Mourir à domicile est-il une utopie et une tâche quasiment insurmontable pour le médecin généraliste ou est-ce tout à fait faisable ? Cette question a été abordée dans un atelier lors de la conférence SwissFamilyDocs. Pour le Dr Hansruedi Banderet, l’objectif le plus important dans le traitement des patients en fin de vie est d’anticiper la planification des soins.
Le Dr Hansruedi Banderet, Bâle, a présenté les antécédents somatiques de M. B.F., un patient de 77 ans en phase terminale, qui a présenté à l’hôpital une agitation, une désorientation dans le temps et l’espace, de l’anxiété et, dans les dernières semaines de sa vie, un délire. Le plan dit “Advance Care Planning”, un plan global visant à mieux accompagner la fin de vie, prévoyait comme lieu de soins et de mort le domicile du patient, mais pas de thérapie invasive ni de réanimation cardio-pulmonaire (RCP). Le soutien venait de la famille, en premier lieu de l’épouse et en partie de la voisine. Un service (onco-)de soins à domicile était souhaité, si nécessaire. La procédure à suivre en cas d’urgence devrait être anticipée de manière judicieuse par le biais de la médication de réserve, de la documentation chez le patient et de la communication du numéro de téléphone portable correspondant.
Les conclusions d’une étude nationale par entretiens avec 25 médecins généralistes montrent qu’il est important de négocier une telle planification avec le patient et ses proches (tableau 1). Le médecin généraliste peut ainsi s’inscrire dans un réseau de relations. Une bonne prise en charge n’est possible qu’en équipe et est perçue comme un soulagement par les médecins généralistes. Anticiper les urgences et documenter correctement les souhaits et les besoins spécifiques du patient permet d’éviter bien des tracas.
Assistance après décès
Cependant, la prise en charge ne s’arrête généralement pas au décès du patient : De nombreux médecins recommandent un débriefing avec les proches, il est souvent nécessaire de relativiser les sentiments de culpabilité et de clarifier les incertitudes. “En outre, il faut dire que l’accompagnement en fin de vie implique toujours une préparation à sa propre mort”, ajoute le Dr Banderet.
Délire
Dr. med. Heike Gudat-Keller, Arlesheim, a parlé du délire et de la sédation. Le delirium en fin de vie est fréquent et pénible, et son origine est généralement multifactorielle (figure 1). Il peut être déclenché par une tumeur (métastases cérébrales, paranéoplasiques), des médicaments (tels que les opioïdes, les stéroïdes, les AINS, les antiémétiques) ou une infection (défaillance d’un organe, troubles électrolytiques, troubles de la glycémie). “Les principales règles sont les suivantes :
- Viser la prévention
- Effectuer un suivi
- Supprimer les causes traitables (réduire les médicaments, rotation des opioïdes, hydratation)
- Faire des accords clairs entre les équipes (fixer une limite de temps)
- Ne pas oublier l’information/l’assistance aux proches”, a déclaré le Dr Gudat-Keller.
Les troubles qualitatifs peuvent être traités médicalement par des neuroleptiques. Dans ce cas, le premier choix est l’Haldol®, le second choix est le Nozinan®, le Seroquel®, le Risperdal®, qui ont un effet légèrement plus faible que l’Haldol et ne sont donc pas suffisants pour le traitement des états progressifs graves.
Les benzodiazépines permettent de lutter contre l’agitation motrice. Le médicament de premier choix est le Valium®, puis le Dormicum® ainsi que le Tranxilium® sont envisagés, et pour les patients gériatriques, le Dipiperon® (jusqu’à 120 mg).
Sédation pallative
“La sédation pallative est l’administration consciente et surveillée de médicaments induisant le sommeil, de manière temporaire ou permanente, faible ou forte, à la dose minimale efficace, pour un ou plusieurs troubles réfractaires chez des personnes dont l’espérance de vie est limitée”, a résumé le Dr Gudat-Keller. “Les proches pensent souvent que la sédation est la “piqûre”, c’est-à-dire l’euthanasie.
En tant que praticien, vous devez avoir une réponse. Dans le cas de l’euthanasie active, l’objectif est que le patient meure. Dans le cas de la sédation, l’objectif est que le patient puisse supporter la situation. La différence d’objectif est essentielle. La sédation en soi n’écourte ni ne prolonge la vie, le terme signifie en principe uniquement que le patient est dans un état de somnolence ou de sommeil. Seules les mesures d’accompagnement telles que l’hydratation, l’alimentation, etc. limitent la vie”. Pour le traitement, selon le Dr Gudat-Keller, le Dormicum® (60-200 mg/j) est préférable, car il est souvent impossible de créer correctement la profondeur de la sédation avec d’autres médicaments. L’avantage ici est également la courte demi-vie. Il peut être réajusté rapidement si la première dose n’est pas correcte.
Les médecins généralistes sont-ils compétents en matière de soins palliatifs ?
C’est la question que s’est posée le Dr Klaus Bally, Bâle : “D’un côté, les patients semblent apprécier la disponibilité, le temps et l’écoute des médecins généralistes. Cependant, ces derniers se sentent souvent peu sûrs d’eux dans le domaine des soins palliatifs. A cela s’ajoute le fait que les proches endeuillés ont parfois l’impression que le traitement dans les cabinets de médecine générale est moins bon que dans d’autres institutions. Dans l’ensemble, les besoins des soignants, et en particulier des proches soignants, ne sont pas suffisamment pris en compte”.
Dans tous les cas, il est recommandé d’aborder le patient de manière proactive lorsqu’on l’a identifié comme un patient en soins palliatifs. Cela peut se faire par exemple en posant les questions suivantes : “A votre avis, où en êtes-vous dans votre maladie ?”, “Que devons-nous faire si un jour nous ne pouvons plus rester chez nous ?”, “Que dit votre famille ? Devons-nous en parler ensemble ?” ou “Voulez-vous faire une inscription préventive dans une maison de retraite/un hospice ?”, conclut le Dr Bally.
Source : “Mourir à domicile – souhait ou réalité ?”, atelier au congrès SwissFamilyDocs, 29-30 août 2013, Berne
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2013 ; 8 (10) : 39-40