Les opioïdes sont une composante importante du traitement de la douleur chronique sévère. Malgré leur bonne efficacité et l’absence de toxicité sur les organes internes, le traitement est souvent interrompu en raison d’effets secondaires indésirables. L’une d’entre elles est la constipation induite par les opioïdes (COI), souvent difficile à traiter. En cas d’OIC réfractaire aux laxatifs, les antagonistes des récepteurs µ-opioïdes (“peripherally acting µ-opioid receptor antagonists”, PAMORAs) peuvent apporter un soulagement.
De nombreux patients dépendent d’opioïdes puissants pour obtenir un soulagement efficace de la douleur, mais il n’est pas rare que des effets secondaires gastro-intestinaux surviennent. La constipation induite par les opioïdes (COI) est un effet secondaire fréquent d’un traitement par opioïdes. Il s’agit d’une forme particulière de constipation due à l’activation des récepteurs µ-opioïdes dans l’intestin. Les patients concernés souffrent d’une nette diminution de leur qualité de vie. Une faible fréquence des selles (<3x/semaine), des selles dures, une inappétence, des nausées, des vomissements et des flatulences font partie des symptômes typiques de l’OIC. Ceux-ci sont si pénibles pour de nombreux patients qu’ils réduisent les doses d’opioïdes ou même arrêtent complètement le traitement. Afin d’améliorer la qualité de vie des patients et de maintenir une analgésie suffisante, un diagnostic précoce de l’OIC est essentiel. Pour cela, il faut une anamnèse soigneuse des selles et un questionnement actif de la part du médecin. Les recommandations pratiques de la Société allemande de médecine de la douleur ont été publiées en 2019 dans une version actualisée [1]. Il y est proposé d’utiliser l’indice de fonction de Bowel (BFI) comme un outil simple pour évaluer la vidange intestinale du point de vue du patient (encadré).
Le macrogol, un laxatif de premier choix
Les laxatifs conventionnels sont toujours considérés comme le traitement de première ligne de la CIO au niveau international. Cependant, pour environ la moitié des personnes concernées, ces traitements ne donnent pas de résultats satisfaisants. Cela s’explique par le mécanisme d’action non spécifique qui, dans le cas d’une OIC, est neutralisé par les effets spécifiques des opioïdes sur le système nerveux autonome entérique. La ligne directrice recommande de prescrire aux patients du macrogol (polyéthylène glycol) avec des opioïdes comme médicament d’accompagnement dès le début du traitement. Dans un essai randomisé, le macrogol s’est révélé supérieur au placebo dans le traitement de la constipation induite par la méthadone [2]. Les autres laxatifs conventionnels utilisés dans l’OIC sont le bisacodyl, le picosulfate de sodium et les préparations à base de séné. La réponse à un laxatif varie d’un individu à l’autre. Si l’utilisation d’une substance active, éventuellement à un dosage adapté, s’avère inefficace, il est judicieux de passer à une autre classe de substances actives.
Traiter les OIC réfractaires aux laxatifs avec PAMORA
Si les laxatifs conventionnels n’entraînent pas d’amélioration notable de la CIO (par ex. BFI >28,8 mm EVA, et/ou diminution <12 mmVAS, etc.), la ligne directrice propose un traitement par un antagoniste des récepteurs µ-opioïdes à action périphérique (“peripherally acting µ-opioid receptor antagonists”, PAMORAs). Les PAMORAs tels que le naloxégol, la méthylnaltrexone et la naldémédine soulagent de manière significative les symptômes d’une OIC selon des études cliniques contrôlées par placebo et se sont avérés bien tolérés. Les PAMORA agissent en bloquant les récepteurs opioïdes périphériques. En raison de leur structure moléculaire, les PAMORA ne franchissent pas la barrière hémato-encéphalique (intacte) et n’ont donc pas d’effets centraux, ce qui signifie qu’il n’y a pas de diminution mesurable de l’effet analgésique des opioïdes, comme cela a été démontré dans des études cliniques [1]. “La question de savoir dans quelle mesure les effets analgésiques des opioïdes à médiation périphérique et nécessaires dans des cas spécifiques peuvent néanmoins être inhibés par PAMORA fait actuellement l’objet de discussions”, précisent les auteurs du guide. Le risque est faible, mais ne peut pas être totalement exclu.
Dans certains cas, lorsqu’une monothérapie n’est pas suffisamment efficace et que l’utilisation d’antagonistes des récepteurs opioïdes périphériques (PAMORA) n’est pas envisageable, une combinaison de produits de principes actifs différents peut être envisagée pour traiter la constipation induite par les opioïdes. Le macrogol (polyéthylène glycol) et le bisacodyl, un laxatif à effet hydragogue, se combinent bien, par exemple.
Littérature :
- DGS-PraxisLeitlinie : Obstipation induite par les opioïdes, 2019, https://dgs-praxisleitlinien.de/opioidinduzierte-obstipation (dernier appel 31.05.2021)
- Freedman MD, et al : Tolérance et efficacité de la solution polyéthylène glycol 3350/électrolyte versus lactulose dans le soulagement de la constipation induite par les opiacés : un essai contrôlé par placebo en double aveugle. J Clin Pharmacol 1997 ; 37(10) : 904-907.
- Swissmedic : Information professionnelle Moventig® ; www.swissmedicinfo.ch (dernière consultation 31.05.2021)
- Chey WD, et al : Naloxegol for Opioid-Induced Constipation in Patients with Noncancer Pain. N Engl J Med 2014 ; 370 : 2387-2396.
- Nelson AD, Camilleri M. Opioid-induced constipation : advances and clinical guidance. Ther Adv Chronic Dis 2016 ; 7(2) : 121-134.
- Argoff CE, et al : Recommandations de consensus sur l’initiation de traitements sur ordonnance pour la constipation induite par les opioïdes. Pain Med 2015 ; 16(12) : 2324-2337.
Littérature complémentaire :
- Farmer AD, et al. : Lancet Gastroenterol Hepatol. 2018 ; 3(3) : 203-212.
- Murphy JA, Sheridan EA : Ann Pharmacotherapy 2018 ; 52(4) : 370-379.
- Sridharan K, Sivaramakrishnan G : J Pain and Symptom Manage 2018 ; 55 : 468-479.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2021 ; 16(6) : 22-24