Les infections du système nerveux central (SNC) entraînent souvent des modifications du liquide céphalorachidien (LCR). L’analyse du LCR permet non seulement de détecter une inflammation dans le SNC et donc de localiser le foyer infectieux, mais aussi, parfois, d’identifier l’agent pathogène à l’origine de l’infection. Les résultats de l’examen du LCR doivent toujours être considérés dans le contexte clinique et souvent complétés par des résultats d’examens sanguins et d’imagerie.
L’analyse du liquide céphalorachidien (LCR) revêt une importance particulière chez les patients suspectés d’être atteints d’une maladie infectieuse aiguë du SNC. La distinction entre un syndrome méningé et un syndrome encéphalitique, qui est particulièrement importante pour le diagnostic microbiologique ciblé et le traitement empirique, se fait principalement sur la base de la clinique et de l’imagerie, mais le diagnostic du liquide céphalorachidien fournit également des indices.
En l’absence de contre-indications (notamment des signes de pression intracrânienne dus à la pathologie du SNC), une ponction lombaire (PL) doit être réalisée rapidement. La ponction doit être effectuée si possible en position latérale afin de pouvoir mesurer la pression d’ouverture. La quantité de liquide céphalorachidien pouvant être prélevée sans risque n’est pas connue avec précision, mais elle devrait être plus importante chez les adultes que chez les enfants et atteindre au moins 15 ml.
Après une inspection visuelle (une opacité apparaît à partir d’environ 200 leucocytes/µl), le LCR doit être envoyé au laboratoire pour la quantification des leucocytes (y compris la différenciation) et des érythrocytes, des protéines totales, du glucose et du lactate. Cela doit également être fait sans délai, car la lyse des leucocytes se produit in vitro après une à deux heures seulement. Les normes correspondantes pour ces paramètres de routine sont présentées dans le tableau 1.
Une coloration de Gram et une culture bactérienne doivent toujours être demandées, sauf si l’on ne recherche qu’un agent pathogène spécifique (par exemple dans le cadre de l’examen d’une éventuelle neuroborréliose). D’autres examens, notamment des analyses de biologie moléculaire par PCR pour la recherche d’agents viraux, doivent être effectués en fonction de considérations cliniques (notamment aussi épidémiologiques). Il s’agit de rechercher les maladies pouvant être traitées et nécessitant un traitement, en particulier les virus de l’herpès simplex ou du varicelle-zona. Cependant, la détection de virus communs mais non traitables, tels que les entérovirus, peut également être utile, car elle permet d’établir un pronostic plus spécifique et de renoncer à des investigations supplémentaires.
Il faut savoir que la sensibilité des méthodes de culture pour la détection d’agents bactériens est influencée par la quantité de LCR disponible. En particulier en cas de suspicion de méningite tuberculeuse, il est recommandé d’utiliser au moins 6 ml de LCR (ou mieux encore) uniquement pour la culture. Enfin, tous les patients chez qui l’on suspecte une infection du SNC devraient également faire l’objet d’une hémoculture et, compte tenu du spectre différent des agents pathogènes chez les personnes immunodéprimées, d’un test VIH. Nous allons maintenant aborder brièvement quelques-unes des questions les plus fréquemment posées lors de l’interprétation des résultats du LCR en cas de maladie aiguë.
Infection avec un nombre de cellules normal ?
Chez les patients présentant des symptômes neurologiques (céphalées, troubles de la conscience, confusion, signes focaux) d’une part et de la fièvre ainsi que d’autres signes systémiques d’infection d’autre part, la question se pose souvent de savoir si l’on est en présence d’une infection primaire du SNC ou si les symptômes neurologiques sont l’expression d’une encéphalopathie septique. Un taux de leucocytes normal dans le LCR est un argument contre une inflammation intrathécale et donc contre une infection du SNC. Bien que rares, des cas de méningites bactériennes et d’encéphalites herpétiques ont été décrits, dans lesquels aucune pléiocytose n’a été observée dans le LCR au début de l’évolution de la maladie. L’absence de pléiocytose du LCR est probablement encore plus fréquente chez les patients neutropéniques. En cas de forte suspicion clinique, il convient donc de suivre un traitement empirique et de répéter la ponction lombaire un ou deux jours plus tard.
Inversement, une pléiocytose du LCR sans contexte approprié ne prouve évidemment pas une infection du SNC : les maladies inflammatoires auto-immunes, comme une poussée de sclérose en plaques, entraînent souvent une légère pléiocytose mononucléaire, mais rarement avec un nombre de cellules aussi élevé que de nombreuses infections du SNC. Une méningite médicamenteuse due aux AINS, à certains antibiotiques ou aux immunoglobulines intraveineuses peut même présenter la même composition du LCR qu’une méningite bactérienne.
Virale ou bactérienne ?
C’est notamment parce qu’il est souvent impossible de mettre en évidence un agent pathogène spécifique que les paramètres de routine de l’examen du LCR sont utilisés comme critères de distinction entre une étiologie virale et une étiologie bactérienne (tableau 2).
Malheureusement, dans de nombreux cas, on ne trouve pas les résultats classiques. Certes, en moyenne, le nombre de cellules et la proportion de neutrophiles par rapport à l’ensemble des leucocytes sont nettement plus élevés dans les méningites bactériennes, et le taux de glucose ou d’hémoglobine du LCR est plus faible. l’indice LCR/sérum pour le glucose est nettement inférieur à celui des maladies virales, mais aucun de ces paramètres n’est un critère de distinction fiable. En particulier, si une méningite bactérienne a été traitée par antibiotiques pendant une longue période avant la réalisation de la ponction lombaire, les résultats sont souvent typiquement “viraux”. Inversement, en cas de méningo-encéphalite virale, par exemple à entérovirus, une pléiocytose à prédominance de neutrophiles peut être présente au stade précoce.
Bien que le lactate et la procalcitonine ne doivent pas être utilisés comme seuls critères, un lactate du LCR <3,5 mmol/l et une procalcitonine dans le sérum <0,5 µg/l semblent fortement contre-indiqués pour une méningite bactérienne.
Le traitement a déjà commencé
Le diagnostic de l’agent pathogène est plus difficile en cas de méningite bactérienne si des antibiotiques ont déjà été administrés avant la PL. Bien entendu, cela ne doit pas conduire à retarder le traitement antimicrobien en cas de suspicion correspondante. Alors que le nombre de cellules reste généralement élevé pendant plusieurs jours, même sous antibiotiques (souvent même après la fin réussie du traitement), la sensibilité de la préparation de Gram et de la culture diminue dans cette situation. Parfois, des tests antigènes ou des méthodes de biologie moléculaire (PCR) peuvent être utiles dans ces cas.
Comment trouver la tuberculose ?
Avec une présentation parfois aiguë, mais souvent subaiguë à chronique, la méningite tuberculeuse représente un défi diagnostique particulier. Bien que certains paramètres de routine, tels qu’une pression d’ouverture élevée, une pléiocytose du LCR généralement modérée (autour de 300/µl) et principalement mononucléaire, ainsi qu’une hyperprotéinorrhée et une hypoglycorrhée puissent indiquer une méningite tuberculeuse, le diagnostic repose sur la détection du germe. La préparation de Ziehl-Neelsen et la PCR du liquide céphalorachidien devraient toutes deux avoir une sensibilité d’environ 60%. Les résultats de la culture, qui reste l’étalon-or du diagnostic, ne sont disponibles qu’après plusieurs semaines.
Infections chroniques
Parmi les infections chroniques du système nerveux, celles causées par les spirochètes sont souvent examinées au moyen de l’examen du LCR. Comme pour le diagnostic de certaines autres infections du SNC de longue durée (comme l’encéphalite herpétique qui dure plus d’une semaine), les méthodes sérologiques avec détection de la production d’anticorps intrathécaux jouent un rôle particulier. Pour ce faire, les anticorps sont mesurés dans le LCR et le sérum, ce qui permet de calculer l’indice LCR/sérum.
Neurolues
La question de savoir quels patients asymptomatiques présentant une sérologie positive dans le sang doivent subir une ponction lombaire est controversée. Lorsque le LCR est examiné, on s’attend à une pléiocytose mononucléaire de >10/µl à tous les stades des neurolues et on trouve également une hyperprotéinorachie comme résultat non spécifique. Le VDRL dans le LCR est considéré comme un test particulièrement spécifique et donc comme l’étalon-or du diagnostic, mais il n’a qu’une sensibilité de 30 à 70%. En revanche, un test spécifique au tréponème (tel que le TPHA) dans le liquide céphalorachidien est considéré comme très sensible. Par conséquent, s’il est négatif, il est très peu probable qu’il s’agisse d’un Neurolues. Dans les cas peu clairs, un index du LCR/sérum peut également être utile.
Neuroborréliose
Pour diagnostiquer la neuroborréliose, il est essentiel de disposer d’une clinique appropriée et de procéder à un examen du LCR. Pour un diagnostic sûr, les directives de l’EFNS exigent une pléiocytose du LCR (généralement mononucléaire entre 10-1000/µl) et une production intrathécale d’anticorps spécifiques, qui est mise en évidence par la détermination d’un index LCR/sérum. Dans le cas d’une neuroborréliose précoce, la détection d’anticorps dans le LCR doit avoir une sensibilité d’environ 70%, et dans le cas d’une infection chronique, elle doit avoir une sensibilité d’environ 100%. Il convient de noter qu’après un traitement réussi de la neuroborréliose, un index LCR/sérum positif peut persister pendant des années.
Littérature :
- Deisenhammer F, et al : Cerebrospinal Fluid in Clinical Neurology. Springer 2015.
Littérature complémentaire :
- Hasbun R : Fluide cérébrospinal dans l’infection du système nerveux central. In : Scheld WM, Whitley RJ, Marra CM.
- Infections du système nerveux central. Wolters Kluwer Health 2014.
- Mygland A, et al : Lignes directrices de l’EFNS sur le diagnostic et la prise en charge de la neuroborréliose de Lyme européenne. European Journal of Neurology 2010 ; 17 : 8-16.
- Thwaites G, et al : Lignes directrices de la British Infection Society pour le diagnostic et le traitement de la tuberculose du système nerveux central chez l’adulte et l’enfant. Journal of Infection 2009 ; 59 : 167-187.
- Venkatesan A, Griffin DE : Infections bactériennes. In : Irani DN : Fluide cérébrospinal dans la pratique clinique. Saunders 2009.
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2015 ; 13(4) : 4-6