Rapport de cas : La famille se présente aux urgences avec leur fille de 18 mois car des rougeurs persistent depuis des semaines dans la zone des couches et ne répondent pas au traitement prescrit par le pédiatre, à savoir la crème en pâte Imazol® et une crème au zinc. Les parents s’inquiètent d’une éventuelle infection. La fille ne serait apparemment pas particulièrement perturbée par ces changements. Pour le reste, elle est en bonne santé et présente un développement conforme à son âge. Un érythème très rouge et bien délimité est visible dans la zone de la couche, avec quelques petites lésions comparables dans la partie inférieure de l’abdomen (figure 1).
Quiz
Sur la base de ces informations, quel est le diagnostic le plus probable ?
A Eczéma atopique
B Érythème fessier irritatif et toxique
C Érythème fessier avec foyers de litière
D Psoriasis
E Dermatite par carence en zinc
Diagnostic et discussion : L’aspect clinique, avec un érythème très rouge, homogène et bien délimité, est frappant et se distingue nettement de l’érythème fessier toxique irritatif classique. Elle se caractérise par des macules et des papules érythémateuses qui apparaissent au niveau des zones convexes en contact direct avec la couche, avec une éviction primaire des fléchisseurs. L’érythème fessier se présente lui aussi différemment dans sa forme classique : sous forme de macules érythémateuses et squameuses avec une atteinte des plis et des papules et pustules qui s’en détachent (lésions satellites) et qui peuvent s’étendre au-delà de la zone de la couche. L’eczéma atopique épargne de manière caractéristique la zone des couches.
En premier lieu, cette présentation clinique est compatible avec la manifestation d’un psoriasis infantile. Environ 30% des patients atteints de psoriasis développent des manifestations cutanées pour la première fois pendant l’enfance et l’adolescence [1]. L’apparition congénitale ou au cours de la première année de vie est toutefois très rare. Cependant, chez ces enfants, la zone des couches est très souvent exclusivement ou majoritairement touchée [2]. Il est possible que cette manifestation soit due à l’effet de stimulation isomorphe (phénomène de Köbner) dans l’environnement irritant des couches. En raison de l’humidité et de l’occlusion permanentes, la desquamation typique est souvent absente, ce qui rend le diagnostic clinique difficile. Les limites nettes des lésions, toujours très caractéristiques du psoriasis, sont évocatrices. De plus, une atteinte de l’ombilic peut être utile au diagnostic. Il ne faut pas s’inquiéter de la présence de manifestations supplémentaires sur le visage, qui sont assez typiques du psoriasis à cet âge, contrairement à ce qui se passe à un âge plus avancé [2].
Le pronostic du psoriasis fessier est controversé et difficile à prévoir au cas par cas. Chez de nombreux enfants, il s’agit probablement d’une réaction psoriasiforme transitoire, éventuellement avec un facteur déclenchant infectieux, mais chez d’autres, le psoriasis peut très bien apparaître plus tard, même après des années. Les facteurs pronostiques négatifs sont des antécédents familiaux positifs de psoriasis et des manifestations étendues sur d’autres parties du corps.
Le diagnostic différentiel se pose notamment avec l’eczéma séborrhéique du nourrisson et une réaction d’hypersensibilité psoriasiforme après un érythème fessier à Candida (érythème fessier à Candida avec réaction Id psoriasiforme). Cette dernière n’est pas si rare et doit être considérée en particulier en cas d’érythème fessier initialement évident et d’antécédents familiaux négatifs de psoriasis ; elle a un bien meilleur pronostic en ce qui concerne l’évolution à long terme et la possibilité de développer des manifestations classiques de psoriasis plus tard dans la vie. L’eczéma séborrhéique du nourrisson peut être difficile, voire impossible, à distinguer cliniquement du psoriasis, mais il est souvent un peu plus pâle, touche souvent d’autres parties du corps comme le cou et les axilles et est plus facile à traiter.
Chez les enfants qui ne grandissent pas bien, le diagnostic différentiel très rare à envisager et à rechercher en laboratoire est une dermatite par carence en zinc ; la carence en zinc peut être soit d’origine alimentaire (surtout chez les anciens prématurés), soit liée à une acrodermatite entéropathique.
Traitement : le psoriasis du siège ne répond pas au traitement classique de l’érythème fessier avec de la crème au zinc et des produits externes traitants. Un traitement anti-inflammatoire à long terme avec des stéroïdes topiques initialement d’intensité moyenne avec transition vers des inhibiteurs de la calcineurine est souvent d’une excellente efficacité.
Littérature :
- Silverberg NB : Mise à jour sur le psoriasis pédiatrique. Cutis 2015 ; 95 : 147-152.
- Eichenfield LF, Frieden IJ : Neonatal and Infant Dermatology. 3rd edition. Elsevier Saunders 2015.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2016 ; 26(1) : 22-23