La Fondation du Prix Pfizer de la Recherche a distribué un total de 195 000 CHF lors de l’événement anniversaire. Le bilan depuis 1992 montre que 283 lauréats ont été distingués, récompensant ainsi les jeunes chercheurs pour leurs excellents résultats de travail. C’est un encouragement et une motivation importants, mais aussi un soutien matériel pour la poursuite des travaux de recherche.
Les comités scientifiques indépendants ont évalué les travaux soumis dans les domaines suivants : cardiovasculaire, urologie, néphrologie, infectiologie, rhumatologie, immunologie, neurosciences et maladies du système nerveux et oncologie. Une nouveauté cette année : des prix ont également été décernés au département de pédiatrie. Nous les présentons brièvement ci-dessous.
Aide rapide en cas d’empoisonnement
L’objectif des recherches du Dr Vincent Forster est de pouvoir traiter plus rapidement les intoxications. Il a développé un nouveau liquide de dialyse péritonéale qui, grâce aux liposomes qu’il contient, permet d’éliminer plus rapidement et plus efficacement les substances nocives du sang.
Quelle est la cause commune du diabète et de l’hypertension ? Le Dr Philipp Krisai et Stefanie Aeschbacher de Bâle ont découvert qu’il pourrait s’agir de la protéine GLP-1. Le résultat de l’étude menée sur environ 1500 personnes a révélé que plus la pression artérielle est élevée, plus le GLP-1 est élevé. Toutefois, la causalité de cette relation n’est pas encore claire.
Des cocktails de bactéries saines ?
Le Dr Eva Gollwitzer est convaincue que les enfants peuvent bénéficier de l’administration d’un cocktail bactérien spécial et ainsi prévenir la maladie asthmatique. Les souris nouveau-nées auxquelles on a administré des cellules Treg étaient moins sujettes à des réactions allergiques aux acariens que les jeunes souris non traitées. Une transposition de cette approche de recherche aux humains pourrait les protéger contre l’asthme, à l’instar d’une vaccination chez les bébés.
Moana Mika et le Dr Insa Korten s’intéressent également aux germes protecteurs des voies respiratoires. Ils ont montré pour la première fois que les microbiotes évoluent au fil du temps et varient d’un enfant à l’autre. La comparaison entre des enfants sains et des enfants asthmatiques pourrait aider à l’avenir à développer un traitement de l’asthme avec un cocktail de bactéries.
Un trio de Genève et Lausanne, composé de Corinne Chaparro, du Dr David Longchamp et du Dr Marie-Hélène Perez, étudie comment une alimentation personnalisée peut sauver des vies d’enfants en soins intensifs. Les recommandations nutritionnelles actuelles se basent uniquement sur des études menées sur des adultes. Grâce à une nouvelle méthode, la mesure de la quantité d’azote dans l’urine, il est désormais possible, grâce au travail des chercheurs, de déterminer une composition de la quantité de calories et de protéines nécessaires en fonction des besoins et de l’enfant.
Une coopération de recherche entre l’ETH Zurich et l’Institut Friedrich Miescher de Bâle a pour objectif de “tromper” le virus de la grippe. On a découvert que le marqueur ubiquitine joue un rôle dans la rupture de la capsule des cellules dans les voies respiratoires. La rupture des cellules permet à l’information génétique de pénétrer dans le noyau de la cellule et des centaines de nouveaux virus sont créés. L’équipe du Dr Indranil Banerjee développe actuellement une substance qui bloque HDAC6 et ne lie donc plus l’ubiquitine, ce qui empêcherait la multiplication des virus de la grippe.
Felix Hartman et le Dr Laura Codarri de Zurich ont découvert de nouvelles cibles potentielles pour les médicaments contre la sclérose en plaques. Ils ont pu démontrer que l’interleukine-2 incite les cellules T auxiliaires à sécréter davantage de GM-CSF. On pense que le facteur GM-CSF est en partie responsable de l’apparition de l’inflammation. Si l’on parvient à bloquer ce facteur, la maladie pourrait être retardée.
Des chocs électriques contre la dépendance
Dans le cas de la toxicomanie, les nerfs communiquent de manière non coordonnée et envoient des signaux électriques perturbés. Il en résulte une envie constante de consommer la drogue. Une stimulation cérébrale profonde a permis de normaliser les circuits de signalisation lors d’expériences menées sur des souris dépendantes de la cocaïne, en même temps que l’administration d’un médicament. Cela pourrait jouer un rôle crucial dans le traitement de la toxicomanie, comme l’ont découvert deux chercheurs genevois, le Dr Meaghan Creed et le Dr Vincent Pascoli.
Le Dr Mirko Santello et le Pr Thomas Nevian ont découvert un nouveau mécanisme cellulaire dans le cerveau de la souris qui pourrait expliquer la chronicité de la douleur. La cause de l’excès d’impulsions douloureuses a été identifiée comme étant un canal ionique qui influence la propagation des impulsions électriques. En cas de douleur chronique, la fonction du canal est réduite. En manipulant le canal de manière ciblée, les chercheurs sont parvenus à rétablir l’état normal des cellules nerveuses.
Dans une étude portant sur 42 patients victimes d’un AVC, l’équipe de chercheurs dirigée par Pierre Nicolo de Genève a découvert que l’échange de signaux électriques semble contribuer à la qualité de la réparation du cerveau. Le développement d’une méthode utilisant un ordinateur et un électroencéphalogramme permet de quantifier cette communication électrique. Cela permettrait d’une part de prédire à l’avenir dans quelle mesure les patients se remettent d’un AVC, et d’autre part de développer des thérapies qui interviennent de manière ciblée sur les signaux électriques.
Un nouveau nez sorti du laboratoire
Le Dr Ilario Fulco souhaite faire de la repousse du nez en laboratoire une réalité et aider ainsi les personnes qui ont subi une chirurgie défigurante à la suite d’un cancer de la peau blanche. L’aile du nez développée se forme à partir d’un minuscule morceau de cartilage de la cloison nasale. Aujourd’hui, pour la première fois, cinq patients ont pu être traités avec succès et de grandes parties du nez ont été remplacées.
Le Dr Diletta di Mitri et le Dr Alberto Toso, Bellinzona, ont découvert que les cellules immunitaires peuvent empêcher les cellules tumorales de passer à l’état de repos. Les souris atteintes d’un cancer de la prostate présentaient une grande quantité de cellules myéloïdes qui produisent le messager IL-1RA. Celui-ci empêche les cellules cancéreuses de passer à l’état de dormance. Le blocage de l’IL-1RA pourrait inhiber la croissance tumorale.
Dans les cancers du sein à haut risque de métastases, les cellules tumorales produisent davantage de CCL2. Le Dr Marie-May Coissieux et le PD Dr Kirsten Merz ont testé l’administration d’anticorps bloquant les CCL2. Les souris ainsi traitées présentaient certes moins de métastases pulmonaires que les souris non traitées, mais on a observé une nette augmentation de la croissance des métastases après l’arrêt du traitement. Le constat : un traitement anti-CCL2 doit être utilisé avec prudence, car son arrêt peut rapidement entraîner la formation de métastases et donc le décès.
Source : Prix Pfizer de la recherche 2016, 28 janvier, Zurich
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2016, 11(3) : 7