La première session scientifique du congrès annuel de la Société Suisse de Cardiologie, qui s’est tenue le 11 juin 2014, était consacrée au TAVI (implantation de valve aortique par transcathéter). Des chirurgiens cardiaques et des cardiologues ont présenté leur point de vue sur les avantages et les inconvénients de la procédure et les dernières données suisses sur les résultats du TAVI ont été présentées.
(ee) Le professeur Jürg Grünenfelder, HerzKlinik Hirslanden, Zurich, a donné des informations sur le TAVI du point de vue du chirurgien. Environ 10% des patients atteints de sténose aortique sont des patients à haut risque ou même inopérables. Chez les patients ayant un score de chirurgie thoracique (STS) supérieur à 8 et un Euroscore supérieur à 20, le TAVI est clairement meilleur que la chirurgie en termes de morbidité et de mortalité. Mais qu’en est-il des patients à risque intermédiaire ?
Selon le registre allemand des valves aortiques, la mortalité est plus élevée chez eux après TAVI qu’après chirurgie. “Mais les scores de risque ne donnent pas de bonnes réponses à la question du TAVI ou de la chirurgie”, a déclaré le conférencier. “Les scores ne tiennent pas compte de facteurs tels que la frailty, la démence, les maladies du foie, une aorte en porcelaine, etc. C’est pourquoi nous avons besoin d’un score de risque TAVI”. Deux études en ce sens sont actuellement en cours.
Dans toutes les études chirurgicales menées jusqu’à présent, l’accès a été réalisé par sternotomie médiane plutôt que par mini-thoracotomie. Le professeur Grünenfelder a appelé à les utiliser plus souvent, car cela permettrait également de réduire la morbidité et la mortalité chez les patients.
Le professeur Stephan Windecker, de l’Hôpital universitaire de Berne, a ensuite présenté le point de vue du cardiologue. Il a souligné que le TAVI a contribué à élargir les indications pour les patients qui n’étaient pas traités auparavant et que le TAVI a permis d’énormes progrès techniques. Les résultats de deux études randomisées montrent que le TAVI offre des taux de survie au moins équivalents, voire supérieurs dans l’étude la plus récente, à ceux du remplacement valvulaire aortique chirurgical conventionnel. L’avantage en termes de survie semble être particulièrement prononcé chez les femmes. Les réserves exprimées précédemment concernant le taux d’AVC ont été levées dans les études les plus récentes et sont dues à l’amélioration de la technique d’implantation et aux médicaments antithrombotiques.
Sur le long terme, jusqu’à cinq ans, les prothèses valvulaires TAVI présentent des résultats stables, comparables à ceux de la chirurgie conventionnelle. En outre, la dernière génération de prothèses valvulaires TAVI offre des progrès importants en éliminant presque complètement les fuites paravalvulaires et l’insuffisance aortique concomitante. Ce qui importe avant tout, c’est le gain prononcé de qualité de vie qui se produit immédiatement après l’intervention.
Registre TAVI en Suisse et ailleurs
Le Registre suisse des TAVI(www.swisstaviregistry.ch) a été présenté par le professeur Peter Wenaweser, de l’Hôpital universitaire de Berne. L’objectif du registre est de déterminer la sécurité et l’efficacité du TAVI. Il a été mis en place en février 2011 et depuis, le nombre de TAVI réalisés a augmenté mois après mois. Jusqu’à présent, 700 patients ont été recensés, avec un âge moyen de 81 ans et un Euroscore moyen de 20,2%. Dans 80% des cas, l’intervention a été réalisée par voie fémorale. L’hospitalisation a duré en moyenne 11 jours, ce qui est encore trop long selon l’intervenant. Le taux de mortalité à 30 jours est de 4,8% et de 12% pour les interventions d’urgence. Les interventions avec accès transapical ont également une mortalité plus élevée. Aucune différence n’a été observée entre les différents implants TAVI en termes de résultats.
Dr Stefan Toggweiler, Hôpital cantonal de Lucerne, a donné des informations sur les chiffres des registres internationaux de TAVI. Le premier grand registre a été tenu au Canada, où la mortalité annuelle à partir de la deuxième année après l’intervention était d’environ 10%. Les registres du Royaume-Uni et de l’Italie ont montré une mortalité annuelle plus faible de 7 à 10 %. L’orateur a attribué les différents taux de mortalité, entre autres, aux différents risques et comorbidités des patients traités. Par exemple, plus l’Euroscore des patients traités est élevé, plus la survie à long terme est mauvaise.
En revanche, une maladie coronarienne (MC) existante, une aorte gravement calcifiée (aorte en porcelaine) ou l’implantation d’un stimulateur cardiaque n’influencent pas la survie après un TAVI, du moins pas à moyen terme. La durabilité des valves implantées est bonne sur une période allant jusqu’à cinq ans, mais les résultats à long terme doivent encore être attendus.
Développements futurs du TAVI
Aujourd’hui déjà, le TAVI est de plus en plus pratiqué sur des patients à faible risque, et ce phénomène va s’amplifier à l’avenir, a déclaré le PD Dr Fabian Nietlispach, Universitäres Herzzentrum, UniversitätsSpital Zürich. Deux études sont actuellement en cours à ce sujet : PARTNER 2 et SURTAVI. Pour répondre aux nouvelles exigences, les nouveaux dispositifs doivent remplir de nombreuses conditions : longue durée de vie, possibilité d’implantation transfémorale sous anesthésie locale, ils doivent pouvoir être conservés “on the shelf” et ne pas provoquer d’obstruction des coronaires. Les dispositifs auto-expansibles sont également soumis aux conditions des “3 R” : recapturable, retrievable, repositionnable. La plupart des nouveaux appareils remplissent ces conditions.
La Valve-in-valve-TAVI (ViV) a été expliquée par le Dr. med. Stéphane Noble, Hôpitaux universitaires de Genève. On entend par là un TAVI dans une prothèse valvulaire déjà existante. De telles interventions sont de plus en plus fréquentes, car il y a de plus en plus de patients qui survivent à un remplacement valvulaire à long terme et dont les bioprothèses dégénèrent avec le temps. Les analyses des données du registre mondial ViV (avec environ 550 interventions recensées) montrent que chez ces patients, le gradient de pression est en moyenne plus élevé et que le risque de malposition ou d’obstruction coronaire est plus important. Le taux de mortalité à 30 jours est en moyenne de 7,8%. Il est bien sûr important de connaître précisément les dimensions du volet d’origine (diamètre intérieur). L’orateur a jugé que le ViV-TAVI était une alternative attrayante à la chirurgie, mais qu’il n’existait pas encore d’études comparatives sur la chirurgie répétée.
Accès et fermetures
Quel accès choisir pour un TAVI et comment refermer l’accès ? Christoph Huber, PD, Hôpital universitaire de Berne, et Giovanni Pedrazzini, PD, Hôpital cantonal de Lugano, se sont exprimés sur ces questions. L’accès transapical nécessite toujours une thoracotomie. Différents systèmes sont en cours de développement pour fermer l’accès comme un bouton-pression ou un parapluie, ce qui permet de réduire la taille de la thoracotomie. L’objectif est de réaliser une intervention entièrement percutanée. Un tel dispositif n’existe pas encore, mais on peut s’attendre à ce qu’il soit développé dans les 2-3 prochaines années.
Les complications hémorragiques sont relativement fréquentes avec la voie fémorale, plus souvent chez les femmes, lorsque le cathéter est de grand diamètre (>19 F) et en cas de maladie vasculaire périphérique. Les hémorragies pouvant être fatales, l’anatomie vasculaire doit être soigneusement évaluée avant toute procédure transfémorale ; un diamètre vasculaire d’au moins 18 F est indispensable. Pendant l’intervention, il est essentiel de ponctionner exactement au bon endroit, d’utiliser un cathéter aussi petit que possible (16 ou même 14 F) et de savoir comment traiter les complications – et il ne faut pas hésiter à appeler le chirurgien si nécessaire.
Conclusion
Le professeur Thomas Walther, Bad Nauheim, Allemagne, a conclu le symposium. Actuellement, le taux de mortalité est de 3% pour le TAVI et de 1% dans les centres spécialisés. Il n’est pas encore possible de dire si le TAVI sera utilisé à l’avenir pour d’autres groupes de patients. Le choix d’une procédure particulière doit être axé sur chaque patient, en fonction de ses symptômes, de ses activités, de son espérance de vie, etc. “Le TAVI est actuellement le marché des technologies médicales qui connaît la plus forte croissance”, a souligné le professeur Walther. “Les intérêts de l’industrie ne coïncident pas toujours avec les intérêts des patients. Mais il ne faut pas se laisser mettre sous pression par cela, il faut regarder chaque patient individuellement, faire une évaluation précise et garder un œil sur les résultats des études”.
Source : Congrès annuel de la Société Suisse de Cardiologie et de la Société Suisse de Chirurgie Cardiaque et Thoracique, Session scientifique le 11 juin 2014, Interlaken
CARDIOVASC 2014, 13(4) : 29-30