PSO (ITALIAN LANDSCAPE PSORIASIS). J Eur Acad Dermatol Venereol, 2024. 38(1) : p. e113-e116.
6 Weidinger, S., et al, Dermatite atopique. Nat Rev Dis Primers, 2018. 4(1) : p. 1.
7 Silverberg, J.I., et al, Efficacité comparée des thérapies systémiques ciblées pour la dermatite atopique modérée à sévère sans corticostéroïdes topiques : revue systématique et méta-analyse en réseau. Dermatol Ther (Heidelb), 2022. 12(5) : p. 1181-1196.
8 Silverberg, J., et al. Combining treat-to-target principles and shared decision-making : International expert consensus-based recommendations with a novel concept for minimal disease activity criteria in atopic dermatitis. J Eur Acad Dermatol Venereol, 2024. Epub ahead of print.
9. Silverberg J, et al. Le traitement par Upadacitinib augmente le degré d’activité minimale de la maladie chez les patients atteints de dermatite atopique modérée à sévère : résultats des études de phase 3 (Measure Up 1 et Measure Up 2). Présenté à l’AAD, San Diego, 8-12 mars 2024. 53959.
10. Dufour, D.N., L. Emtestam, et G.B. Jemec, Hidradénite suppurée : une maladie inflammatoire de la peau commune et douloureuse, mais sous-reconnue. Postgrad Med J, 2014. 90(1062) : p. 216-21 ; quiz 220.
11. Matusiak, L., A. Bieniek, et J.C. Szepietowski, L’hidradénite suppurée diminue de manière significative la qualité de vie et l’activité professionnelle. J Am Acad Dermatol, 2010. 62(4) : p. 706-8, 708 e1.
12. Abu Rached, N. et al. Rémission du diabète associée à un traitement optimisé de l’hidradénite suppurée. J Dtsch Dermatol Ges, 2024. Online ahead of print.
13. Abu Rached N., et al. A state-of-the-art systematic review of cancer in hidradenitis suppurativa. Ann Med. 2024 Dec;56(1):2382372.
14. Marzano, A.V., et al., Evidence for a ‘window of opportunity’ in hidradenitis suppurativa treated with adalimumab : a retrospective, real-life multicentre cohort study. Br J Dermatol, 2021. 184(1) : p. 133-140.
15. Zouboulis, C.C., et al., S2k guideline for the treatment of hidradenitis suppurativa / acne inversa – Short version. J Dtsch Dermatol Ges, 2024. 22(6) : p. 868-889.
16. études cliniques actuelles sur l’hidradénite suppurée sur www.clinicaltrials.gov.
17. Amruthalingam, L., et al, Quantification of Efflorescences in Pustular Psoriasis Using Deep Learning. Healthc Inform Res, 2022. 28(3) : p. 222-230.
18. Chen Z, et al. MEDITRON : Open Medical Foundation Models Adapted for Clinical Practice. 2024. Preprint disponible sur : 10.21203/rs.3.rs-4139743/v1. .
19. Kimball, A.B., et al, Psoriasis : l’impact sur la vie d’un patient est-il cumulatif ? J Eur Acad Dermatol Venereol, 2010. 24(9) : p. 989-1004.
20. Ros, S., L. Puig, et J.M. Carrascosa, Impact cumulé sur le cours de la vie : l’empreinte du psoriasis sur la vie du patient. Actas Dermosifiliogr, 2014. 105(2) : p. 128-34.
21 Pariente, B., et al. Développement du score de dommages digestifs de la maladie de Crohn, le score de Lémann. Inflamm Bowel Dis, 2011.17:p.1415-22.
Les références peuvent être demandées par les professionnels à medinfo.ch@abbvie.com.
Rapport : Dr. sc. nat. Stefanie Jovanovic
Cet article a été rédigé avec le soutien financier de AbbVie AG, Alte Steinhauserstrasse 14, 6330 Cham.
CH-ABBV-240083 08/2024
Cet article a été publié en allemand.