Un médecin sur quatre en Suisse se sent épuisé. Mais où trouver de l’aide pour ceux qui ont l’habitude d’aider ? Le professeur Edith Holsboer-Trachsler, professeur extraordinaire de recherche clinique sur le stress et les traumatismes, UPK Bâle, et présidente de la Société suisse pour l’anxiété et la dépression, a donné son avis sur ce problème dans un entretien.
Madame Holsboer-Trachsler, le 1er congrès grand public de la SSAD a pour thème “Donner une voix aux personnes concernées”. Combien de fois les médecins en Suisse font-ils eux-mêmes partie des personnes concernées ?
Edith Holsboer-Trachsler : Pour la plupart des médecins, le stress fait partie du quotidien. La profession de médecin est, avec celle d’enseignant, l’un des domaines d’activité où le stress est le plus élevé. On sait toutefois qu’une exposition chronique au stress peut avoir des conséquences non seulement cardiovasculaires, mais aussi psychologiques. En effet, c’est dans ce secteur professionnel que l’on observe de nombreuses pathologies associées au stress, telles que les troubles du sommeil, l’épuisement psychophysique, l’anxiété et les maladies dépressives. La littérature nous apprend qu’environ un tiers des médecins souffrent de burn-out – jusqu’à 60 pour cent présentent des symptômes correspondants. Et selon une étude genevoise portant sur les années 2002 à 2007, un médecin sur quatre en Suisse se sent épuisé. De plus, une étude de Buddeberg-Fischer de 2005 a montré que la dépression et l’anxiété étaient plus fréquentes chez les internes que dans la population générale.
Si les professionnels de la santé sont eux-mêmes concernés, comment doivent-ils agir dans l’idéal ? Où peuvent-ils s’adresser ?
Pour les professionnels de la santé concernés, les approches sont bien sûr les mêmes que pour tous les autres patients : Prévention et diagnostic et traitement spécifiques le plus tôt possible. La prévention est justement extrêmement importante dans ce domaine, où le risque de maladies secondaires associées au stress est élevé. Dans ce contexte, on peut citer la pleine conscience, la connaissance de soi ou le sport. Mais il est également essentiel de chercher de l’aide et des conseils dès les premiers signes afin de permettre un diagnostic et un traitement précoces. Cependant, les médecins ont souvent un comportement assez particulier vis-à-vis de leur propre santé : Ils n’aiment pas chercher de l’aide, se diagnostiquent et se soignent eux-mêmes. En 2004, dans une étude de Bovier, 35% des médecins interrogés ont déclaré avoir des difficultés à obtenir une aide médicale. 90% des médecins qui ont pris un médicament au cours de la dernière semaine l’ont fait en automédication.
Quelle est l’ampleur du tabou concernant l’anxiété et la dépression dans les hôpitaux ?
Les cliniques ne sont pas très différentes des autres organisations de travail. Là encore, on retrouve souvent les mêmes réticences à l’égard de la maladie mentale. Cependant, la tendance à effectuer un diagnostic et un traitement par soi-même tend à renforcer le tabou et la stigmatisation. De plus, le burnout se heurte à une résistance compréhensible dans un milieu professionnel qui se place toujours dans le rôle de l’aidant. C’est pourquoi de nombreux hôpitaux organisent des programmes de formation ciblés sur la gestion du stress et des maladies mentales, ce qui contribue largement à lever les tabous et les stigmates.
L’interview a été réalisée par Elke Koch pour MedInside.
Annonce de l’événement Le 21 avril 2018, la SSAD (Société suisse pour l’anxiété et la dépression) organise le 1er congrès public sur le thème du stress, de l’anxiété et de la dépression. “Pas de tabou – parlez-en” s’adresse aux personnes concernées, à leurs proches et à toutes les personnes intéressées qui souhaitent faire quelque chose pour leur santé mentale. Le programme comprend de nombreuses conférences et ateliers sur différents aspects de la vie, présente les possibilités de prévention et de traitement et donne également la parole aux personnes concernées. Vous trouverez plus d’informations et le formulaire d’inscription au congrès public sur www.sgad.ch
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